Du 2 au 13 septembre 2025 aura lieu la trente-et-unième édition de l’Etrange Festival, incontournable événement dévolu au Septième Art dont votre revue Culturopoing a l’honneur d’être partenaire, célébrant comme il se doit le cinéma de genre international dans l’enceinte du Forum des Images, situé au sein de ce qu’on appelait d’antan le « Ventre de Paris » et abritant pendant onze jours un cinéma faisant montre de cœur et de tripes. Les agapes cinéphiles seront une fois encore roboratives durant ces rencontres cinéphiles : douze longs métrages participeront à la compétition internationale à l’issue de laquelle seront décernés le Grand Prix Canal + Nouveau Genre et le Prix du Public, quarante-six courts-métrages auront les honneurs de la compétition parallèle qui leur est réservée, vingt-cinq œuvres inédites seront proposées en avant-première, ainsi que deux « cartes blanches » et diverses séances spéciales. Tout cela est bel et bien propre à satisfaire tous les appétits.

Le film d’ouverture de cette édition de l’Etrange Festival, The Forbidden City, verra le retour dans les salles du Forum du cinéaste italien Gabriele Mainetti, récipiendaire du Grand Prix Nouveau Genre en 2016 avec On l’appelle Jeeg Robot et ayant encore fait entretemps parler de lui avec le beau Freaks Out (2021) ; tout aussi excellent formaliste que magnifique raconteur d’histoires, créateur de cinéma populaire exigeant et cinéphile, Mainetti est toujours attendu de pied ferme. Son nouveau long métrage, hommage romanesque au cinéma hong-kongais, ne fait pas exception. De même attendra-t-on, dans un style très différent, le nouveau film de Fabrice Eboué qui clôturera le festival. Succédant à un Barbaque réussi présenté ici même en 2021, Gérald le Conquérant promet une nouvelle dose d’acidité et d’humour ciblant les ridicules de l’intolérance, qui prouveront sans nul doute que le réalisateur détonne salutairement dans le paysage tranquille et propret d’une comédie française ô combien aseptisée et frileuse. La première de ces deux parenthèses ouvrira également la compétition dont certaines œuvres seront particulièrement attendues : Odyssey du Britannique Gerard Johnson, dont nous nous rappelons le très sombre Hyena (2014), et qui nous permet d’entrevoir une nouvelle série noire serrée, cette fois-ci au féminin, dans un Londres interlope, suivant la trajectoire nocturne d’une cocaïnomane compromise dans le kidnapping d’un homme qui dégénère gravement ; Karmadonna, premier film comme réalisateur du scénariste serbe Aleksandar Radivojevic, qui avait écrit le culte et clivant A Serbian Film (Srdjan Spasojevic, 2010) et qui s’attaque ici à ce sous-genre toujours attrayant du film de tueur à gages, dont il devrait détourner les codes sans utiliser de pincettes ; ou encore 40 Acres du Canadien R.T. Thorne, promettant une sorte de thriller post-apocalyptique infusé dans le contemporain, entre péril écologique, chaos belliciste permanent et Black Lives Matter badigeonné de sirop d’érable.

La section Mondovision nous permettra de découvir en avant-première quelques films très alléchants : Bulk de Ben Wheatley, qui semble fort heureusement revenir à ses amours expérimentales après s’être perdu ces dernières années dans de faibles productions Netflix ou dans des blockbusters pour Jason Statham ; Que ma volonté soit faite de Julia Kowalski, comme un probable écho contemporain à The Devil’s Bath de Veronika Franz et Severin Fiala (2024), cultivant l’indistinction entre cinéma réaliste et chronique fantastique et ayant fait belle impression au dernier Festival de Cannes ; Gibier d’Abel Ferry, survival en abattoir qui promet une étrange synthèse entre le cinéma de Serge Leroy et celui de Jeremy Saulnier ; ou encore l’adaptation de La Disparition de Josef Mengele d’Olivier Guez réalisé par Kirill Serebrennikov, qui a certes divisé Cannes en mai dernier mais dont le cinéaste qui l’a prise en charge intrigue toujours de film en film, entre geste arty et virulence politique. Ajoutons à cela en séance spéciale l’avant-première de La Tour de Glace de Lucile Hadzihalilovic, prenant l’apparence d’une nouvelle variation attrayante de la cinéaste autour de la cruauté des contes desquels elle aurait élagué toutes les petites branches mortes ne servant finalement qu’à en édulcorer la raideur et les complexités. Elle avait déjà approché le genre de cette façon avec le magnifique Innocence (2004), son nouveau film promet beaucoup.

Les sept films de la section Nouveaux Talents feront la part belle à un cinéma d’animation exigeant et audacieux, traitant tout autant de la barbarie nazie en stop motion et en pâte à modeler (Memory Hotel de Heinrich Sabl) que d’aventures picaresques aussi psychédéliques que lesbiennes (Lesbian Space Princess d’Emma Hough Hobbs et Leela Varghese) en passant par une visite du Royaume des Morts inspirée par Burton et Del Toro (Je suis Frankelda de Rodolfo et Arturo Ambriz). Nous découvrirons également I Live Here Now, premier film de Julie Pacino (fille de) qui a tout sur le papier pour se révéler comme un récit d’épouvante claustrophobe et hallucinatoire.

Cette édition 2025 de l’Etrange Festival laisse une place conséquente au grand cinéaste kazakh Adilkhan Yerzhanov, habitué de l’événement depuis le coup de projecteur que le festival fit en 2018 sur les premières oeuvres de sa filmographie. Outre un film en compétition (Cadet), un autre programmé dans la section Mondovision (Moor) et une séance spéciale permettant de découvrir sa première série télé placé sous le signe du fantastique (Kazakh Scary Tales), Yerzhanov se voit offrir une carte blanche lui permettant de programmer cinq films ayant marqué sa cinéphilie, puisant autant dans le film de guerre (Le Pont de Bernard Wicki, Enfants de salauds d’André De Toth) que dans la comédie noire (Fatal Games de Michael Lehmann), le thriller (Sous l’emprise du démon de Roy Boulting) ou le post-apocalyptique iconoclaste (Six-String Samurai de Lance Mungia). L’autre carte blanche du festival est donnée au cinéaste pulp Stephen Sayadian (dont deux des films, Café Flesh et Dr. Caligari, sont programmés dans la section Pépites de l’Etrange), grâce auquel nous pourrons découvrir ou redécouvrir sur grand écran des classiques (Les Diables de Ken Russell ; Une femme dans une cage de Walter Grauman), des cinéastes reconnus mais finalement plutôt rares (Walerian Borowvzyk et son Docteur Jekyll et les femmes) et des raretés diverses et variées (Brûle, sorcière, brûle ! du Britannique Sidney Hayers, La Chute d’Otrar du Russe Ardak Amirkoulov).

A tout ceci s’ajoutent encore quelques mignardises dont on aurait tort de se priver : une soirée réservée à Barbara Steele, lors de laquelle deux films seront projetés, présentés par cette égérie du cinéma de genre et du cinéma tout court, qui honorera le festival de sa présence et d’une discussion immanquable avec le public ; une programmation offerte à la web-revue pionnière « La Spirale » fêtant ses trente ans d’existence, qui a privilégié le format documentaire et qui permettra également de voir ou de revoir A Scanner Darkly de Richard Linklater ; l’intégralité de la saga Lady Yakuza, guerrière incarnée par l’actrice devenue icône Junko Fuji ; un hommage au cinéaste-poète surréaliste Robert Lapoujade ; une anthologie de films produits par l’INA parmi lesquels des raretés de Jean Eustache, Bernard Queysanne ou des œuvres placées sous l’égide de Jean-Claude Carrière ; une soirée « poupée gonflable » (!) programmée par le génial Christophe Bier ; une soirée « Grand-guignol » gouvernée par Serge Bromberg ; un hommage au génial animateur britannique Phil Mulloy, récemmet décédé ; et une section Pépites de l’Etrange faisant la part belle à un certain cinéma d’horreur hong-kongais des années 70 et 80.

Bref, une fois encore, l’Etrange Festival frappe fort. Pour voir la programmation complète et accéder à des informations complémentaires, n’hésitez pas à visiter le site officiel du festival.
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