FID 2025 (Compétition internationale) Teresa Arredondo – « Esa otra selva blanca »

Esa otra selva blanca de Teresa Arredondo : les oiseaux du souvenir

Avec Esa otra selva blanca, présenté au FID 2025, la cinéaste chilienne Teresa Arredondo signe un film délicat et personnel, une œuvre de filiation hantée par le deuil et nourrie par la survivance poétique des signes du passé. En seulement 65 minutes, elle tisse un réseau de présences invisibles, d’échos familiaux et de correspondances magiques, où les oiseaux deviennent les messagers d’un monde disparu.

© Teresa Arredondo

La matière première du film est intime, presque secrète : le deuil du père, les absences accumulées, et ce qui reste — non pas tant les objets que les impressions, les traces, les mots. Des lettres sont relues ou inventées, qui auraient été écrites par des oiseaux visiteurs de l’enfance, et que la réalisatrice adresse aujourd’hui à son propre fils, dans un geste de transmission douce et étrange. À travers cet artifice poétique, Arredondo invente un cinéma épistolaire tourné vers l’invisible : on ne voit pas les oiseaux, mais leur langue existe. Elle s’adresse à l’enfant comme à nous, dans une tonalité murmurée, complice, suspendue.

Visuellement, le film s’inscrit dans un entrelacs de textures fragiles, d’images analogiques, de paysages effacés. Il y a quelque chose du journal intime filmé, mais aussi d’un conte mythologique enfoui. La « selva blanca » du titre — cette « autre jungle blanche » — est sans doute autant la forêt des souvenirs que la page encore à écrire. Cette blancheur, à la fois lumière et perte, habite chaque plan.

Comme dans La casa lobo de Joaquín Cociña et Cristóbal León ou Correspondencia de Dominga Sotomayor et Carla Simón, Esa otra selva blanca préfère la suggestion à l’affirmation, la lettre au discours, la magie au réalisme. C’est un film d’écoute : écoute des silences, des interstices, des chants d’oiseaux qui disent l’indicible. Il ne cherche pas à expliquer la mort, mais à la traverser en compagnie — en celle du fils, du père disparu, et de ces oiseaux qui, enfants ou adultes, nous parlent au creux de l’oreille.

En cela, Teresa Arredondo signe une œuvre rare : un film de deuil qui est aussi une célébration, une tentative de transmission par l’imaginaire et le lien transgénérationnel. Un poème filmique, tendre et subtil, sur ce qui continue à nous habiter longtemps après que les voix se sont tues.

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A propos de Frédérique LAMBERT

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