Frío Metal de Clemente Castor : Dérives souterraines et délitement de l’être
Avec Frío Metal, présenté au FIDMarseille 2025, Clemente Castor livre une expérience sensorielle radicale, à la frontière du film de science-fiction post-industriel, de l’essai philosophique et de la dérive expérimentale. Ce récit énigmatique suit Mario, un homme amnésique, dont la rencontre avec le mystérieux Lazare déclenche une errance physique et mentale dans les marges de Mexico – de ses banlieues délabrées aux galeries souterraines qui semblent absorber les corps et les pensées.
© Clemente Castor
Mais plus que l’histoire, c’est la forme du film qui interpelle. Tourné avec une grande attention aux textures, aux sons métalliques, aux fragments de lumière filtrée par les interstices urbains, Frío Metal matérialise l’idée d’un monde qui s’effrite. Les corps des deux personnages ne cessent de se heurter à l’espace – à sa rugosité, à son opacité – comme si le paysage lui-même refusait de les intégrer. Le cinéma de Castor évoque ici les errances existentielles d’un Béla Tarr plongé dans les profondeurs d’un Stalker latino-américain.
© Clemente Castor
La figure de Lazare, aux résonances bibliques, agit comme passeur entre les mondes : celui du souvenir et celui de la disparition, celui de la ville saturée et celui de l’infra-monde. Le film explore ainsi une mémoire trouée, décomposée, inscrite dans les murs décrépis, les tunnels vibrants, les flaques stagnantes. La caméra accompagne les mouvements de Mario comme un témoin organique de sa désintégration identitaire.
© Clemente Castor
La bande-son participe de cette étrangeté profonde : bruits industriels, pulsations souterraines, fragments de voix… autant d’éléments qui amplifient l’état de flottement, voire de déréalisation, dans lequel basculent peu à peu les protagonistes. On pense aux films de Pedro Costa pour cette manière de filmer la nuit et l’effacement des corps, mais aussi à certains travaux d’Apichatpong Weerasethakul pour leur méditation entre rêve et matière.
© Clemente Castor
Si Frío Metal ne livre aucune clef narrative au spectateur, c’est pour mieux l’inviter à une plongée sensorielle dans l’informe, le silence, la matière. Dans cette errance sans retour, le corps devient un vestige, un écho. Le Mexique périphérique y est moins un décor qu’un organisme malade, un espace de contamination et de refondation possible.
Un film-labyrinthe, exigeant, qui interroge le lien entre espace et mémoire, et qui confirme Clemente Castor comme une voix radicale du cinéma mexicain contemporain.
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