Mathieu Sapin – « Campagne présidentielle »

Mathieu Sapin bénéficie d’un fort capital sympathie, notamment du fait de son angle d’attaque commun à trois de ses derniers albums dont celui-ci : intégrer un milieu méconnu du grand public et en retraduire la sève sous forme de bande-dessinée. Après « Feuille de chou » tiré du tournage de « Gainsbourg, vie héroïque » et « Journal d’un journal » sur les coulisses de Libération, c’est à la campagne de François Hollande qu’il s’est consacré moyennant un emploi du temps soutenu, « Campagne présidentielle » étant paru le 22 mai. Outre l’intérêt de ses sujets, c’est un dessinateur qui s’exprime avec simplicité, aimant à se croquer lui-même sous les traits d’un petit personnage essoufflé à l’amusante modestie.
C’est donc avec une certaine indulgence que l’on considère de prime abord cette sortie qui n’en reste pas moins absolument opportuniste. En parallèle, des attentes particulières se créent chez le lecteur qui peut être en droit d’espérer dans cette discipline artistique un traitement libéré et décalé, voire mordant, de cette thématique. Le teasing est à son comble en lisant le préambule de l’auteur qui déclare ne rien connaître à la politique. En insistant sur son statut d’infiltré, Mathieu Sapin n’en finit plus de mettre en appétit le lecteur en mal de vérité qui guette, sinon le scoop, de croustillants détails sur la campagne présidentielle…
Mais victime du syndrome de Stockholm, bâillonné par des clauses de confidentialité ou frappé d’un fatalisme impertinent, l’auteur se contentera de décrire l’effervescence de la campagne et le lecteur en quête de off repartira bredouille, non sans quelques rares sourires tout de même. De déplacements en réunions, puis en déjeuners, on s’ennuie ferme à la table de l’observateur. Ici perce l’interprétation regrettable que les débats des hautes sphères se feront sans lui et par extension, sans l’électeur lambda. On n’y apprend rien, ni sur le sujet ni sur la propre expérience de l’auteur qui manque, certes, cruellement de recul. Il faut dire que Mathieu Sapin se heurte à l’excellence de ses confrères Lanzac et Blain qui ont réussi avec les deux tomes de « Quai d’Orsay » à aborder la question politique avec un cynisme incroyablement drôle ; il a le bon goût de les citer. Entre de longs passages assez rébarbatifs malgré les nombreuses annotations-légendes parfois un peu rigolotes, il parvient néanmoins à faire mouche de façon fugace avec ses intermèdes dans le registre des brèves de comptoirs ou de manifestations. Cependant, noyées dans la masse, ces perles manquent d’éclat et ne parviennent pas à porter cette « Campagne présidentielle » plus loin que l’idée de la surmédiatisation en creux de la vraie campagne, déjà avérée.

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A propos de Sarah DESPOISSE

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