Fort d’une scène d’ouverture Hong-kongaise totalement enthousiasmante, Grafted démarrait sous les meilleurs auspices. Mais, très vite, ses intentions – aussi excellentes soient-elles – ont tôt fait de rattraper le film, lequel se perd dans la démonstration. Au final, et à l’image des fameuses greffes dont il est question, le propos défendu par les autrices échappe à tout contrôle.
Assurément, le film s’intéresse principalement à deux questions: celle de l’intégration (sociale notamment) et celle des injonctions à une forme de beauté normative. Ainsi la greffe de peau devient la métaphore de l’assimilation, ici de la diaspora Chinoise dans la société anglo-saxonne.

Pour ce qui est de la dictature de l’apparence, Grafted s’inspire directement du déjà bien redondant et démonstratif The Substance, sans toutefois atteindre la même pertinence, ni la même… générosité. Quand un film aussi lourdement référentiel et dans l’air du temps que celui de Coralie Fargeat commence à faire des petits, il y a de quoi être méfiant quant à la flopée d’erzats sans grand intérêt qui nous attendent. En devenant un genre satirique à part entière, la body horror est en train de connaître un sérieux essoufflement, paradoxalement affadi et banalisé. Heureusement que Julia Ducournau est encore là pour explorer de manière moins terre-à-terre et plus métaphysique un terrain intime et accidenté.
Par son formalisme léché lorgnant – et c’est quasiment devenu incontournable dans le cinéma de genre – du côté du giallo, la réalisatrice Sasha Rainbow parvient malgré tout à installer son atmosphère. Avec ses lumières, et cette maison percée d’un trou, lequel rappelle une vulve, recouverte d’une membrane qu’il s’agit de percer, le récit est jalonné d’indices guidant le spectateur dans la psyché de Wei (Joyena Sun), cette jeune Chinoise au visage partiellement abîmé par une maladie de peau, débarquée en terre Néo-Zélandaise pour poursuivre le travail de son défunt père.
Confrontée à sa cousine, laquelle a tourné totalement le dos à la culture Chinoise, et son groupe de amies digne d’une série Netflix, Wei va connaître le fort sentiment d’être étrangère, et vouloir à tout prix s’intégrer. C’est là que la gentille étudiante se transforme en une sorte de Dr Jekyl pour s’incarner littéralement dans la peau – parfaite – de ces jeunes femmes, symbolisant différentes facettes d’une norme physique et sociale.

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Malheureusement la suite tragique échoue à réellement tenir le spectateur, la faute à quelques facilités scénaristiques, voire d’incohérences. Pour qu’un concept fantastique fonctionne, il doit s’imposer des règles strictes et s’y tenir. Or, Sasha Rainbow, afin de rendre tout possible à l’image plonge Grafted dans l’incohérence et il faut bien le dire, le n’importe quoi. Sa mécanique de changements d’apparence, plombée par ses intentions symboliques, passe d’intrigante à embarrassante, au point qu’on finisse par se demander si l’idée qui nous avait interpellée au départ n’est finalement pas un peu bête.
Dommage, tant la plongée organique dans l’horreur pourrait se montrer troublante. Avec une scène finale grand-guignolesque, une pointe d’amertume demeure en bouche devant cette tentative de fusion abominable. Avec cette métaphore malheureuse, l’idée s’insinue que finalement la greffe d’une communauté au sein d’une culture ne peut aboutir qu’à un résultat monstrueux et informe, sans identité possible. Gageons qu’il ne s’agit là que d’une maladresse, symptôme d’un certain manque de maîtrise du propos. On ne dira pas qu’on attend son deuxième long métrage avec impatience, mais on lui laisse tout de même le bénéfice du doute.
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