Bernard Plossu, photographe : « Periferia – Échos du Néo-Réalisme » (avec un texte d’Alain Bergala)

Les Éditions Yellow Now ont publié récemment un livre de photographies de Bernard Plossu intitulé Periferia. Ce n’est pas la première fois que l’éditeur belge montre à travers des ouvrages – notamment ceux de la Collection Les Carnets – le travail du photographe français. Mais, ici, nous avons été particulièrement intéressés par les liens établis entre la photographie et le cinéma : entre des lieux de la Péninsule, des situations saisies en elle, et le cinéma néo-réaliste qui émerge significativement au moment où le fascisme mussolinien s’effondre, en 1943. L’ouvrage est d’ailleurs sous-titré : Échos du Néo-Réalisme. Plossu a un temps été tenté par le cinéma, il est un passionné du septième art.
Et ces liens sont regardés et mis en lumière, verbalisés littérairement, analysés à la fois conceptuellement et concrètement, de façon minutieuse, par un spécialiste du cinéma italien, Alain Bergala, en un beau texte qui accompagne les photos. Bergala, enseignant, essayiste, critique, cinéaste, qui a travaillé entre autres sur Rossellini et Pasolini.

Bergala écrit : « (…) ce que Plossu capte dans ces photos : une sensation de l’italianité propre aux films de l’après-guerre et sur laquelle le cinéma italien a vécu pendant trente ans. Quand il se balade dans ces périphéries italiennes, la guerre est finie depuis soixante ans, mais sont inscrits dans sa mémoire affective du cinéma des souvenirs d’ambiance, de cadres, d’espaces déconnectés qui lui viennent de ce cinéma » (p.6).
Et l’on pense bien sûr – en lisant Bergala, en regardant le travail de Plossu et en l’écoutant en parler – à des concepts utilisés par Deleuze quand il évoque ce qu’il appelle la « crise » de l’ « image-action » au cinéma : la « bal(l)ade », la « banalité quotidienne », l’ « espace quelconque »…

Bernard Plossu est né en 1954 au Viêt Nam. Il commence à pratiquer ce qui va devenir son métier – la photographie – très jeune, peut-être autour de l’âge de 13 ans, et notamment à travers moult déplacements, voyages. Plossu est plutôt ce que l’on appelle un photographe de reportages – même s’il lui arrive aussi de faire des portraits et des autoportraits. Ce seront, au fil des années et entre autres, le Mexique, les États-Unis, l’Inde, le Niger, le Portugal…
Mais aussi, donc, l’Italie. Il la découvre dans le courant des années soixante-dix et s’y rend régulièrement, comme il en a témoigné à l’occasion d’une exposition intitulée L’Italie de Plossu qui a eu lieu début 2015 à la Maison Européenne de la Photographie : cf. http://www.mep-fr.org/evenement/litalie-de-bernard-plossu/

Nous reproduisons ci-après quelques unes des réponses que Bernard Plossu a bien voulu nous apporter à propos de son travail, de ce travail sur les périphéries italiennes… et pour lesquelles nous le remercions vivement.

Les photos publiées dans Periferia :

«  Periferia a été pris pendant tous les séjours, nombreux, que j’ai effectués en Italie depuis les années ’70… Les photos ont été conçues à la vue des images évidentes d’une autre Italie. On ne peut pas s’empêcher de faire de « belles » photos de ce beau pays. Dans mon cas, il y avait cependant et aussi ce besoin de retrouver une Italie fille du néo-réalisme, c’est-à-dire une Italie moins « belle »… Une sorte d’ envers du décor : là, je trouve une force visuelle, peut-être moins belle, mais puissamment vraie et nécessaire. Periferia a été fait à Palerme, Gênes, Naples, Bari, Formia, Brindisi. C’est très au sud, tout cela, pas au nord. Periferia est constitué d’environ 40 % de mes photos prises en Italie. »

Le critère de sélection :

« C’est une sorte d’ hommage contemporain au néo -réalisme de l’époque des années ’50 et ’60. Il s’agit de montrer que le néo-réalisme existe encore aujourd’hui !
Je dois dire qu’un moteur essentiel de ce projet a été l’intérêt qui y a apporté Alain Bergala… La compréhension de ma démarche qui a été la sienne ! »

Sur le concept plossuien de « surbanalisme » – sur lequel revient Bergala :

« En 1970, je me suis rendu compte que les choses les plus banales étaient en fait extraordinairement surréalistes ! D’où la contraction des deux mots. Le « surbanalisme » est un pied de nez au surréalisme souvent pompier ! Selon moi, pas mal de mauvaises œuvres en ont trop fait sous l’étiquette facile de surréel.
Ça m’a permis de dire que rien n’est plus surréel que le banal ! Des photos nulles de sandwiches, des images faussement délirantes ont été réalisées. Alors que, en fait, une simple petite chose, en photographie, peut être chargée de délire !
Ça avait beaucoup fait rire mon ami Sergio Leone, à l’époque. Du coup, il m’a proposé d’écrire la préface de mon livre Le Surbanalisme que les Éditions du Chêne ont publié en 1972 avec une belle maquette de Jacques Maillot. »

 

 

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