Miraculous Accident d’Assaf Gruber : fragments d’amour et d’histoire
Avec Miraculous Accident, l’artiste et cinéaste Assaf Gruber condense en une trentaine de minutes un récit dense, à la croisée du mélodrame intime et de la réflexion historique. Le film commence avec la découverte d’une lettre, déclencheur d’un ressouvenir : celui de Nadir, étudiant marocain à l’école de cinéma de Łódź dans les années 1960, et de sa liaison avec sa professeure de montage, juive, antisioniste, et Polonaise. De cette trame ténue, Gruber tire une méditation en strates sur les affects, les idéologies, et les survivances du passé dans les corps et les mémoires.
© Assaf Gruber
La forme est hybride, entre fiction reconstituée et essai filmique. À travers des archives, des reconstitutions épurées et des inserts contemporains, Miraculous Accident adopte un ton à la fois feutré et politique. Le titre, à double sens, évoque à la fois la fragilité miraculeuse des rencontres humaines — et la violence des accidents de l’histoire qui les brisent ou les déforment. Gruber n’illustre pas un passé révolu : il le fait vibrer dans le présent, en interrogeant les gestes, les paroles et les silences qui ont traversé les décennies.
En explorant une relation marquée par les conflits identitaires (le colonialisme, l’antisémitisme, l’antisionisme, les révoltes étudiantes), le film renvoie à une Europe de l’Est tiraillée entre mémoire de la Shoah, solidarité tiers-mondiste, et dogmes du bloc soviétique. Cette histoire d’amour impossible, située dans la Pologne communiste de 1968, fait écho à une génération de militants intellectuels cosmopolites, aujourd’hui largement oubliée.
© Assaf Gruber
On pense au travail de Chantal Akerman, ou aux récits éclatés de Radu Jude, pour cette manière de croiser l’intime et le géopolitique, les choix de montage et les fractures idéologiques. La figure de la professeure devient ici l’incarnation d’un cinéma possible — un montage de la mémoire et du désir, qui résiste aux récits dominants. Le lien pédagogique devient lien charnel, politique, et rétrospectivement mélancolique.
© Assaf Gruber
En seulement 30 minutes, Gruber signe un film ambitieux, elliptique et profondément émouvant, qui interroge la transmission — des idées, des gestes, des souvenirs. Miraculous Accident s’inscrit dans une veine de cinéma-mémoire où la lettre retrouvée devient révélatrice d’un passé encore agissant, et d’une histoire d’amour qui, en dépit des déflagrations idéologiques, continue de murmurer dans les images.
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