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A l’occasion de sa venue pour la soirée hommage que lui a consacrée l’Etrange Festival, Barbara Steele nous a fait l’honneur, en plus de sa Masterclass d’un longue interview dans laquelle elle évoque sa carrière sans langue de bois, avec un puissant sens de la métaphore poétique et un humour ravageur. Nous avons beaucoup ri ; l’émotion nous a souvent submergés. Quant à moi, je ne me suis toujours pas remis.
Que ressentez-vous face à l’hommage que vous rend L’Étrange Festival et à l’accueil triomphal qui vous a été fait ?
Barbara Steele : Je suis simplement ravie d’être ici. Ravie. C’est un cadeau incroyable d’avoir cet hommage à Paris et je suis profondément reconnaissante. Et … J’aime tout le monde.
Et comment réagissez-vous quand on vous qualifie d’icône du cinéma gothique italien ? Est-ce que cet héritage vous surprend toujours ou avez-vous fini par accepter le rôle que vous avez joué dans l’Histoire du cinéma ?
Barbara Steele : Je ne me vois certainement pas en ces termes supersoniques. Je ne pense pas avoir laissé quelque chose comme un héritage. Je ne me considère pas comme une sorte de monument, en fait. Je pense probablement à la façon de faire une tarte aux pommes. Je ne sais pas et je ne peux pas être objective.
Et quand à la fin de la projection vous étiez submergée par tous ces gens, on penserait à Michael Jackson. Vous, vous avez dit la Princesse Diana. C’était bizarre pour vous ?
Barbara Steele : D’avoir un millier de fans ? J’en ai eu bien plus que ça. Ce n’était pas grand chose hier soir. J’ai eu des millions de fans, dans tous les pays. Mais je sais que ce n’est pas moi. C’est une projection de ce que je représente. Ce n’est pas Barbara Steele. Ce sont leurs peurs, leur projections, leur enfance, leurs traumatismes qui se reportent sur moi. Pour tout dire, ça me bouleverse. Ça me prend généralement deux jours pour m’en remettre. Pas hier soir, mais j’ai connu des cas massifs qui ont duré une heure et demie. C’est très touchant et ça m’affecte vraiment. Je suis parfois vraiment bouleversée.
Avant d’être actrice, comment c’était d’être une jeune femme de 20 ans dans l’Angleterre des années 60 ?
Barbara Steele : Les années 60 ont vraiment été une telle révolution en Angleterre, une période importante, surtout après la Seconde Guerre mondiale, où la population vivait encore avec les rations, de façon très modeste. Et elle était encore très touchée par les effets du conflit. Donc, cette percée des années 60 a été une danse commune de joie, d’énergie, où on s’est libérés des inhibitions de l’ère victorienne dans lesquelles on avait tous grandi.
Comment s’est faite la transition d’étudiante en histoire de l’art à actrice ?
Barbara Steele : L’école que je fréquentais était très libre, très riche en propositions théâtrales. On y faisait beaucoup de pièces partout. J’ai joué Salomé d’Oscar Wilde à 17 ans environ. C’est un merveilleux rôle. La pièce était fabuleuse, et j’étais plutôt bonne, si je puis dire. On a eu un vif succès. Quelqu’un, une sorte de chasseur de talents, m’a vue et ils ont envoyé Life Magazine qui a fait une grande série de photos. Il y avait quelque chose comme 4 pages dans le numéro. C’était énorme, à l’époque, Life Magazine. Ça n’existe plus. Mario Bava a vu ça et c’est comme ça qu’il m’a demandée pour Le Masque du démon, sans même m’avoir rencontrée.
Vous avez eu une expérience brève mais intense à Hollywood, vous avez presque travaillé avec Elvis Presley avant de prendre vos jambes à votre cou. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette expérience à Hollywood avec Don Siegel ?
Barbara Steele : Don Siegel était un monstre. Il était très mal à l’aise avec les femmes. J’ai été engagée pour un rôle ridicule : j’étais une brune de la tête aux pieds, et ils ont fait de moi cette blonde incroyable , un personnage à la Doris Day, qui devait monter à cheval et être la fiancée d’Elvis. Toute ma famille avait été massacrée à 200 miles de là, et j’étais censée avoir traversé le désert pour revenir vers Elvis. Sans rien connaître au cinéma ni à la continuité, j’ai pensé que je ne pouvais pas arriver aussi fraîche et pimpante. J’ai mis de la boue, de la poussière, de l’eau sur mes vêtements pour avoir l’air épuisé. Don Siegel a piqué une crise parce qu’ils n’avaient pas d’autre costume. Tout le monde est devenu fou. Je ne savais pas ce que je faisais, mais, je le redis, je faisais ce qui s’imposait. On s’est disputés violemment dans le studio de maquillage. Je me souviens avoir jeté tout le maquillage par terre au cours d’une terrible dispute. Ce soir-là je suis rentrée chez moi, j’ai acheté un billet pour New York et je ne suis jamais revenue.
Est-ce qu’il a été surpris, en tant que réalisateur chevronné, qu’une jeune actrice ait le culot de lui tenir tête et d’exprimer son opinion ?
Barbara Steele : Non, mais je n’étais pas follement fan de Hollywood ou de la 20th Century Fox, avec qui j’avais un contrat et qui m’a mise dans ce film, uniquement parce que je montais bien à cheval. C’était tellement stupide. Et j’avais cet horrible accent anglais. Elvis Presley lui, était très civilisé et très gentil. Il avait toutes ses petites amies qui le suivaient partout en véritables essaims !
Cette expérience a-t-elle façonné votre opinion définitive de Hollywood ?
Barbara Steele : j’étais sous contrat avec la 20th Century Fox. Je trouvais ça très, très bizarre. Ils avaient des tables assignées à chaque personne dans la salle à manger, où vous étiez censé vous asseoir. « Oh, tu es une nouvelle star, tu t’assois là. » « Tu es un nouvel acteur masculin, tu as l’air d’un bon cowboy, on va te mettre plus près de Walter Wanger », etc. C’était comme ça. Mais ils étaient très sophistiqués. Ils m’ont emmenée dans un grand dressing où vous pouviez voir tous ces faux seins avec des boutons cousus dessus pour montrer comme les tétons se dressaient. Ils étaient très raffinés. Ils avaient toute une série de pénis accrochés à une corde, qu’ils mettaient dans les pantalons des acteurs pour les films de cowboys, en fonction des différents moments du film. C’est incroyable. Je ne sais pas pourquoi ils n’utilisaient pas simplement un morceau de pain, mais non, ils avaient ces bites fabuleuses, pendues aux patères, comme les tabliers de maman!
Et qu’est-ce qui vous a décidée a partir pour l’Italie ? Ça ?
C’était juste une impulsion.
Bonne impulsion.
Barbara Steele : Juste une bonne impulsion. Oui. Je pense que tout le monde veut déménager en Italie. Tout le monde veut naître en Italie. Tout le monde est né en Italie. Si vous posez le pied en Italie après avoir grandi en Grande-Bretagne, vous en êtes amoureuse pour la vie.
C’est une forme d’Eden?
Barbara Steele : oui, c’est tellement généreux à tous les niveaux, opératique, libre, avec des enfants merveilleux, de l’excellent poisson…
Vous êtes arrivée en Italie en tant que jeune femme de 20 ans, entrant dans le monde du cinéma de genre, un environnement très masculin. Le cinéma de genre italien est très différent d’Hollywood. Comment avez-vous vécu cette immersion ? Était-ce déstabilisant au début ou finalement une expérience libératrice ?
Tout le monde était si courtois, si généreux, si gentil, si attentionné. Je me suis sentie complètement choyée et adorée. Je suis sûre que tout le monde se sentait comme ça. C’était une grande famille.
Barbara, on vient de revoir El Spettro de Riccardo Freda. Quel souvenir gardez-vous de ce tournage et peut-être du travail que vous avez effectué avec Riccardo Freda sur celui-ci et sur le précédent, L’Effroyable secret du Dr Hichcock ?
J’ai tourné deux films avec lui. L’Effroyable secret du Dr Hichcock, d’abord, puis celui-ci. Je n’ai pas le souvenir de différences de méthode notables entre les deux films. Donc le premier film que j’ai fait avec lui, c’est L’Effroyable secret du Dr Hichcock. Il était assez narcissique. Il arrivait sur le plateau dans une vieille Rolls-Royce déglinguée. Il avait environ 58 ans à l’époque, ou quelque chose comme ça. Et il avait probablement une petite amie de peut-être 14 ans, absolument exquise, qui, même sous le soleil romain, s’asseyait toute la journée de tournage en négligé noir, couverte d’un manteau ondoyant. Et elle restait simplement assise là, pendant tout le tournage, comme une espèce de déesse effrayante.
J’adorais Riccardo Freda. Tout en mélodrame et intelligence, un vrai opéra à lui tout seul. Et il maintenait toute l’équipe unie, alors que chacun était payé une misère pour ce film. Et tous étaient si dévoués à son énergie, son intelligence et sa générosité de cœur qu’il était passionnant de travailler pour lui. Et en fait, c’était mon réalisateur préféré. Et voilà!
Et Mario Bava, donc. Il vous a choisie uniquement à cause de la couverture de Life magazine ? Avez-vous déjà compris ce qu’il y avait de si spécial en vous ?
Il a dû voir en effet quelqu’un en moi. Je ne peux pas imaginer pourquoi. C’est un grand voyage jusqu’à Rome, et il aurait pu être très déçu. Par exemple, quand j’ai tourné ce film avec Volker Schlöndorff, Les Désarrois de l’élève Törless, j’étais la troisième actrice contactée pour le rôle. Ils avaient tourné trois ou quatre jours avec d’autres actrices avant de me choisir. Et il fallait que j’apprenne l’allemand. J’avais peu de dialogues, Dieu merci. J’ai du apprendre l’allemand en trois jours et j’ai réussi. Je suis sûre que j’ai été doublée. Voilà toute l’histoire!
Et vous vous souvenez comment vous avez joué la sorcière et la jeune fille dans le film de Mario Bava. Comment avez-vous construit ces personnages ?
Barbara Steele : J’étais si jeune. Je veux dire, c’était une expérience puissante, réelle — quand j’ai tourné Le Masque du démon avec Mario Bava, c’était comme… une expérience vraiment intense, car c’était mon premier vrai film, à part quelques petits rôles dans des films médiocres. Mario Bava était extrêmement timide, comme un prêtre aux pulsions réprimées. Il était très calme, très subtil, très intelligent. Et incroyablement civilisé. Il ressemblait beaucoup à Roger Corman — très calme, plutôt réservé, très courtois, et exactement l’opposé de Riccardo Freda. Et malheureusement, il a attrapé une terrible grippe pendant le tournage. Il avait souvent son chien sur le plateau. Puis le chien est tombé malade. Ce n’était pas une bonne période.
C’était un plateau très sombre, très sinistre. Aucun membre de l’équipe n’avait le droit de porter de couleur. Tout était noir et blanc, sombre. Tout était très solennel, tout exsudait la mort.
Les costumes et les décors manquaient-ils aussi de couleur ?
Barbara Steele : Il n’y avait pas un costume avec une touche de couleur. La seule couleur que vous pouviez voir était celle du sang.
Vous avez joué l’ingénue, la méchante, l’ange et le démon, parfois au sein du même film. Ça me semble tout de même assez unique dans le cinéma de genre, de pouvoir jouer deux personnages différents, deux personnages contraires au sein du même film.
Barbara Steele : Je dirais que ce n’était pas difficile. On a tous cette dualité en nous. C’est très personnel. On a tous ce conflit en nous. C’est vraiment dans nos os. On a toujours ces deux énergies.
Quand vous interprétez vos personnages, que ce soit des personnages négatifs ou des personnages positifs, il y a un refus du manichéisme. Même le personnage un peu négatif de l’héroïne du spectre devient mystérieuse. On a envie de la comprendre, on a envie de l’aimer. Je me demandais justement comment vous faisiez pour rendre ça. Est-ce que ça venait du scénario ? Ou est-ce que c’était vous qui vous empariez du rôle ?
Barbara Steele : Il y a plus de nuances, il y a plus de drame à interpréter un personnage négatif ou ambigu plutôt que quelqu’un qui serait inoffensif et charmant. C’est beaucoup plus amusant, c’est beaucoup plus dynamique d’interpréter un personnage plus complexe.
Et vous préfériez justement interpréter des personnages plutôt négatifs ou plutôt positifs ?
Négatifs, sans aucun doute.
Qu’aviez vous comme liberté au niveau de l’interprétation de vos rôles pour, justement, vous en emparer ? Qu’est-ce que les cinéastes vous laissaient comme liberté pour les interpréter de cette manière là ?
Barbara Steele : Je ne suis jamais libre.
Mais vous aviez une manière plutôt cérébrale ou instinctive d’interpréter les rôles ?
Je pense que pour tout acteur, quand ça touche un nerf central, qui est vrai et dynamique et vital, ça vient toujours de l’instinct. Ce n’est pas un choix cérébral. Peut-être que Laurence Olivier dirait autre chose ! Mais ça dépend du rôle. Certains rôles vous habitent et prennent possession de vous ; avec d’autres, vous êtes comme en location.
Et pour Freda, par exemple ?
Barbara Steele : Pour Freda, très instinctif. C’était un homme très instinctif, dans l’émotion. Je me sentais très bien avec Freda. J’aime les gens comme ça.
Vous étiez instinctive si le réalisateur était instinctif ?
Barbara Steele : Oui, absolument. Parce qu’il y a cet échange silencieux avec le réalisateur, alors. On peut le sentir.
Vous avez incarné des fantômes, vous êtes familiarisée avec le surnaturel dans le cinéma. Est-ce que vous êtes sensible à cette ouverture au mystérieux, à l’inexplicable dans la vie ?
Est-ce que je crois aux fantômes ? Totalement!
Vous avez tourné L’effroyable secret du Dr Hichcock en même temps que Huit et demi de Fellini. Vous avez pris dix jours de congés pour Freda. Comment avez-vous fait pour intégrer ces deux univers aussi différents en même temps ? Etait-ce juste une question de direction d’acteur et de rapport qu’on entretient avec le cinéaste ? Comment vous avez fait pour passer d’un univers à l’autre ?
Barbara Steele : Il faut dire que Huit et demi était un tournage très long. On a dû signer un contrat pour six mois , et puis on tournait trois semaines, et après on avait deux semaines et demie pour aller nager tranquillement.
En fait, les deux univers étaient très différents, il n’y a donc pas vraiment eu de superposition des deux. C’était vraiment précis et très particulier avec Fellini. Donc c’était facile d’en sortir et de passer dans un autre univers, surtout qu’avec Riccardo Freda, c’était quelque chose de très différent, On était à la fin du XIXe et j’avais une robe de velours très lourde!
Pour parler de Fellini… Fellini, à ce moment-là, pendant le tournage de Huit et demi, était probablement au sommet de ses moyens. C’était son dernier film en noir et blanc. C’est là qu’il a réalisé son dernier film pour lequel il s’est investi énormément dans chaque aspect, et il était au milieu de cette liaison passionnée avec Sandra Milo, qui est dans le film, bien sûr, et qui semblait incarner toute l’énergie de Rome à cette époque, si dynamique, si sensuelle, si chargée, si aimante et si puissante que nous savions tous que nous participions à quelque chose qui était de l’ordre d’une bénédiction absolue.
Tout le monde pouvait rencontrer Fellini à cette époque. Il rencontrait tout Rome, chaque boucher, chaque marchand, chaque bébé, chaque dentiste, tout le monde. Ils s’asseyaient tous devant son bureau pendant trois heures, mangeant des bonbons, buvant du vin et bavardant. Il passait quatre mois à faire son casting. Son bureau était minuscule, comme cette salle, couvert de photos. Oui, je l’ai rencontré et il ne m’a posé aucune question sur le jeu d’acteur, ce que j’ai trouvé fabuleux. Il m’a demandé ce que je pensais de la nourriture, des hommes, du sexe, du parfum, des tempêtes, de tout et de rien. Et il m’a envoyée directement à l’habillage. J’ai passé 25 minutes avec lui, puis il a appelé des gens et je suis allée directement aux essayages. J’ai eu le rôle en une heure.
Comment vous le voyez, votre personnage dans Huit et demi ?
Barbara Steele : Le personnage que j’ai joué dans Huit et demi, en réalité, je ne peux pas en parler. Tout n’était qu’une sorte de danse intuitive folle, pas seulement pour moi, mais aussi pour un homme à vélo, la personne qui livrait les glaces, Fellini lui-même. C’était une sorte d’événement très intuitif.
Comment se sont passées les relations avec Fellini ?
Il vous appelait parfois à trois heures du matin et disait : « Bon, allons nous promener », et je répondais : « Oh, mon Dieu, je dors, et il pleut », et il disait : « Oui, mais j’ai des parapluies et ce sera fabuleux sur la Via Appia. » Donc, voilà : on ne dit pas non à Federico et on sort avec lui et ses parapluies. On fait ces grandes promenades à travers ces ruines et ces belles ombres. Car c’était toujours un privilège poétique que d’être seul sous les arbres mouillés avec Federico, sous une Rome dégoulinante, une Rome à moitié déserte avec quelques chats détrempés et très peu de gens. Alors nous faisions ces promenades à Rome, et il était très à part, solitaire, et il partait dans ces incroyables balades, et il connaissait toutes les vieilles prostituées, qui étaient d’un côté de la Via Appia, en train de manger là-bas. On finissait toujours sur la Via Appia Antica qu’il adorait, qui est la seule route qui va tout droit vers Rome comme une flèche. C’était très Federico. Et elle était remplie de magnifiques grosses prostituées à droite, qui mangeaient des saucisses qu’elles cuisinaient sur un petit feu de camp. Et à gauche, il y avait tous ces beaux travestis gays, habillés en mariées. Et il disait toujours : « Buena sera. »
Fellini a refait une scène pour son Casanova, mais les images ont été perdues, non ?
Barbara Steele : Non, elles ont été volées, en fait, à Cinecittà, avec le film de Pasolini. Il avait déjà tourné toute une séquence et elle a disparu, comme ça. Dix jours de travail. C’était un terrible drame.
Et pour vous ?
Barbara Steele : Pour moi, eh bien, je n’avais pas encore tourné. Je n’avais pas encore commencé cette séquence, mais j’avais tous mes costumes, des costumes fabuleux, et tout. J’étais très dévastée que ce soit fini. Je veux dire, qu’il ait éliminé ça du film.
L’a-t-il fait juste parce qu’il était traumatisé par le fait que ce soit perdu ? Comme s’il tournait la page ?
Barbara Steele : Je pense qu’il l’a fait voler ! Je pense qu’il trouvait que c’était trop. C’était comme trop de crème sur le gâteau. Il devait faire marche arrière. Alors, qu’avez-vous pensé de Donald Sutherland dans ce film ?
Je pense qu’il est merveilleux. C’est un acteur possédé, un monstre d’acteur comme Oliver Reed, par exemple. C’est plus que naturel chez lui.
Barbara Steele : Oui complètement ! Fellini était si subtil que quand Donald Sutherland faisait des essayages de costumes, et qu’on lui faisait ces beaux costumes, il a dit : « Non, non. Je veux qu’on voie ses poignets. » Je n’avais jamais entendu personne demander ça pendant qu’un acteur essayait un costume en soie ! « Oui, oui. Il a des poignets si étranges ».
Et comment s’est passé votre travail avec Roger Corman ?
Barbara Steele : C’était un homme exquis. Si civilisé et si charmant. J’adore Roger Corman. C’était la personne la plus douce. J’ai juste fait ce petit film avec lui. C’était vraiment le réalisateur le plus civilisé que j’aie jamais rencontré. Le plus poli et le plus attentionné. Je le trouvais simplement fabuleux.
Et Vincent Price ?
Barbara Steele : Corman s’entendait très bien avec Vincent Price. J’adorais Vincent Price. C’était comme un roi médiéval. Et j’avais l’impression que je devais embrasser ses pieds ou quelque chose comme ça. On ne peut pas ne pas aimer Vincent Price. C’est comme si tout le théâtre victorien était concentré en un seul être humain.
Plus tard, vous avez travaillé avec une nouvelle génération de cinéastes admirateurs comme Joe Dante, Jonathan Demme, qui vous ont fait jouer des rôles de méchante.
Barbara Steele : Tout le monde faisait des films pour un dollar, vous savez, à cette époque. Jonathan Demme m’a arrêtée dans la rue. Il avait une énorme Cadillac décapotable bleu pâle qui devait avoir trente ans. Il a sauté et crié. Je descendais sur Sunset Boulevard. Il m’a demandé si je voulais être dans son film et trois jours plus tard, j’étais dans ce film. C’est comme ça que je l’ai rencontré.
Votre rôle dans Shivers de David Cronenberg est plus complexe, tragique et magnifique que dans les films de Joe Dante ou Jonathan Demme. Vous souvenez vous du tournage ? Comment s’est passée votre expérience avec David Cronenberg ?
David Cronenberg était jeune. Quand je l’ai rencontré, je vivais à Malibu, juste au bord de la mer, dans cette petite maison. C’était l’hiver. Il y avait des tempêtes atroces. Vraiment violentes et terrifiantes. Vraiment quelque chose que, je ne sais pas, Léonard de Vinci aurait pu inventer. Ces tempêtes immenses. Un jour, cet homme m’a appelée et m’a demandé si je serais intéressée pour faire un film. J’ai dit : « Eh bien, il faut que je lise un scénario. » Il a dit : « Je suis à Los Angeles. Puis-je venir vous voir ? » J’ai dit : « Oui. » Il est arrivé avec un énorme bouquet de soucis. Vous savez ce que c’est ? C’est une fleur complètement orange. Et ce jour-là était complètement noir, gris, la fin du monde. Et cet homme est arrivé, il avait l’air d’avoir douze ans, il était si jeune et si mince, avec ce bouquet incroyable de fleurs. J’en suis tombée amoureuse, parce qu’il n’y a rien de mieux qu’un bouquet de soucis face à un océan déchaîné. Et c’est comme ça que je l’ai rencontré.
Et votre personnage vous vous en souvenez ? Vous êtes le genre de dame lesbienne distinguée dans l’immeuble. Vous mourez dans la baignoire.
Barbara Steele : Oui.
Et puis vous séduisez la femme d’en bas.
Barbara Steele : Et qu’en est-il de tous les fluides corporels ?
Beaucoup de fluides corporels dans ce film.
Barbara Steele : David Cronenberg a-t-il déjà fait un film sans fluides corporels ? J’avais cette grande scène de baiser avec une actrice. Elle était adorable, mais elle avait une terrible grippe. Donc c’était vraiment gênant. Et on a tourné dans ce bâtiment construit au milieu de nulle part à Montréal. Ce beau bâtiment comme dans un parking. Et très strict comme une prison. Tout était très étroit .
Est-ce qu’on pourrait parler un peu de votre rapport à la France ?
Barbara Steele : Eh bien, qui peut ne pas être follement amoureux de la France ? C’est comme le plus grand rêve poétique. Vous venez en France à neuf ans et vous ne vous en remettez jamais.
Et vous souvenez vous de vos aventures avec les fans de Midi-Minuit Fantastique avec Michel Caen, Jean-Claude Romer …
Barbara Steele : Ils venaient me voir à Rome plus que je ne venais en France. C’est comme ça que je les ai rencontrés. Ils étaient tous si jeunes. Ils avaient l’air d’avoir douze ans. Michel Caen devait avoir 23 ans. Ils m’ont donné un prix à San Sebastian.
Et votre expérience avec Georges Lautner sur Le monocle rit jaune, vous vous en souvenez ?
Je me souviens juste qu’on a tourné ça à Hong Kong. C’était un film français. C’était très bizarre. J’ai tout évacué de ma mémoire. Mon conseil à tous : ne tournez pas dans le port de Hong Kong, parce que ça pue.
Un de vos rôles récents les plus marquants était dans Lost River de Ryan Gosling. Comment cette collaboration s’est-elle faite ? Et comment était-ce de travailler avec lui ?
Barbara Steele : Je ne sais pas pourquoi il m’a demandé d’être dans ce film. Et je ne sais certainement pas pourquoi j’ai accepté. Enfin, je l’ai fait. Donc, il m’a demandé s’il pouvait me rencontrer. J’ai dit : « Oui, bien sûr. » Il a dit : « Pourquoi ne pas venir déjeuner ou quelque chose ? » Il est venu avec sa petite amie, Eva Mendes. Et on a eu ce déjeuner espagnol dans mon jardin, qui était luxuriant et merveilleux Et on a eu un déjeuner de trois heures et demie et tout le monde s’est adoré. Et il a dit : « Oh, je vais travailler avec vous pour toujours. Puis ils m’ont fait venir sur le lieu de tournage. Et je dois dire que ce personnage était complètement ridicule. C’était sans espoir. Je n’arrivais pas à y croire. Je voulais juste m’enfuir. C’était embarrassant. Et il y avait des erreurs terribles dans ce film. Ils avaient cette famille pauvre avec des vêtements parfaitement repassés, des coupes de cheveux incroyablement chères et l’air de sortir de Savile Row. Je me disais : « Il est bête ou quoi ? » Bref. C’était un tournage difficile, avec beaucoup de tension et des tas de producteurs en colère assis dans de bons gros fauteuils.
Il semble que des gens comme Tim Burton ou Edgar Wright vous auraient approché pour leurs films, non ?
Barbara Steele : Tim Burton m’a approchée, mais j’avais déjà quarante ans. Et j’avais laissé tomber. Tim Burton m’a approchée plusieurs fois et m’envoyait de merveilleux cadeaux, ses dessins et des choses comme ça. Et je regrette d’avoir décidé que je ne pouvais plus jouer. Vous croyez qu’on va toujours vous choisir ? Eh bien, non, ils choisissent toujours Vincent Price, mais ils ne ressentent pas la même chose pour les femmes.
Je l’adorais, mais au début de sa carrière. Il m’a invitée à aller en Inde pour son mariage, qui a duré environ dix jours. Je n’y suis pas allée, mais c’était une invitation très généreuse avec des billets fabuleux. Et je pouvais emmener mon fils si je voulais. Je regrette de ne pas l’avoir fait. Mais il m’a invitée une fois à une sortie très étrange dans une voiture très exotique, avec sa petite amie Lisa Marie et un autre gars. Et on a roulé pendant des kilomètres jusqu’à San Diego, jusqu’à cette église de verre, à Pâques, pour entendre ce service de Pâques. Et il y avait tous ces anges, qui étaient des êtres humains, suspendus à des fils au plafond, flottant, chantant des chansons avec leurs robes soigneusement nouées pour qu’on ne voie pas les harnais. Et toutes leurs ailes bougeant comme ça, comme ça. Et il est resté silencieux et transfiguré pendant trois heures à regarder ce service. Et ils avaient un vrai éléphant. Et tout à coup, Ils ont assassiné Jésus et puis le sang a jailli de je ne sais où sur cette croix. Et tout le public était comme envoûté, complètement envoûté. Et puis on est retournés à Los Angeles dans cette voiture et on a bu beaucoup de brandy.
Et quel genre de projets acceptez vous maintenant ?
Barbara Steele : En tant qu’actrice, on ne me propose plus rien. Non, non, je n’accepte rien. J’aurais aimé jouer des personnages vraiment puissants comme Médée et des choses comme ça. J’aurais aimé pouvoir jouer des personnages vraiment intenses, sombres et perturbés.
Comment David Gregory vous a-t-il convaincue d’être la narratrice de son documentaire ? Comment l’avez-vous convaincu ?
Barbara Steele : Je l’adore. Donc j’ai dit oui, s’il m’avait demandé de faire un gâteau, je l’aurais fait aussi.
Y a-t-il des choses dans votre carrière d’actrice que vous regrettez d’avoir faites ou de n’avoir pas faites ?
Barbara Steele : Je regrette de ne pas avoir été beaucoup plus sérieuse et engagée. J’ai été totalement séduite par la vie en Italie, ce qui est bien plus que de faire un film.
Si vous aviez un conseil à donner aux jeunes actrices aujourd’hui…
Barbara Steele : Je n’ai aucun conseil.
C’est ça le conseil ?
Barbara Steele : Je n’ai aucun conseil. Non. Ah si : tombe amoureuse du bon gars!
Un immense merci à Barbara Steele pour avoir si bien joué le jeu, à David Gregory pour son soutien et sa disponibilité, à Noëlle Gires, pour la traduction, à Marc Troonen et Jean-Bernard Emery pour l’organisation et à Brad Carter pour la relecture de la version anglaise.
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ENGLISH VERSION
On the occasion of her visit for the tribute evening dedicated to her, Barbara Steele graciously granted us not only her Masterclass but also a long interview in which she reflects on her career with refreshing candor, a powerful poetic sense of metaphor, and devastating wit. We laughed heartily; emotion often overwhelmed us. As for me, I still haven’t recovered.
How do you feel about the tribute L’Etrange Festival is paying to you and the triumphant reception you received this week ?
Barbara Steele : I’m just thrilled to be here. It’s just an absolute gift to have this tribute in Paris and I’m deeply grateful and I love everybody.
How do you react when people refer to you as an icon of Italian Gothic cinema? Are you still surprised by your legacy? Or have you come to embrace the role you’ve played in film history?
Barbara Steele : Well, I certainly don’t think of myself in these kind of superlative terms. So I don’t think of myself as having any kind of legacy. Actually, I’m more likely to think about how to make an apple pie. And so I don’t know, and I can’t be objective.
At the end of the screening, you were swarmed by all these people. One might be reminded of Michael Jackson—which is what came to my mind! You mentioned that it was like a reception for Princess Diana. Was that strange for you?
Barbara Steele: What, to have a thousand fans? I’ve had many more than that. Last night was nothing. I’ve had billions of fans, in many countries. But I know it’s not me. It’s a projection of what I represent. It’s not Barbara Steele. It’s their fear, their projections, their childhood, their traumas projected onto me. Actually, it really affects me. It usually takes me about two days to recover from this. Not last night, but I’ve had massive ones that went on for an hour and a half. It’s very touching, and I feel quite affected by it. I’m sometimes really overwhelmed.
What was it like being a 20-year-old woman in 1960s England before becoming an actress?
Barbara Steele: The 1960s were such a revolution in England, an important time. For a period after World War II, people were still living on rations, very modestly, and still deeply affected by the war. So this breakthrough in the 1960s was a communal dance of joy and energy, where we broke free from the Victorian inhibitions we had all grown up with.
How did the transition from art history student to actress happen?
Barbara Steele : Well, I actually went to a very theatrical school, very exuberant and free. And we did a lot of plays there. And I’m trying to recall some details. I acted in a play. Oh, yes, I did Oscar Wilde’s Salome when I was about 17, which is a great role. It’s a fabulous play. I must say. I was pretty great. Ha! And that was very successful. Somebody who saw the play was like a talent scout, and they sent around Life magazine, which did a big series of photos, I don’t know, perhaps four pages in Life magazine. That was a big deal in those days. Life magazine. It doesn’t exist anymore. Mario Bava saw that issue of the magazine and that’s why he requested me for Black Sunday, despite never having met me.
You had a brief but intense experience in Hollywood. You almost worked with Elvis Presley before working away. Could you tell us a bit about your experience in Hollywood with Don Siegel ?
Barbara Steele : I thought Don Siegel was a monster. He was very uncomfortable with women. And I only got cast in that film (Flaming Star). It’s ridiculous. I mean, I’m a brunette through and through and they wanted me to portray this crazy blonde. You know, this sort of Doris Day character who had to ride a horse and who was Elvis Presley’s fiancee. The story was that my character’s whole family had been massacred like 200 miles away and I’d ridden through the desert then finally made it back to Elvis somehow. Not knowing about continuity in movies, I thought that I shouldn’t arrive looking so perfectly clean and fresh, so I had the idea to put some dirt on my costumes. I got some dirt, some mud, some water and made myself look wrecked. Don Siegel went berserk because they didn’t have another costume. It was a huge waste of time. Everyone went berserk. I didn’t know what I was doing. I’ll say it again, I actually thought I was doing the right thing. And so we had a terrible fight in makeup trailer, actually. And I remember pushing all the makeup things onto the floor and having this insane, enraged fight with him. That night, I drove home and I bought a ticket to New York and I never came back.
Since he was a veteran director, was he surprised that this young actress had the guts to take him on and voice her opinion? Because that was not the done thing in Hollywood at the time.
Barbara Steele : No, but I wasn’t a crazy fan of Hollywood or 20th Century Fox with whom I had a contract. They only put me in the film because I was a good horseback rider. So stupid, you know, with a terrible English accent. Elvis Presley was very civilized and very sweet. He had all these girlfriends who would like follow him around like a bunch of ants.
Did this experience shape your opinion of Hollywood?
Barbara Steele : Well, I was under contract with 20th Century Fox. I thought that it was very, very bizarre. They had tables assigned in the dining room, indicating where you are allowed to sit. Oh, you’re a new star. You sit over there. You’re a new male actor. Oh, you look like a great cowboy. We’ll put you closer to Walter Wanger, etc. And this is how it was. But they were very sophisticated. They had, they took me on a walk through Waterobe and you know, that you see all these false tits with like buttons sewn on the outside to show how aroused a female is feeling, according to how erect the nipple is. I mean, they were really refined. They had a whole pile of penises hanging on a line, which they would stick in guys pants for the cowboy movies. It was just incredible. I don’t know why they didn’t just use a loaf of bread, but no, they had these fabulous sticks all hanging out to dry like mother’s laundry.
What made you decide to move in Italy?
Barbara Steele : It was just an impulse.
Good impulse.
Barbara Steele : Yes, a good impulse. I think everybody wants to move to Italy. Everybody wants to be born in Italy.
Is it a kind of Eden?
Barbara Steele: Yes, it’s so generous on every level—operatic, free, with wonderful children, excellent fish…
You arrived in Italy as a 20 year old woman stepping into the male-dominated world of genre cinema, which is also very different from Hollywood. How did you experience that immersion? Was it unsettling at first or an ultimately liberating experience ?
Barbara Steele : Well, everybody was so courteous and so generous and so kind and so concerned. I just felt completely nurtured and adored. And I’m sure everybody else did too. It was a very loving, great experience. And this includes the crew, the director, the actors, everybody. It was a big family.
Barbara, we’ve just rewatched Lo Spettro by Riccardo Freda. What memories do you have of that shoot and perhaps the work you did with Riccardo Freda on the previous one, The Horrible Dr. Hichcock?
Barbara Steele: I made two films with him : The Horrible Dr. Hichcock first, and then Lo Spettro. I don’t recall any notable differences in method between the two films. So the first film I did with him was The Horrible Dr. Hichcock. He was quite narcissistic. He would arrive on set in this beat-up old Rolls-Royce. He was about 58 at the time, or something like that. And he probably had a girlfriend who was maybe 14 years old, absolutely exquisite, who—even under the Roman sun—would sit all day on set in a black negligee, draped in a flowing coat. And she would just sit there throughout the shoot, like some kind of terrifying goddess.
I adored Riccardo Freda. He was all melodrama and intelligence—a true one-man opera. And he kept the entire crew united, even though everyone was paid next to nothing for that film. They were so devoted to his energy, his intelligence, and his generosity of spirit that it was thrilling to work for him. In fact, he was my favorite director. That’s it!
What about Mario Bava? He noticed you because of the cover of Life magazine. Have you ever figured out what he saw in you that was so special?
Barbara Steele : He must have seen something in me. I can’t imagine what. It’s a long journey all the way to Rome, and he might have been very disappointed. For example, when I made Young Törless with Volker Schlöndorff, I was the third actress cast for the role. They had already shot three or four days with other actresses before choosing me. And I had to learn German. I had very few lines, thank God. I had to learn German in three days, and I managed it. I’m sure I was dubbed. That’s the whole story!
You played the witch and the young lady in the Mario Bava movie Black Sunday. What do you remember about how you portrayed those characters?
Barbara Steele : Oh, I was so young. I mean, it was a powerful, very real experience. When I made Black Sunday with Mario Bava, it was … truly intense, because it was my first real film, apart from a few small roles in mediocre movies. And Mario Bava was extremely shy. He was like a repressed priest. He was very calm, very subtle, very intelligent. And incredibly civilized. He was a lot like Roger Corman—very calm, rather reserved, very courteous, and exactly the opposite of Riccardo Freda. And unfortunately, he caught a terrible flu during the shoot. He often had his dog on set. Then the dog got sick too. So that really wasn’t good.
It was a very dark set, very ominous. None of the crew was allowed to wear any color. Everything was black and white. Everything was very somber. Everything represented death.
Even the costumes and the sets lacked color ?
Barbara Steele : There wasn’t a costume with a scrap of color on it. The only color you would ever see would be blood.
You’ve played the ingenue, the villain, the angel, and the demon—sometimes within the same film. That still seems quite unique in genre cinema, being able to play two different, even opposing characters in a single film.
Barbara Steele: I’d say it wasn’t difficult. We all have that duality within us. It’s very personal. We all have that conflict inside. It’s really in our bones. We always have these two energies.
When you portray your characters—whether negative or positive—there’s a refusal of Manichaeism. Even the somewhat negative character of the heroine in El Spettro becomes mysterious. You want to understand her, you want to love her. I was wondering how you managed to achieve that. Did it come from the script? Or did you take ownership of the role?
Barbara Steele: There’s more nuance, more drama in playing a negative or ambiguous character than someone who is harmless and charming. It’s much more fun, much more dynamic to portray a more complex character.
And did you prefer playing more negative or positive characters?
Without a doubt, negative.
What kind of freedom did you have in interpreting your roles and taking ownership of them? What freedom did the filmmakers give you to interpret them in that way?
Barbara Steele: I was never free.
But did you have a more cerebral or instinctive way of interpreting roles?
Barbara Steele: I think for any actor, when it touches a central nerve that is true, dynamic, and vital, it always comes from instinct. It’s not a cerebral choice. Maybe Laurence Olivier would say something different!. But it depends on the role. Some roles inhabit you and take possession of you; with others, they’re just renting you.
What about the roles you played in Freda’s films?
Barbara Steele: With Freda, it was very instinctive. He was a very instinctive man, emotionally driven. I felt very comfortable with Freda. I like people like that.
Then you were instinctive if the director was instinctive ?
Barbara Steele : Yes, definitely. Because you have this silent kind of exchange with the director then. You can feel it.
You’ve embodied ghosts and are familiar with the supernatural in cinema. Are you sensitive to the supernatural or the inexplicable in life?
Barbara Steele : Do I believe in ghosts? Absolutely!
You filmed The Horrible Dr. Hichcock at the same time as Fellini’s 8½. You took 10 days off for Freda. How did you manage to inhabit two very different universes at the same time? Was it a matter of acting according to direction and the relationship you had with the filmmaker? How did you transition from one universe to the other?
Barbara Steele: It should be said that 8½ was a very long shoot. We had to sign a contract for six months, and then we’d film for three weeks, and afterward, we’d have two and a half weeks off to relax.
Actually, the two universes were so different that there wasn’t really any overlap. It was very precise and particular with Fellini. So it was easy to step out of that and into another universe, especially since with Riccardo Freda, it was something very different. The setting was the end of the 19th century, and I had a very heavy velvet dress
Speaking of Fellini, well, Fellini at that time, during the filming of 8½, was probably at the peak of his powers. It was his last black-and-white film. That’s his last film for which he invested enormously in every aspect. He was in the middle of this passionate affair with Sandra Milo, who is in the film, of course, and who seemed to embody all the energy of Rome at that time—so dynamic, so sensual, so charged, so loving, and so powerful that we all knew we were participating in something that was an absolute blessing.
Everyone could meet Fellini at that time. He met all of Rome—every butcher, every street vendor, every baby, every dentist, everyone. They would all sit outside his office for about three hours, eating candy, drinking wine, and chatting. He spent four months casting. His office was tiny, like this room, covered in photographs. When I met him, he didn’t ask me any questions about acting, which I thought was fabulous. He asked me what I thought about food, men, sex, perfume, storms…anything and everything. And he sent me straight to costumes. I spent 25 minutes with him, then he called some people, and I went straight to fittings for costumes. I got the role within an hour.
How do you see your character in 8½?
Barbara Steele: With the character I played in 8½, I can’t really talk about it. It was all a kind of wild, intuitive dance—not just for me, but absolutely for a man on a bicycle, the person delivering ice cream, Fellini himself. It was a kind of very intuitive event.
How were your interactions with Fellini?
He would sometimes call at three in the morning and say, “Okay, let’s go for a walk,” and I’d say, “Oh my God, I’m sleeping, and it’s raining.” Then he’d say, “Yes, but I have umbrellas, and it will be fabulous on the Via Appia.” So, there you go: you don’t say no to Federico, and you go out with him and his umbrellas. We’d take these long walks through these ruins full of beautiful shadows. Because it was always a poetic privilege to be alone under the wet trees with Federico, in a dripping Rome, a half-deserted Rome with a few drenched cats and very few people. So we’d take these walks in Rome, and he was very detached, solitary, and he’d go on these incredible strolls. He knew all the old prostitutes, who were on one side of the Via Appia, eating over there. We always ended up on the Via Appia Antica, which he loved. It’s the only road that goes straight through Rome like an arrow. It was very Federico. And it was filled with magnificent, plump prostitutes on the right, eating sausages they cooked over a little campfire. And on the left, there were all these beautiful gay transvestites, dressed as brides. And he would always say, “Buona sera.”
Fellini wanted to work with you again for his Casanova, but the footage was lost in a fire, wasn’t it ?
Barbara Steele : But it was stolen actually out of Cinecittà along with the film of Pasolini’s. He already shot a whole sequence and that whole sequence just disappeared. It was, I don’t know, maybe10 days work. It was a huge drama.
And for you ?
Barbara Steele: For me, well, I hadn’t shot it yet. I hadn’t started that sequence, but I had all my costumes—fabulous costumes, and everything. I was devastated that it was over. I mean, that he eliminated that from the film.
Did he do it just because he was traumatized by the fact that it was lost? Like he was moving on?
Barbara Steele: I think he had it stolen! I think he thought it was just too much. It was like too much cream on the cake. He had to pull back. So, what did you think of Donald Sutherland in that film?
I think he was wonderful… he is a possessed actor, a monster actor like Oliver Reed, for example. It’s more than natural.
Yes ! Fellini was so subtle that when Donald Sutherland was doing costume fittings, and these beautiful costumes were made for him and everything, Fellini said, « No, no. I want his wrists to show. » And I thought, I’ve never heard anybody ask to see somebody’s when they’re wearing that sort of silk suit. Fellini said, « Yes, yes. He has such awkward wrists. »
And how was your experience working with Roger Corman?
Barbara Steele: He was an exquisite man. So civilized and so charming. I love Roger Corman. He was the sweetest person. I only made that one little film with him. He was really the most civilized director I’ve ever encountered. The most polite and the most attentive. I thought he was just fabulous.
And Vincent Price?
Barbara Steele: I think Corman got on very well with Vincent Price. I also adored Vincent Price. He was like a medieval king. And I felt like I should kiss his feet or something. You can’t help but love Vincent Price. He’s like all of Victorian theater pulled into one human being.
Later, you worked with a new generation of admiring filmmakers like Joe Dante and Jonathan Demme, who cast you in villainous roles.
Barbara Steele : Everybody was trying to make movies for a dollar, you know. I think Jonathan Demme stopped me on a street. He had a great big, pale blue convertible Cadillac that must have been 30 years old. And he jumped up and screamed and got out when he saw me walking down Sunset Boulevard. And he asked me if I’d be in this movie and three days later … I’m in this movie. And that’s how I met him.
Your role in David Cronenberg’s Shivers is more complex, tragic, and magnificent than in Joe Dante or Jonathan Demme’s films. Do you remember the shoot? How was your experience working with David Cronenberg?
Barbara Steele: David Cronenberg was young. When I met him, I was living in Malibu, right on the edge of the sea, in this little house. It was winter. There were atrocious storms—really violent and terrifying. Something like what Leonardo da Vinci might have invented. These massive storms. One day, this man called me and asked if I’d be interested in making a film. I said, “Well, I have to read a script.” He said, “I’m in Los Angeles. Can I come see you?” I said, “Yes.” He arrived with this enormous bouquet of marigolds. You know what that is? It’s a completely orange flower. And that day was completely black, gray, like the end of the world. And this man arrived—he looked like he was 12 years old. He was so young and so thin, with this incredible bouquet of flowers. I fell madly in love because there’s nothing better than a bouquet of marigolds against a raging ocean. And that’s how I met him.
And do you remember your character? You’re the kind of distinguished lesbian lady in the building. You die in the bathtub.
Barbara Steele: Yes.
And then you seduce the woman downstairs.
Barbara Steele: And what about all the bodily fluids?
There are a lot of bodily fluids in that film.
Barbara Steele: Has David Cronenberg ever made a film without bodily fluids?
I had this big kissing scene with that actress. She was lovely, but she had a terrible flu. So it was really awkward. And we shot in this building in the middle of nowhere in Montreal. This beautiful building in the middle of a parking lot. It felt very strict, like a prison. Everything was very tight.
Could we talk a little about your relationship with France?
Barbara Steele: Well, who can’t be madly in love with France? It’s like the greatest poetic dream. You come to France at nine years old, and you never get over it.
Do you remember your adventures with the fans of Midi-Minuit Fantastique with Michel Caen and Jean-Claude Romer?
Barbara Steele: They came to see me in Rome more than I came to France. That’s how I met them. They were all so young. They looked like they were 12 years old. Michel Caen must have been 23. They gave me an award in San Sebastian.
And your experience with Georges Lautner on Le Monocle rit jaune—do you remember?
Barbara Steele : I just remember we shot that in Hong Kong. It was a French film. It was very weird. I’ve blocked it all out of my memory. My advice to everyone: don’t shoot in Hong Kong Harbor, because it stinks.
One of your most striking recent roles was in Ryan Gosling’s Lost River. How did that collaboration come about? And what was it like working with him?
Barbara Steele : I don’t know why he asked me to be in that film. And I certainly don’t know why I accepted it. Well, I did. Anyway, he asked if he could meet me. And I said, « Yeah, of course. Why don’t you come over for some lunch or something? » He came over with his girlfriend, Eva Mendez. And we had this kind of Spanish lunch in my garden, which happened to be flourishing and abundant. And we had like a three and a half hour lunch and everybody loved everybody else. And he said, « Oh, I’m just going to work with you forever. This is incredible and I’ll see you very soon. » And then they flew me to this location. And I have to say, this character was just completely ridiculous. Totally hopeless. I couldn’t believe it. I mean, I just wanted to run away. And he seemed very awkward. And there were terrible mistakes made in that film. I mean, they had this impoverished family with the most perfectly pressed, clean clothes and staggeringly expensive haircuts and looking like they’d just come out of Savile Row. I thought, « Doesn’t he know better than this ? » So I don’t know. It was a very, very uptight and difficult shoot with a lot of tension and a lot of angry producers sitting in overstuffed chairs.
It seems to me that people like Tim Burton or Edgar Wright would have approached you to be in their films. Have they ?
Barbara Steele : Well, Tim Burton did approach me, but I was already 40. And I’d given up. Tim Burton approached me a few times and would send me wonderful gifts of his drawings and things. And I regret sorry that I decided I couldn’t possibly act anymore.
How did David Gregory convince you to narrate his documentary?
Barbara Steele : Well, I mean, I just… I adore him. So I said, « Yes, if you’d asked me to bake a cake, I would have done that as well. »
Are there things in your acting career that you regret doing or not doing ?
Barbara Steele : I regret not being much more serious and committed to it. I was totally seduced by living in Italy, which is much more than just doing a movie. It is like… It’s like the whole nine yards of terms of being alive, especially if you’re coming out of a very grey, repressed London.
If you had one piece of advice for young actresses today…
Barbara Steele: I have no advice.
That is the advice?
Barbara Steele: I have no advice. No. Well, okay : fall in love with the right guy.
A heartfelt thank you to Barbara Steele for playing along so generously, to David Gregory for his unwavering support and availability, to Noëlle Gires for the translation, to Marc Troonen and Jean-Bernard Emery for the for the organization, and to Brad Carter for copy editing it in the english version.
Photo de tête d’article © Fred Ambroisine
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