Cannes 2025 (Un Certain Regard) – Pedro Pinho – « Le Rire et le Couteau »

« Le Rire et le Couteau » : Fresque exploratoire de la Guinée-Bissau postcoloniale et quête identitaire

Le film Le Rire et le Couteau (O Riso e a Faca) de Pedro Pinho, présenté dans la section Un Certain Regard au Festival de Cannes 2025, est une œuvre cinématographique ambitieuse de 3 heures 30 minutes qui explore les complexités postcoloniales de la Guinée-Bissau à travers le regard d’un expatrié portugais.

© Météore Films

Le film suit Sérgio, un ingénieur environnemental portugais travaillant pour une ONG en Guinée-Bissau. À travers ses interactions avec les habitants Diara et Gui, Sérgio navigue dans des paysages personnels et professionnels complexes, confronté aux ambiguïtés de son rôle et aux implications plus larges de l’intervention étrangère. Les critiques notent que le film conserve un humour subtil, soulignant souvent le malaise de Sérgio et son décalage par rapport au contexte local, remettant ainsi en question les récits traditionnels du sauve-qui-peut occidental.

Le film se déroule principalement à Bissau, la capitale de la Guinée-Bissau, un pays marqué par une histoire coloniale portugaise prolongée jusqu’en 1974. Pedro Pinho renverse les rapports de force traditionnels en plaçant Sergio dans des situations où il est constamment en décalage, jamais tout à fait sur un pied d’égalité avec les locaux. Cette dynamique reflète les tensions postcoloniales persistantes et les défis de l’intégration dans une société marquée par son passé colonial.

Plutôt que de tenter de représenter la Guinée-Bissau dans son intégralité, Pinho se concentre sur les expériences vécues et la richesse culturelle de ses habitants. Il met l’accent sur la diversité du pays et sur les marques durables de la résistance aux invasions coloniales. Le film dépeint les complexités de l’aide internationale, remettant en question les dynamiques de pouvoir et la complicité potentielle dans la perpétuation des inégalités historiques.

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Le film aborde également les enjeux contemporains de la Guinée-Bissau à travers la mission de Sergio, qui consiste à évaluer l’impact environnemental de la construction d’une route. Cette tâche le confronte à des réalités complexes, telles que la présence d’ouvriers blancs dirigés par un contremaître chinois, illustrant un nouveau type de colonialisme économique. Le film dépeint ainsi une société où les influences extérieures continuent de façonner les dynamiques locales.

Avec Le Rire et le Couteau, Pedro Pinho propose une œuvre qui oscille entre fiction et ethnographie, offrant un regard profond sur les réalités sociales, politiques et culturelles de la Guinée-Bissau. Le film s’inscrit dans la lignée de son précédent travail, L’Usine de rien, en explorant les thèmes de l’aliénation, de l’identité et des structures de pouvoir.

En effet, l’inspiration de Pinho pour le film est née de ses années de voyage et d’expériences vécues en Afrique de l’Ouest. Il s’y est d’abord rendu pour des raisons professionnelles, mais il y a développé des liens profonds et un désir récurrent d’y retourner, poussé par le besoin de voir l’Europe d’un point de vue extérieur. Ses rencontres à Bissau ont révélé une réalité radicalement différente des perceptions européennes – une mosaïque de cultures, de langues et d’histoires façonnées à la fois par la domination coloniale et les luttes de libération. Cette expérience profonde l’a poussé à explorer les dynamiques coloniales persistantes qui se manifestent sous des formes modernes, en particulier à travers la coopération internationale et les structures d’aide.

 

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En somme, Le Rire et le Couteau est une exploration contemplative de l’identité, du pouvoir et des ombres persistantes du colonialisme. Grâce à un mélange de fiction et d’observation ethnographique, Pedro Pinho invite le public à réfléchir aux réalités complexes des sociétés postcoloniales et aux rôles que les individus y jouent.

 

 

 

 

 

 

 

 

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