Cobre de Nicolás Pereda : fantômes sous la poussière
Avec Cobre, présenté au FID 2025, le cinéaste mexicano-canadien Nicolás Pereda poursuit son exploration des marges, de l’attente et de l’invisible. Sur 79 minutes, il filme les abords d’une ville minière comme une zone de latence, suspendue entre le réel et la rumeur, la terre et ses profondeurs, les vivants et les morts.
Lázaro, modeste ouvrier d’une mine de cuivre, découvre un cadavre au petit matin. Dès lors, plus rien ne sera tout à fait tangible. Persuadé d’être atteint d’une maladie respiratoire, il refuse de retourner travailler sous terre. Pourtant, ce n’est pas la mine seule qui l’effraie, mais ce que cette découverte a réveillé : une peur sourde, irrationnelle, nourrie de soupçons, de souvenirs tus, de désirs enfouis.
Fidèle à sa méthode, Pereda évite tout spectaculaire. L’intrigue — si l’on peut encore appeler ainsi cette trame ténue — avance par à-coups, glissements, silences. La mine est omniprésente, mais rarement montrée : elle agit comme un hors-champ oppressant, symbole d’un système extractif où les corps s’usent, où les voix s’éteignent. Elle est aussi un lieu mental, un gouffre intérieur.
Cobre n’est pas un thriller minier ni un film social frontal. Il s’inscrit dans la veine la plus contemplative de Pereda, à la frontière du documentaire et de la fiction, dans la lignée d’Los mejores temas ou Todo, en fin, el silencio lo ocupaba. Mais ici, la matière est plus dense, la poussière plus opaque, les visages plus hagards. Lázaro devient peu à peu une figure hantée, un témoin sans parole d’un monde qui ne veut pas voir ses morts.
Les paysages désolés, filmés dans des tons terreux et métalliques, donnent au film une texture minérale, presque tactile. La lumière écrasée, la sécheresse des dialogues, le jeu suspendu des acteurs non-professionnels composent une atmosphère d’errance existentielle. On pense à Post Tenebras Lux de Carlos Reygadas ou à Dead Slow Ahead de Mauro Herce : ces récits où le travail déshumanisé devient le théâtre de visions intérieures.
Mais Cobre est avant tout un film sur la contamination : celle du corps, du regard, des récits. Le cadavre trouvé n’est jamais vraiment identifié. Il infuse. Il obsède. Il transforme. Et tout autour, la communauté — ouvriers, femmes, enfants — devient à son tour poreuse, prise dans un réseau de suspicions et de désirs muets.
En creusant ce territoire entre mythe et matière, Pereda signe une œuvre lente, discrète, mais puissamment évocatrice. Un film qui s’enfonce doucement dans le sol, comme pour écouter ce que les pierres ont à dire.
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