Concours ESC / Culturopoing : « Bandits Bandits » de Terry Gilliam

Terry Gilliam est l’un des membres de Monty Python à s’en être le mieux extrait, sans pour autant renier l’esprit comique et absurde qui caractérisait la troupe. Et même si sa filmographie se révèle assez inégale, on ne peut nier qu’elle a imposé un univers personnel, ne ressemblant qu’à son auteur. Evidemment, John Cleese et dans une certaine mesure Michael Palin ont eu une belle carrière d’acteurs, mais dont le ton ne différait finalement pas tant de leurs prestations dans le Flying Circus. Quatre ans après Jabberwocky, étonnant film d’aventures héroïco-comiques médiévales qui s’apparentait souvent  à un codicille de Sacré Graal, revoilà Gilliam avec un projet co-écrit avec Michael Palin : Bandits, bandits (1981), qui demeure l’une des ses plus belles œuvres, préludant sur bien des points aux spirales cauchemardesques de Brazil.

© ESC éditions

De prime abord, Bandits, Bandits prend la forme d’une féérie, d’un film des Monty Python pour enfants, racontant les voyages d’un gamin dans les mondes imaginaires dont il se nourrit par la lecture ; mais derrière l’exubérance et l’humour fou, le conte est noir et la fable pessimiste. Une forme de désenchantement enchanté. Il faut se rendre à l’évidence : si Bandits, Bandits est tout à fait recommandable aux enfants – dans l’ensemble – la réflexion sous-jacente s’adresse avant tout aux adultes quitte à les fouler aux pieds. Il part du principe assez traditionnel – de Lhistoire sans fin à Creepshow – que l’enfant est en totale inadéquation avec le modèle parental, et qu’en résumé, les parents ne méritent pas leur progéniture qui leur est bien supérieure. Pendant que les parents s’abrutissent de télé, en quête de nouveaux appareils ménagers dans une société bouffée par la consommation, leur gamin fuit littéralement dans les livres, désigné comme l’anormal de la famille lorsqu’il se réfugie dans son lit, dans la merveille des pages tournées, des historiques héros et des civilisations perdues. Justement, le freak contre la norme, le freak contre le fric, c’est bien l’individu dont le cinéaste fait l’éloge dans un périple tumultueux mené, rappelons-le par une équipe de joyeux nains cambrioleurs.

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La charge de Gilliam est sans appel, la société est foutue et trouver le bonheur dans la fiction s’avère l’unique possibilité de survie. A cette éternelle question « l’imaginaire peut-il sauver du réel ? », Gilliam et Palin n’offrent pas vraiment de réponse nette, affirmant que s’il est essentiel de s’abreuver à cette source inextinguible, le réel finit toujours par nous rattraper. L’imaginaire lui-même (on peut penser à la noirceur du Labyrinthe de Pan) peut être lui-même corrompu, comme en témoigne cette démythification de Robin des bois, où d’un génie du Mal rêvant d’ordinateurs et de micro-ondes. Les figures historiques en prennent également pour leur grade, à l’image de ce Napoléon ridicule interprété par un Ian Holm, obsédé par sa taille et listant toutes les figures de l’Histoire ne mesurant guère plus que lui. Entre l’infiniment petit et l’infiniment grand, visuellement, thématiquement, métaphysiquement ; la taille est un peu le fil rouge de Bandits, Bandits. Évidemment, Terry Gilliam est l’homme de l’éternelle farce et son style évolue plus que jamais dans les hurlements, les gesticulations ; une forme d’hystérie de l’humour qui fait sa griffe.

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Mais finalement, Bandits, Bandits même s’il adopte la structure du conte, n’en demeure pas moins très sombre sous son apparente légèreté et n’offre pas franchement à l’individu de porte vers l’évasion. L’échappée reste éphémère et le retour au réel – jusque dans l’interpénétration des mondes – laisse un goût terriblement amer. Conte et mise en abyme du conte, d’une générosité sans limite, Bandits, Bandits regorge de trouvailles poétiques – à commencer par cette cartographie du temps – d’idées de mise en scène, constamment inventif, offrant de nouvelles idées chaque minute. Gilliam n’abandonne jamais tout à fait ses origines puisque d’histoire en histoire, il ressemble parfois à un film à sketches, mais le sourire se fige, se tord. Alors le songe sans fin et l’impossibilité de revenir s’approchent du gouffre de Brazil et de son idée de la condition humaine.  Elle est peut-être là la vraie beauté de Bandits, bandits, dans ce sens du chaos qui dépasse de partout, dans son burlesque et son grotesque bruyants, si bruyants, si exacerbés et si infernaux qu’il finissent par susciter l’effroi. Une manière de dire que si le fantastique est indispensable, il n’existe malheureusement que dans nos cœurs.

En collaboration avec ESC éditions, nous sommes ravis de vous faire gagner un exemplaire du combo Blu-Ray / UHD de Bandits, Bandits, si vous répondez aux questions suivantes avant le 10 décembre, minuit !

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A propos de Olivier ROSSIGNOT

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