Francis Ford Coppola – "Conversation Secrète", 1974, en DVD et Blu-Ray

 

 
Dire que "Conversation Secrète (The Conversation)" est un thriller d’espionnage est tout aussi faux que de réduire "Apocalypse Now", son successeur, à un film de Guerre. L’un et l’autre excèdent de beaucoup, l’économie visuelle et narrative, des genres respectifs qu’on leur prête pour les situer. De la même façon, le statut de chef d’œuvre de ces deux films tient autant à leurs qualités artistiques qu’au contenu excessivement "politique" qu’on leur concède. Pourtant Coppola n’est pas un réalisateur au message bien articulé, qu’il s’agisse des écoutes, des complots politiques ou du Vietnam, mais davantage un metteur en scène évocateur, qui se prête à toutes les digressions baroques ou fantastiques pour traduire une expérience, d’abord individuelle, de la folie ou de la paranoïa, qui englobe bien-sûr les réalités contemporaines qui la font naître. La saisie des réalités semble s’opérer chez le cinéaste sur un mode davantage intuitif et plastique, que raisonné ou discursif. En ce sens, le personnage d’Harry Caul (Gene Hackman), cette sorte d’agent de l’espionnage sur écoutes, préfigure le Capitaine Willard (Martin Sheen) de "Apocalypse Now". Il suit un itinéraire de désagrégation psychique semblable, qui lui fera perdre complètement pied avec la réalité.
 
 
"Conversation Secrète" s’échafaude donc sur la double trame du film noir et du film d’espionnage, avec une bascule à mi récit, dans une forme de fantastique mental et onirique qui nous fait épouser la vision aliénée du personnage, Harry Caul. Ce technicien anonyme, mène une expérience urbaine d’autant plus solitaire, qu’elle semble renforcée par sa clandestinité et par le rapport, aussi déshumanisé que médiatisé, qu’il entretient avec ses proies ou ses commanditaires. C’est l’horreur croissante de sa fonction, celle du technicien-automate enfermé dans son bocal, qui, avivée par un semblant d’empathie humaine pour ses victimes, finit par avoir raison de lui… "Conversation Secrète" tient donc du drame fantastique, avec un lent crescendo horrifique, et n’a pas forcément la lisibilité narrative ou psychologique qu’on attendrait d’un chef d’œuvre, dans l’acception classique du terme. C’est bien un film de climax, porté par la très grande interprétation de Gene Hackman, mais également par les boucles obsédantes du piano de David Shire et les triturages électroniques du monteur Walter Murch. C’est un film éminemment contemporain, qui fait un traitement "intériorisé" du récit et invente un lieu cinématographique inédit, quelque part entre les différents registres qu’il sape et qu’il déforme. Hallucinations perceptives, doute existentiel et presque métaphysique, sombre pessimisme d’une âme asservie et vampirisée par son outil technique.
 
 
Parmi les bonus, un plaisant entretien avec le compositeur David Shire qui se termine en duo échevelé à quatre mains sur le piano ; un documentaire sur le tournage montrant un Gene Hackman dérouté ; un entretien où l’acteur révèle, dans un mélange de révérence et de malaise, la distance voire l’antipathie (profitable pour le film) que le réalisateur a cultivée avec lui ; quelques images inédites du premier court-métrage de Coppola, "No Cigar" de 1956, sorte de genèse lointaine du thème intimiste du film, celui du citadin anonyme englué dans une routine misérable…

 

 

 

 

 

Conversation Secrète : © 1974 PARAMOUNT PICTURES CORPORATION. All rights reserved. © ZOETROPE COROPORATION. All rights reserved.  //  Conception graphique DVD – Blu Ray : © 2013 Pathé Distribution. Tous droits réservés.

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A propos de William LURSON

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