29e Étrange Festival – Compétition courts métrages n°6

Dans le cadre de l’Étrange Festival, la section des courts métrages permet d’avoir une vue d’ensemble de la créativité mondiale, comme le rappelle Pascale Faure lors de notre entretien, aucune discrimination à priori lors des visionnages & c’est un ensemble collectif  de coups de cœur qui nous est présenté au cours de ces 7 programmes. Les films de genre autorisent les outrances, et s’il y a bien un terrain d’expérimentations visuelles & narratives qu’offre ce cinéma, c’est celui de puiser dans les tabous liés à notre corps : on le triture, on lui fait subir les pires outrages, on ose ou on le fantasme, on pousse le public dans ses retranchements et les limites du supportable. Ici, dans ce programme, on y explore surtout une sorte de finitude, notre rapport à la mort ou notre façon de vivre avec le deuil.

 

Programme n°6 : rediffusé le mardi 12 septembre à 16h45

🇳🇴 Is Heaven Blue? Er himmelen blå? #2 de Menno de Nooijer & Paul de Nooijer
🇳🇱 I Want to Pee With You de Maxim Diab
🇸🇪 Försoning de Kaveh Akaber
🇦🇹 Kieslers Körper de Ganaël Dumreicher
🇷🇸🇸🇰🇸🇮 Money and Happiness de Nikola Majdak Jr & Ana Nedeljković
🇺🇸 Sentimental Value de Steve Collins
🇦🇹 Issues With My Other Half de Anna Vasof
🇨🇵 Un genre de testament de Stephen Vuillemin

Is Heaven Blue? Er himmelen blå? #2 de Menno de Nooijer & Paul de Nooijer

On commence très fort avec ce film expérimental conçu par de Nooijer père & fils, respectivement 80 ans & 56 ans, et produit par l’épouse/mère de ce duo. Paul de Nooijer, touché par la maladie, traite précisément de sa mort à venir avec son fils, dans une épopée sensorielle se passant d’abord en huis clos, puis les séquences s’ouvrent vers l’extérieur. Ces volumes et ces espaces invitent à mettre en scène leur corps, souvent nus, livrés crument aux regards, et en profitent pour en mettre plein la vue par une animation ample, simulant une sorte de Screen X où les couleurs éclaboussent les parois et les chairs. Depuis la fin des années 1960’s, Paul de Nooijer livre une œuvre protéiforme en tant qu’artiste multimédia et pluridisciplinaire, chaque support devient médium à ses questionnements intimes et chaque technique un outil d’expression audiovisuelle. Avec cette fresque sensible, il signe comme une élégie finale à sa collaboration de plus d’une trentaine d’années avec son fils Menno.
***

I Want to Pee With You de Maxim Diab

Un moment attendu parmi les excès de cette sélection, Diab finalise son cursus à Rotterdam avec ce film d’école, prenant le prétexte d’une rencontre entre deux espèces cherchant à se connaître et s’apprivoiser physiquement, d’une façon plus qu’originale. Choc des peaux, communication verbale agressive, rapports de force, on pourrait croire qu’on va en rester à l’affrontement, mais un renversement s’opère, et une proposition singulière introduit un champ des possibles. On ouvre les vannes des fluides avec exubérance et on se délecte de l’effet produit, érotique et sensuel. Un coup d’éclat provocant et aguicheur des plus réjouissant pour ce jeune cinéaste queer, qui n’en est pas à son coup d’essai de l’hystérisation des corps désirants !

***

Le cinéaste autrichien Ganaël Dumreicher vient présenter Kieslers Körper lors de la deuxième projection du programme
***

Försoning de Kaveh Akaber

Fiction sous le leurre du drame, on ne dévoilera rien de l’intrigue, afin de mettre l’accent seulement sur ce plan d’une scène BDSM pour un public avide d’une sexualité non vanille sur l’écran de la salle 100. Vous découvrirez dans quel contexte cette séquence s’inscrit, après une introduction laissant suggérer une part de fantasme à assouvir, ou pas. Ici le public est amené à s’interroger sur cet Éros & Thanatos que l’on convoque en pulsions de vie contre la mort. Est-ce un jeu consenti de sensations fortes, un exutoire univoque pour se venger, un simple défouloir le temps d’une session de voyeurisme ? Cette femme dont on nous fait adopter le point de vue nous entraîne alors dans son échappatoire sexuelle, jusqu’au dernier plan déterminant de Akaber.
***

Issues With My Other Half de Anna Vasof

L’un des plus ludiques des courts expérimentaux, on y sent Vasof s’amuser pendant 23 brèves séquences, en testant notre appétence avec la body horror. Le médium du cinéma lui confère effectivement un éventail d’expérimentations que cette performeuse embrasse avec jubilation se mettant en scène elle-même, les trucages et les effets spéciaux qu’elle accole à ses saynètes allient l’organique de ses membres aux objets banals, détournant ainsi leur usage et fonctions respectifs, ou tout simplement en dénaturant son corps par la permutation physique. Elle est aux commandes de ce jeu, mais pour celles et ceux la visionnant fait ressentir que notre cerveau doit accepter ce laisser-aller, rappelant les vidéos ayant pullulé pendant nos confinements dans lesquelles les gens s’aventuraient à faire de même pour tromper leur ennui, soulevant l’effroi parmi des regardeurs peu habitués à ces distractions visuelles. Là où Vasof semble aller plus loin, c’est que cet enchaînement est un glissement progressif allant plus en avant dans ce potentiel de voir nos corps se transformer complètement, nous en vivons déjà un avec le smartphone comme une extension de soi au quotidien, toujours en main, voire presque greffé à notre oreille…
***

Un genre de testament de Stephen Vuillemin

Ce film à la direction artistique splendide est le plus narratif du programme, ce qui ne le rend pas pour autant moins intéressant, au contraire. Vuillemin nous fait suivre l’enquête d’une jeune femme découvrant que son Doppelgänger existe sous forme d’animations archivées sur un site internet, et comble de sa stupéfaction qu’il porte aussi son nom. Tout au long de ses visionnages, elle s’aperçoit que cet avatar s’est inspiré de ses propres contenus publiés sur ses réseaux sociaux, mais que la personne ayant créé ces clips s’est permise d’en fictionnaliser le contexte et la suite fictionnelle. Le cinéaste y fait une allusion à la réalité de la conception de l’animation, qu’il a fallu plus d’une dizaine d’années pour la réalisation de toutes ces réalités alternatives, et c’est ce qui lui est arrivé pour Un genre de testament qu’il a commencé en solitaire pendant de nombreuses années, puis a trouvé grâce au studio Remembers les moyens de le finaliser. La voix off rappelle le dispositif actantiel de Level Five de Chris Marker, une des inspirations de Vuillemin, et nous plonge dans ce vertige par un travail soigné des costumes, des couleurs et de leurs compositions dans leurs nuances ou leurs contrastes. Un des plus beaux et étranges moments de cette section sur grand écran clouant parfaitement ce programme !
La compétition se poursuit jusque ce samedi soir, et vous avez l’occasion de participer en votant.
Deux Prix seront décernés ce dimanche : le Grand Prix Canal+ par l’équipe éditoriale de la chaîne partenaire et le vôtre, le Prix du Public !

© Tous droits réservés. Culturopoing.com est un site intégralement bénévole (Association de loi 1901) et respecte les droits d’auteur, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos visibles sur le site ne sont là qu’à titre illustratif, non dans un but d’exploitation commerciale et ne sont pas la propriété de Culturopoing. Néanmoins, si une photographie avait malgré tout échappé à notre contrôle, elle sera de fait enlevée immédiatement. Nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur – anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe.
Merci de contacter Bruno Piszczorowicz (lebornu@hotmail.com) ou Olivier Rossignot (culturopoingcinema@gmail.com).

A propos de Célia

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.