Cannes 2025 : Being Bo Widerberg : Un hommage vibrant, mais en demi-teinte
Présenté en section Cannes Classics 2025, Being Bo Widerberg, réalisé par Jon Asp et Mattias Nohrborg, ambitionne de redonner lumière à une figure clé — mais trop souvent négligée — du cinéma suédois. Widerberg est un grand cinéaste qu’il est urgent de redécouvrir. Culturopoing a d’ailleurs régulièrement analysé son œuvre et nous poursuivrons son étude à l’occasion de la rétrospective qu’il lui sera prochainement consacrée.
Le quartier du corbeau (Kvarteret Korpen, 1963) © Bo Widerberg
Le documentaire retrace le parcours de Bo Widerberg, depuis ses débuts comme écrivain et critique à Malmö, jusqu’à sa reconnaissance internationale. Le dispositif repose sur des archives rares, des entretiens avec ses proches et collaborateurs, et un fil narratif qui suit chronologiquement l’évolution de son œuvre et de sa pensée.
Certaines séquences révèlent la puissance évocatrice du cinéma de Widerberg, d’autres laissent entrevoir des tensions fécondes, notamment avec Ingmar Bergman, son « rival naturel » dans l’imaginaire critique suédois. Malheureusement, ces pistes ne sont qu’effleurées.
Elvira Madigan (1967) © Bo Widerberg
Le cœur du film bat du côté de l’intime. Les sacrifices personnels de Widerberg, ses relations artistiques et familiales complexes voire toxiques, ses luttes créatives.
La structure linéaire, parfois illustrative, freine les effets de tension ou de relance. On reste dans une forme classique de biographie filmée, là où une réflexion plus libre aurait pu enrichir la lecture d’un cinéaste profondément politique — sans être militant.
Ådalen 31 (1969) © Bo Widerberg
Bo Widerberg : un souffle libre dans le cinéma suédois
Souvent présenté comme l’autre grand nom du cinéma suédois, Bo Widerberg (1930–1997) s’est imposé comme l’antithèse douce d’Ingmar Bergman. Plus proche des gens que des dieux, plus sensible à la rue qu’aux symboles, Widerberg a construit une œuvre humaine, sociale et vibrante.
© Bjärn Edergren/SVT Bild
Romancier et critique dans les années 1950, il passe rapidement derrière la caméra pour défendre un cinéma du réel, inspiré de la Nouvelle Vague française et du néoréalisme italien. Son ambition : filmer les classes populaires, les amours contrariées, les conflits sociaux, loin des introspections bourgeoises.
Parmi ses œuvres marquantes : Raven’s End (Kvarteret Korpen, 1963), chronique la vie d’un quartier ouvrier inspiré de sa jeunesse à Malmö ; Elvira Madigan (1967) est un drame amoureux au lyrisme pictural ; Ådalen 31 (1969) évoque une grève ouvrière tragique (Prix du Jury à Cannes) ; Joe Hill (1971) fait le portrait engagé du syndicaliste suédois exilé aux États-Unis ; le polar tendu The Man on the Roof (1976), préfigure le thriller nordique.
Widerberg filme à l’épaule, dirige ses acteurs avec intuition, et laisse à l’imperfection sa part de vérité. Il révèle notamment Thommy Berggren, son interprète fétiche, et laisse une trace durable chez les cinéastes Lukas Moodysson, Ruben Östlund, ou encore Roy Andersson. Le revoir à Cannes en 2025 n’est pas un simple exercice mémoriel. C’est reconvoquer un regard libre, parfois désordonné, mais animé par une foi sincère dans le pouvoir du cinéma à éclairer le monde.
Si l’intention est louable et le matériau d’archives impressionnant, le résultat oscille entre émotion sincère et manque d’élan critique. Being Bo Widerberg reste néanmoins une porte d’entrée précieuse pour découvrir ou redécouvrir un cinéaste dont les films, à bien des égards, résonnent avec les préoccupations contemporaines.
(Sortie en salle le 2 juillet 2025)
© Tous droits réservés. Culturopoing.com est un site intégralement bénévole (Association de loi 1901) et respecte les droits d’auteur, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos visibles sur le site ne sont là qu’à titre illustratif, non dans un but d’exploitation commerciale et ne sont pas la propriété de Culturopoing. Néanmoins, si une photographie avait malgré tout échappé à notre contrôle, elle sera de fait enlevée immédiatement. Nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur – anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe.
Merci de contacter Bruno Piszczorowicz (lebornu@hotmail.com) ou Olivier Rossignot (culturopoingcinema@gmail.com).