31è Étrange Festival www.etrangefestival.com

31è Étrange Festival – Programme n°1 “It’s a match!” ou pas…

La compétition commence dès ce mardi soir pour la section des courts métrages dans le cadre du 31è Étrange Festival, avec dans ce programme des surgissements impromptus, appelant d’abord la surprise comique vers un glissement dramatique progressif reposant sur des associations inopinées, des duos fortuits ou des mal assortis bien complémentaires… Nous vous mettons en exergue nos films préférés et coups de cœur parmi cette sélection.

 

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Programme n°1  “It’s a match!” ou pas… : 02/09 • 19h & 03/09 • 17h

 

 

31è EF - Whitch de Hoku Uchiyama

31è EF – Whitch de Hoku Uchiyama

Whitch de Hoku Uchiyama : ce court est un condensé représentatif de Uchiyama et du courant néo-féministe investissant la figure mythique de la sorcière ces dix dernières années. Dès les premières images, on ressent les influences des films de genres et ses productions clipesques/spots TV dans lesquelles il a baignées (pour Katy Perry sous Hoku & Adam, Evelyn Evelyn, des grandes marques, le Cycle Planète Manga ! – Moto Hagi pour le Centre Pompidou …), sa maîtrise de l’image avec des couleurs chatoyantes et un humour qui tient excellemment la durée du court, cela n’aurait pu être adapté en long. Il nous invite alors à entrer dans l’intimité cosy partagée par une mère et sa fille en totale complicité, entourées de fétiches proclamant ainsi qu’elles sont les héritières des sorcières au XXIè siècle (décoration de porte, paillasson, coussin wicca, le partage d’un conte entre deux générations de féministes éclairées dans ce gynécée douillet…). Cependant, quelle stupeur quand le film aux allures de conte féerique tourne à l’home-invasion provoqué par une vielle femme interpellant la mère comme une sœur et improvisant un rituel sanglant dans le salon ! Toute cette petite mécanique fonctionne à merveille, quand une oreillette bluetooth vient perturber cette rencontre fracassante, qui aurait en fait pu être désirée à un instant, mais semblant finalement n’être ni le bon moment, ni le bon endroit pour ce premier contact. On y retrouve Alicia Blasingame en mère dépassée (réalisatrice de Scratch et actrice dans la série TV Kidnapped in a Small Town) et Rosemary Hochschild (en sorcière décoiffée et décoiffante (figuration dans Born in Flames & Recherche Susan désespérément, et scénariste de King Blank) à qui est dédié ce film suite à sa disparition en 2024. Cette compétition commence très fort !

 

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31è EF - Wanna Die Wanna Kill 죽고 싶다 죽이고 싶다 de Jeong Jaehee 정재희

31è EF – Wanna Die Wanna Kill 죽고 싶다 죽이고 싶다 de Jeong Jaehee 정재희

 

Wanna Die Wanna Kill 죽고 싶다 죽이고 싶다 de JEONG Jaehee 정재희 : Il s’en passe des choses dans la chambre 1412 de l’Hôtel Newv… Après le déclic caractéristique électronique ouvrant la porte moderne sud-coréenne, Chaeyeon découvre avec nous ce qui va être sa demeure finale, d’un regard on balaie l’ensemble de la suite sobre aux éléments contemporains chic dans son camaïeu de gris. Sur la grande table marbrée, elle y dépose tout son attirail de suicidaire afin de ne pas se rater : cordes, somnifères, adhésif, briquet, cartouche de gaz, et en dernier un cutter. Elle imagine chaque option de son funeste scénario et on comprend qu’elle y a donné rdv pour un pacte de suicide collectif sous l’alias Rat Poison avec des inconnu·e·s (Loner Loser & Suicidal Bunny) sur une messagerie. Lorsque Loner Loser se présente, on se rend compte que la paire dénote, elle toute en réserve, lui tout en assurance. La prévenance de ce dernier invite Chaeyeon à se confier, avec une ambiance plus intimiste aux lumières tamisées dans le salon, jusqu’à ce que Loner Loser lui fasse une proposition étonnante, faisant basculer le drame au thriller. La mise en place d’indices dans le récit nous indique que quelque chose ne tourne pas rond. Si vous aimez le suspense oppressant à la The Chaser, la mise en scène de ce court prometteur distille avec la musique de OH Ji-eun 오지은 & CHOI Soo-rin 최수린 le dosage suffisant pour colorer l’atmosphère de mystère et tension, les cadres posés s’attardent sur la palette d’expressions de jeunes acteurs convaincants, repérés par JEONG grâce à leurs filmographies solides pour leur jeune âge (KIM Ju-ah 김주아 vue notamment dans A Boy and Sungreen 보희와 녹양 & CHO Kyung-chang 조경창 quant à lui dans Baby Beside Me 아기와 나) et permettent ainsi de suivre l’évolution de leur personnage dans une fulgurance de violence cathartique. Sous ses atours jubilatoires, le film aborde un sujet ayant rendu tristement notoire la Corée du Sud, avec l’un des taux de suicide les plus élevés des pays de l’OCDE (en 2023, 24,1 décès pour 100 000 habitants), et notamment ce phénomène des suicides collectifs organisés en ligne qui prit de l’ampleur dans les années 2010’s et toucha surtout les adolescents, désœuvrés comme les protagonistes à ne trouver ni sens dans leur vie, ni place dans la société (CHO Chang-ho 조창호 l’avait traité dans Another Way 다른 길이 있다). La cinéaste, ayant étudié à la K’arts, creuse le sillon après Home en 2023 de cette charge mentale incitant au passage à un acte irrémédiable et nous sensibilise par là à la bienveillance dont on peut faire preuve envers les autres et soi-même.

 

 

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31è EF - Die Falte (The Fold) de Patrick Buhr

31è EF – Die Falte (The Fold) de Patrick Buhr

Die Falte (The Fold) de Patrick Buhr : La conversation en duo à laquelle on assiste substitue le point de vue de Buhr aimant observer les choses banales de son quotidien, ici un homme et une femme spéculent sur ce qu’ils voient devant eux, on les imagine à une terrasse de café, et comme beaucoup de quidams se livrent à des théories en regardant les badauds passer sur la place du village, enfin surtout elle, qui étire le fil de ses élucubrations devant son interlocuteur circonspect. Elle lui développe une théorie chuchotée par sa grand-mère qu’il n’y a aucun contour, et que tout est pli, voire pli dans le pli, ainsi la femme en tire 4 exemples d’interactions de personnes sur cette place avec leurs mementos émotionnels : un pigeon, des caleçons, un collier robot & des billes. Cette idée du pli fut inspirée au cinéaste par « Leibniz, le pli et le baroque » de Gilles Deleuze, lui faisant expliquer que ‘la courbe n’a pas d’essence intrinsèque, mais est un pli de son environnement‘, appliquant cela à sa mise en scène dynamique, dont l’esthétique fusionne les plans et comment l’arrière-plan se plie au premier plan pour un rendu fluide et constant, sans frontière par l’intégration de 3D formulant ce tout. Imprégné de philosophie et d’intérêt pour les technologies, il vint tardivement au cinéma par l’Académie des Arts Médiatiques de Cologne puis à la performance, tout cela le nourrit afin de se lancer dans le cinéma d’animation et la programmation graphique, le poussant à expérimenter des techniques pour donner former à ses concepts, tel le système de particules. Notamment ici avec l’exemple de Cedric & Nastya en couple qui se sont autorisés l’adultère en échange de vols de caleçons des amants de Nastya, l’animation de Buhr nous saisit par surprise : on aurait pu croire que son penchant pour la philosophie nous aurait tenu à l’écart par des notions intellectuelles trop abstraites, la force de sa mise en scène tient là avec ce coït bestial mêlé au son de battements de cœur dans un assemblage de lignes, courbes, couleur rouge sanglante, pulsations sonores que le mixeur et concepteur sonore Gerald Schauder a su marier aux images avec talent. C’est pourquoi, le panorama du festival en de riches sections hétéroclites contenant de l’expérimental invite ainsi le public à s’immerger dans des formes auxquelles il n’a pas forcément l’habitude de s’exposer, et ce film permet alors de découvrir comment l’expérimental touche sans être pour autant très narratif des éléments triviaux de nos vies, en faisant la connexion entre réflexions et émotions. C’est notamment grâce à des programmes TV accessibles gratuitement comme Court-circuit sur Arte qui donna le goût à Buhr de se lancer et de le convaincre que l’expérimental était son meilleur moyen d’expression pour sa sensibilité et sa mise en images de concepts philosophiques, sans oublier une dose d’humour. D’ailleurs, la chute de ce quasi monologue farfelu donne une note cruelle à ce date duquel on pourrait en tirer l’enseignement que la réussite d’un rdv tient surtout à sa capacité à partager et s’écouter mutuellement.

 

 

La compétition se poursuit jusqu’à vendredi 12 septembre, et vous avez l’occasion de participer en votant à l’issue de chaque projection.
Deux Prix seront décernés ce samedi 13 septembre : le Grand Prix Canal+ par l’équipe éditoriale de la chaîne partenaire et le vôtre, le Prix du Public !

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