Jacques Perrin et Jacques Cluzaud – « Les Saisons »

Après avoir filmé le vol des oiseaux migrateurs et suivi dans les océans, baleines et raies, Jacques Perrin et Jacques Cluzaud posent leur caméra au sol  pour leur troisième long-métrage, Les Saisons.
Un enjeu supplémentaire pointe dans ce documentaire : établir une topographie non seulement géographique mais aussi, historique, des liens (souvent houleux) qui unissent l’homme à la nature. Un pari d’une grande ambition, réussi grâce à une immersion totale avec des animaux menacés et un message politique fort; parfois pénalisé par une dramaturgie  en-dessous de sa virtuosité visuelle. Du reste, Jacques Perrin raconte avoir mis deux ans pour aboutir ce péplum animalier, ce qui est déjà un exploit en soi, au vu du résultat.

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Les Saisons est une chronique, inscrite dans le temps qui remonte à la dernière ère glaciaire. Soit, durant la période austère, quand une gangue de glace pesait sur l’Europe. Puis, son réchauffement avec la venue de la toundra, il y a 12 000 ans. Beaucoup d’animaux ont disparu ensuite de France et d’Europe
On comprend rapidement que la volonté des Saisons n’est pas de faire un film catastrophiste mais d’alerter les gens et d’amener des régions à repenser leur faune. Ce qui s’appelle le « réensauvagement » : réintroduire des animaux dans des régions dont ils ont disparu et diminuer l’action nocive de l’homme : déforestation, chasse…
Un casting international quatre étoiles sert ce documentaire. Réalisateurs et cameramen ont déployé beaucoup de patience et d’ingéniosité pour arriver à filmer aussi bien, à hauteur d’animal : lynx, loutres, sangliers, balouzards… venus de France, Norvège, Pologne, Suisse, Roumanie….
Des concerts d’oiseaux répondent par leur chant à un joueur de flûte, filmés en une série de plans les mettant en rapport les uns les autres. Le plan de l’écureuil cachant un gland, épié par un rongeur qui veut lui dérober, acquiert une dimension hitchcockienne. Les duels ont une force magnétique : les loups coursant des sangliers ; un serpent traquant un rongeur, guerres de pouvoir entre des loups et des chevaux sauvages…
Une voix off, parcimonieuse, guide le spectateur à bon escient : «La forêt recule, les lisières des champs se forment. Un monde disparaît. 

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Outre, les occurrences du narrateur, les marqueurs temporels se font via l’évolution des harnachements des chevaux et celle des hommes. Autant, la première proposition fait mouche, autant la seconde peut laisser plus dubitatif. Heureusement, il y a peu d’apparitions frontales des chasseurs-cueilleurs, puis des guerriers.
Ca marche quand on voit l’ère médiévale se profiler par l’accoutrement des chevaux, des plans classiques de tours dans la brume, survolées par des aigles. Ou encore, quand les chevaux portent un autre accoutrement et que les techniques des bûcherons ont évolué. Cet effet de reconstitution est plus hasardeux quand des hommes investissent des scènes entière comme lors de la chasse à courre et surtout, lorsqu’un adulte ou enfant fait face à un animal car il est battu par la beauté de la nature. Le propos passe mais, de façon volontariste, nous faisant décrocher quelques instants de plans qui eux, nous happent totalement. Comme lorsque l’enfant sauvage, affublé de peaux, affronte du regard un loup, derrière des arbres enneigés. Les loups sans la présence humaine, ont plus d’impact. Mais, peut-être est-ce une intention des réalisateurs de montrer des apparitions d’hommes pataudes, en inadéquation avec la nature pour mieux dénoncer leurs actions nocives ?
La voix off, présente uniquement à des moments cruciaux, résume bien à elle seule, la volonté de domination de l’homme sur la nature.
Le narrateur nous apprend que trois mille chênes sont nécessaires pour constituer un vaisseau royal ou encore que  dans ce nouveau monde, les loups n’ont plus leur place. Désormais, les animaux sont déclarés utiles ou nuisibles.
Hormis ce léger bémol, tout en appréhendant la faune sauvage de façon remarquable, Les Saisons déploient  un discours engagé et vital, à savoir : sauver des races animales en voie d’extinction.
Le film alerte intelligemment, sans jamais faire peser une culpabilité quant aux actions de l’homme et donne envie de se battre pour la préservation de certaines races : Menacée, attaquée de toutes parts, la nature n’a pas encore abdiqué. Elle résiste. A ce discours conquérant, succède un splendide vol d’oies, orchestré par le galop de chevaux sauvages.

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Pour Jacques Perrin, il s’agit de faire des films politiques sur la nature. Ne pas trop en dire, laisser parler les images. Le discours, c’est à chaque spectateur de le trouver.
En ce sens-là, Les Saisons est une réussite dans son genre, créant une empathie rare entre le spectateur et les animaux, des moments de magie cinématographique et ayant un fort impact militant. Lors de premières projections en province, l’équipe du film et les nombreux scientifiques, biologistes, professeurs… liés au projet, ont déjà réussi à réintroduire l’ours dans les Alpes sauvages et d’autres animaux dans des régions où ils s’étaient raréfiés.

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