FID 2025 (Compétition internationale) Andrius Arutiunian – « End Pull »

End Pull d’Andrius Arutiunian : méditation spectrale sur la disparition

Présenté dans la sélection FID 2025, End Pull d’Andrius Arutiunian est une œuvre contemplative et formellement radicale, située quelque part entre la performance sonore, le cinéma structurel et le poème visuel. Réalisé entre la France, les Pays-Bas, l’Arménie et l’Ukraine, ce film de 53 minutes s’ouvre sur un geste simple mais saisissant : un zoom lent, continu, presque imperceptible, qui cadre une chaîne de montagnes au-dessus du lit asséché d’une rivière arménienne. Ce déplacement minimal devient l’ossature du film.

Dans cet espace apparemment vide, le film convoque une bande-son étrange et dense : deux voix, celles de démons évoquant des mythologies oubliées, commentent en hors-champ l’invisible, la perte et la mémoire. Le spectateur est alors confronté à une tension singulière : l’image, stable et presque méditative, s’oppose à la parole mouvante, incantatoire, dont la polysémie ouvre un champ d’interprétation infini.

Le film puise son inspiration dans Wavelength de Michael Snow, dont il reprend le dispositif structurel pour le détourner vers une réflexion post-métaphysique. Mais là où Snow plaçait l’image dans un espace urbain et intérieur, Arutiunian choisit le paysage naturel comme matière du deuil et de la disparition. Il enregistre les fantômes d’un territoire traversé par les guerres, les déplacements, les assèchements symboliques.

Cette disparition — celle d’un cours d’eau, d’un mythe, d’un peuple, peut-être — se donne à voir moins comme un drame que comme une lente érosion. Le film devient alors un requiem laïque, un temps suspendu où le paysage parle à travers les voix, mais aussi à travers les silences et les frémissements sonores imperceptibles. Loin du documentaire, End Pull fait l’expérience d’un cinéma qui se pense comme rituel.

Par son minimalisme formel, sa puissance sonore et sa lenteur assumée, End Pull s’impose comme une œuvre de résistance poétique. Il propose une autre manière de représenter la perte : non pas en cherchant à combler l’absence, mais en la laissant s’étirer, vibrer, se transformer en présence spectrale. Un film qui oblige à écouter autrement — l’histoire, la mémoire, la terre.

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