Tour-à-tour maquettiste pour Le Film Français, affichiste – notamment pour Arthur Penn, Georges Lautner ou Jean-Pierre Mocky – publicitaire et réalisateur de porno gay, Jean-Étienne Siry signait en 1980 avec Un escargot dans la tête son unique incursion dans le cinéma de genre. Rare et insolite, cet ovni cinématographique est désormais disponible en Blu-ray chez Le Chat Qui Fume.  

Copyright Le Chat Qui Fume

Gravement dépressive suite à son divorce, Hélène Gallois séjourne dans une clinique. Elle y fait la connaissance d’Édouard, peintre alcoolique traumatisé par la perte de sa femme et de son fils. Entre eux naît une romance que vont rapidement mettre à mal leurs démons respectifs. 

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Mélange détonnant de candeur, de fantastique et de dialogues très écrits, presque déclamés – un cocktail que le cinéma français ne proposa que trop rarement dans les années 80 – mettant en vedette la regrettée Florence Giorgetti (comédienne de théâtre apparue à l’écran dans un grand nombre de petits rôles, entre autres chez Marco Ferreri, Jean-Michel Ribes ou Yann Gonzalez) aux côtés de Renaud Verley, Un escargot dans la tête, bien que très imparfait, s’avère néanmoins hautement singulier – et même précurseur, tant il semble aujourd’hui préfigurer le travail de cinéastes revendiquant, tels Yann Gonzalez avec Un Couteau dans le coeur (2018) leur amour pour ce style –  à tel point qu’il paraît presque impossible de ne pas pas éprouver pour lui une profonde tendresse. 

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Inscrivant son film dans un style bis expressionniste – avec son imagerie pleine de symboles et ses multiples scènes de cauchemar, larmes, hallucinations et autres crises de folie – Jean-Étienne Siry propose ainsi un spectacle certes handicapé par ses maladresses (d’écriture comme de mise en scène) et son budget minuscule, mais extrêmement créatif. L’idée la plus passionnante à cet égard est sans doute le motif de l’escargot, chargé ici d’incarner la folie des protagonistes autant qu’une évidente métaphore sexuelle. Si le cinéaste ne parvient pas vraiment, en dépit des nombreuses séquences horrifiques mettant en scène des petits-gris, à rendre ces sympathiques gastéropodes aussi effrayants qu’il le voudrait, force est de constater que ce parti-pris contribue pour beaucoup à l’originalité du film, dont l’autre atout majeur se trouve être le couple formé par les personnages d’Hélène et Édouard. Tragique par essence, leur relation s’avère extrêmement touchante, tant grâce au charme des interprètes que par le caractère légitimement émouvant de ces deux êtres blessés dont l’amour, à la fois synonyme de guérison et de rédemption, se révélera hélas insuffisant pour panser leurs plaies… 

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Évoquant à travers ce récit résolument hitchcockien (on pensera surtout à Rebecca ou Marnie) des thèmes aussi divers que le deuil impossible, l’alcoolisme, la paranoïa, l’impuissance, le traumatisme, l’ambiguïté sexuelle ou encore le caractère morbide de la création artistique – sans toutefois réussir à les approfondir, faute d’une structure narrative assez solide – le film convainc enfin dans sa représentation du réel en plein délitement, laissant peu à peu les scènes cauchemardesques prendre le pas sur son intrigue tandis qu’Hélène et Édouard, en dépit de leurs sentiments mutuels, voient leurs démons les rattraper jusqu’à un final apocalyptique… 

Assumant autant son romantisme que sa fascination pour la démence, Un Escargot dans la tête demeure, plus de quatre décennies après sa sortie, une proposition de cinéma certes bancale mais au charme et à l’originalité indéniables. 

Disponible en Blu-ray chez Le Chat Qui Fume

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