Étrange festival

28e Etrange Festival – Compétition courts métrages #4

Ce programme renvoie à notre rapport à la terre via une pluralité d’allégories, dépliant toute une palette foisonnante, créative et fantasque de techniques, formes, esthétiques, signes et de symboles passionnants.

 

28è Étrange festival – compétition courts métrages #4

28è Étrange festival – compétition courts métrages #4

 

Lieu de genèse luxuriante augurant mille promesses (Shift Simmers Slips) ou de création anxiogène (Perfect City: The Mother), la terre incarne aussi celui de l’enfouissement de nos secrets les plus mystérieux ou coupables (Det Er I Jorden; The Diamond ; Soggy Biscuit), ou notre lien mystique reflétant notre condition humaine, nos fragilités et notre finitude (The Rock of Ages; Masques).

 

 

Shift Simmers Slips s’inspire du Codex seraphinianus de Luigi Serafini, encyclopédie créée entre 1976 et 78 illustrant des mondes imaginaires avec des langues inventées par Serafini lui-même : Nagler étend et déploie les univers de l’architecte graphiste italien en une myriade d’animations chapitrées enrichissant la logique de l’encyclopédie et sa sémiologie intrinsèque. Par une mise en scène expérimentale composée de plans en 3D, l’imagerie entêtante du Codex prit vie en volumes durant la crise sanitaire, avec une intense production et post production via des logiciels dédiés (Cinema4D, iClone, Character Creator 3, Substance Painter, Marvelous Designer & After Effects). L’artiste digital allemand s’amusa à expérimenter l’apparente perfection de ses rendus en y mêlant des petites anomalies techniques, notamment lors d’un passage de 60 à 25 images par secondes, offrant ainsi à notre œil un jeu sur notre perception et la diversité des objets naturels que l’on reconnaît (cf visuels ci-dessus) et ceux artificiels provenant de leurs imaginaires prolifiques.

 

Perfect City: The Mother de Zhou Shengwei

Perfect City: The Mother de Zhou Shengwei

 

Il en va de même pour Zhou, spécialisé en VR/XR et qui nous est connu pour son long-métrage SHe, modelant ici une fiction expérimentale angoissante autour de la (pro)création, le terreau maternel cherche à enfanter de ses racines un enfant qui lui serait parfait. En utilisant des techniques d’animation en stop-motion et d’images de synthèse en 3D, l’un de nos fantasmes les plus obscurs prend forme sur grand écran, faisant écho à l’autre panorama de cette section sur la maternité et le désir d’en attendre l’excellence, une extension de nous polie et façonnée par nos caprices.

 

 

Partons du côté du registre humoristique afin d’explorer notre masculinité, la bromance et l’affirmation d’une certaine connivence virile. Ici sévissent dérision, ironie et farce, pointant nos pulsions les plus viles ou nos peurs les plus enterrées. Dans Soggy Biscuit, l’esprit d’intégration passe par un rite initiatique des plus cul-inaires : au fond des fois un escadron passe le temps en se masturbant copieusement afin de viser un biscuit au sol, l’issue comique pour les non connaisseurs de cette pratique ne va pas être divulgâchée, mais elle aura le mérite de vous introduire à un jeu pour le moins savoureux…. Autre récit de mauvais goût, attaché à la terre nourricière enfouissant des trésors tel un diamant en son sein, le court-métrage de Rupic a fait l’ouverture du 28è Étrange festival et a conquis le public présent, reposant sur l’archétype de deux personnes, qui ne seraient jamais rencontrées en d’autres circonstances, et qui vont affronter des défis inédits ensemble, pour l’assouvissement cupide de l’un d’eux. C’est drôle et méchant, le décalage permanent autant dans la forme que dans le fond, réussit le pari d’emmener les spectateurs dans un délire irrévérencieux à la conclusion des plus surprenantes.

 

 

Si la terre ne se laissait pas si facilement fouillée précédemment, dans The Rock of Ages elle livre des énigmes qui remontent aux croyances animistes, interrogeant de façon facétieuse notre rapport à la mort par l’entremise d’un rocher qui perçoit les failles d’un grand gaillard, sous sa montagne de chair et de muscles, la vulnérabilité affleure.

« Memento, homo, quia pulvis es, et in pulverem reverteris »… avec Det Er I Jorden cultive tout son mystère vénéneux avec une musique certes surlignée mais terriblement efficace servant une mise en scène où chaque plan avance un peu plus avant dans l’énigme, la révélation y est glaçante et spectaculaire.

 

Masques de Olivier Smolders

Masques de Olivier Smolders

 

Pour finir ce programme, mon coup de cœur de la sélection : Masques. Éblouissement dans l’écriture et la mise en scène, un récit aussi intime qu’universel qui recèle les vrais trésors que notre terre cache : Smolders appelle à notre imagination pour faire le lien entre les morts, nos fantômes et nous les vivants, il articule ainsi sa narration autour d’archives variées (photos, sculptures, ex votos, masques, films…) convoquant notre relation à la mort au travers des âges, des temps primitifs aux plus contemporains, lorsque le décès récent de ses parents lui fait remonter à la surface des réminiscences que l’Humanité se partage, jusqu’à des fragments plus privés. J’aurais pu croire à une énième histoire bourrée d’anecdotes en temps de COVID19 comme il en pullule depuis deux ans, et pourtant ce court-métrage se démarque notablement par la sidérante cohérence de ce qui est convoqué : l’empreinte mystique des masques portés par des sorciers et chamans, le sourire énigmatique de L’Inconnue de la Seine scellé par son masque mortuaire, les masques prothèses des Gueules cassées de la Première Guerre mondiale (la sculptrice Anna Coleman Ladd tenta de préserver la dignité de plus d’une centaine de soldats défigurés au combat), les masques chirurgicaux que nous portons depuis 2020… Ces artifices, prolongations, oblitérations ou extensions de nous, nous donnent l’occasion d’exprimer autrement ce que nous ne pouvons plus percevoir en surface (sourire, émotions), mais ces masques rajoutent alors de l’étrangeté à notre humanité ou l’exorcisent de ses démons et terreurs, tel un pansement à nos souffrances.

 

 

Programme n°7 « C’est dans la terre… » :

 

Prochaine projection du programme n°7 le le 17/09 à 19h15 & tout le calendrier des programmes courts de l’Étrange festival

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