Le cinéma québécois ne manque pas ces dernières années de créations originales qui  proposent des réflexions sur la jeunesse et l’inadéquation au monde – on pensera sans difficulté au  décalé Vampire humaniste cherche suicidaire consentant de la très prometteuse Ariane Louis-Seize ou  au superbe Une Colonie de Geneviève Dulude-De Celles. Dans cette veine, La mort n’existe  pas (Quinzaine des cinéastes à Cannes) du canadien Félix Dufour-Laperrière conte les tribulations  animées d’une bande de jeunes terroristes rêvant au Grand Soir, prêts à entamer une lutte armée  contre les plus riches par l’attaque de la luxueuse demeure d’une vieille dame et de ses hommes de  main. Le réalisateur, qui est également au scénario et au montage, propose un récit animé poétique et  éminemment politique, une fable onirique et violente mettant en scène les questionnements et  troubles de la jeune héroïne, Hélène. 

La Mort n’existe pas

Un dédale de statues ou les bois sombres d’une forêt sont prétextes à un voyage pittoresque  faisant surgir des scènes de nature morte – la peau, le vivant et la destruction – irriguées par la  métaphore de la chasse. C’est à travers cette prédation que s’entremêlent les motifs du récit, de la  révolte ourdie dans les bas-fonds d’une forêt entre imaginaire écologique survivaliste teinté de refus  de la technologie et lutte des classes. La puissance du règne animal laisse place à d’évocatrices images  de manifestations sociales, entremêlant beaux-arts et natures mortes, décès et renaissance, dans un camaïeu de références denses. L’animation nous saisit par sa grâce poétique, les influences qu’elle  convoque, les traits figurant les estampes japonaises raffinées et les imaginaires païens, totems d’antan  devenant soubresauts inconscients de la protagoniste. L’assaut amène Hélène à s’interroger sur ses  propres agissements et les possibilités d’une rédemption face à une existence de marginalité choisie :  jusqu’où va-t-on par souci de radicalité ? Comment embrasser une cause sans se trahir soi-même et  trahir ce et ceux pour quoi et pour qui on s’est engagé ? Car c’est bien là l’enjeu du scénario, comme  l’explicite l’auteur lui-même : le film « essaie (…) de réfléchir au surgissement de la violence, aux  implications des convictions profondes, à leur part de lucidité et d’aveuglement. » 

C’est précisément ici que le bât blesse. Bijou d’animation à la forme ouatée et poétique, La  mort n’existe pas ne convainc qu’à moitié quand il s’agit d’évoquer les frasques politiques et les  questionnements inhérents à la lutte armée d’une rébellion juvénile en quête de sens, trop verbeux et  redondant à mesure que les doutes de la protagoniste l’assaillent. Entre interrogations ontologiques et  vague à l’âme, le récit s’essouffle par moment dans des confusions narratives, se phagocyte dans sa  poétique qui déconstruit tout pour proposer une narration décousue entre rêve et réalité, abstraction  et matérialité corporelle. On se laisse bercer par l’âpre violence auréolée de douceur mais l’on ne  parvient pas à suivre une trajectoire véritable se perdant dans des effets de styles qui, sans rien retirer  de leur superbe, alourdissent le propos. D’abord happés par la promesse d’un parti pris formel audacieux, on reste en surface, comme en dehors d’une histoire qui se veut trop métaphorique et  foisonnante à mesure qu’elle tente de gagner en complexité, défiant les strates au point de perdre le  fil d’une réflexion ténue qui s’étiole.

La Mort n’existe pas 

Malgré sa réalisation travaillée, l’œuvre peine à être autre chose qu’un tour de force  esthétique, confinant presque à l’exercice formel du film de fin d’étude alors qu’elle aurait tant gagné  à recentrer sa narration pour raconter les doutes, la peur, la rage d’une génération qui refuse un monde  où règne violence symbolique, déni écologique et inégalités sociales. La mort n’existe pas tourne  autour de son sujet en nous faisant pénétrer dans la psyché tourmentée d’une jeune femme, prétexte  à une introspection qui manque cruellement d’intérêt dramatique et nous laisse malheureusement sur  notre faim – lupine.

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A propos de Alyssande DAURIAC

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