De ce film social, Olivier Meys espère l’émotion qui empoigne, raconter le réel, la violence insoutenable d’une OQT (« obligation de quitter le territoire » pour des familles immigrées très souvent en attente de légalisation depuis plus de 2 ans) par le prisme de l’adolescence. Mais pas n’importe laquelle, celle qui impose une vie d’adulte et de responsabilité dans une enfance définitivement brisée. Jahia loge dans un centre d’accueil pour réfugiés en région bruxelloise, l’école n’est plus une priorité, pourquoi s’instruire lorsqu’on est sans-papier s’interroge-t-elle. Face à elle, une mère apathique, traumatisée par les violences subies au Sahel et qui n’a plus rien d’une figure parentale. Jahia est isolée, elle erre en solitaire sur les toits, observe la quotidienneté des adolescents de son âge, s’abreuve de normalité, s’apaise de la verdoyante nature qui l’entoure. Son visage rêche et antipathique dessine rapidement les contours de la problématique majeure de ce second long-métrage du belge Olivier Meys (après « Les fleurs amères » en 2019). Filmer, c’est aimer, filmer, c’est aussi respecter la souffrance que l’on expose et impose. Sans tendresse pour ses personnages, un film peut facilement vriller dans la cruauté. Ici, Meys semble dramatiquement se distancer de toute forme de sensibilité pour appuyer, appuyer comme l’on appuie sur une plaie qui crie rage, et ce, jusqu’à la surenchère. Cette overdose dramatique débarquera sans crier garde du corps frêle de Mila, bientôt 17 ans, d’origine biélorusse, et qui joindra rapidement Jahia dans ses aventures scolaires. De cette trompeuse rencontre naitra un semblant d’espoir, celui d’un possible amour qui viendrait adoucir la tragédie pour relever cette tête irrémédiablement abaissée de Jahia. Mais non, Meys prendra la tangente vers une nouveau coup du sort.
Copyright 2025 Condor Distribution
Et là où Meys nous perd, c’est qu’il semble, au-delà de son glacial travail de représentation, jouer du situationnel en nous extorquant bon an mal an à ressentir, comme forcé à l’émoi qui ne vient pas. Que de gratuite cruauté que de brutalement délier la néo-relation Jahia-Mila par un twist scénaristique pompeux (Mila tombe dans un profond coma d’allure émotionnelle après avoir appris l’OQT de sa famille). Ce frêle corps salvateur et solaire du début se transforme brutalement en un poids lourd et inanimé, le visage de Jahia fusionnant dangereusement avec l’apathie de celui de Mila ; le film plonge alors dans les abysses sans fond d’un concours morbide et asséché, inanimé, comme les corps et les visages éteints que Meys dévisage. Le film lui aussi s’éteint, la lumière définitivement rompue par l’obscurité macabre. Il n’y a plus réellement de film, car il n’y a plus de personnages, aucune vie à travers ces adolescentes qui ne font que subir ce déferlement de douleur anesthésiée, comme une piqure si profonde et pénétrante, si violente, qu’elle en coupe même ses transmissions synaptiques.
Copyright 2025 Condor Distribution
Film cruel en carence d’empathie, L’été de Jahia s’abreuve de misère sans jamais savoir lui en donner un sens, une lueur, un regard. Il y a ici une profonde souffrance, froide et dissimulée, les corps, les visages y sont tristement anesthésiés. Et nous avec.
© Tous droits réservés. Culturopoing.com est un site intégralement bénévole (Association de loi 1901) et respecte les droits d’auteur, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos visibles sur le site ne sont là qu’à titre illustratif, non dans un but d’exploitation commerciale et ne sont pas la propriété de Culturopoing. Néanmoins, si une photographie avait malgré tout échappé à notre contrôle, elle sera de fait enlevée immédiatement. Nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur – anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe.
Merci de contacter Bruno Piszczorowicz (lebornu@hotmail.com) ou Olivier Rossignot (culturopoingcinema@gmail.com).