Collection « Action Girls » (Le chat qui fume)

 

Une femme dangereuse (1977) de Don Schain et Attaque à mains nues (1981) de Cirio H. Santiago  
 
 
 
Excellente initiative des éditions du Chat qui fume qui nous proposent une alléchante nouvelle collection consacrée aux « action girls ». Occasion unique de se replonger dans un cinéma d’exploitation assez négligé, y compris par les amateurs de nanars goûtus.
Les amis de la poésie passeront discrètement leur chemin : qu’il s’agisse d’Attaque à mains nues du prolifique réalisateur philippin Cirio H. Santiago ou d’Une femme dangereuse, film américain se déroulant à Manille ; rien ne pourra évoquer ici les vers de Ronsard. C’est du cinéma « bis » qui rappelle qu’à une époque, les Philippines furent l’autre « terre promise » du nanar ; que ce soit pour les cinéastes locaux bénéficiant alors d’une industrie florissante ou pour les producteurs américains ravis de profiter de coûts de production avantageux et de beaux décors naturels pour tourner des séries B destinées à alimenter le marché de la VHS.
Une fois admis que la profondeur et la beauté cinématographique ne seront pas de mise, on peut avouer, toute honte bue, que ces deux œuvres se regardent avec un plaisir (coupable ?) indéniable.
Cirio H.Santiago est l’une des figures emblématiques du cinéma d’exploitation philippin. A la fois producteur et réalisateur, il a tourné énormément de films destinés avant tout au marché local tout en concoctant parfois des copies de films américains pour le marché international. Il travailla même en association avec l’infatigable Roger Corman qui ne fut pas le dernier à exporter ses productions du côté de l’archipel des Philippines. Attaque à mains nues est assez exemplaire de son œuvre de « copiste » (ceci dit sans le moindre mépris !) : des acteurs américains, une réappropriation des codes du film de kung-fu et une action menée tambour battant.
 
 
Le scénario tient sur un ticket de métro : Suzie Carter (Jillian Kesner), ceinture noire de karaté, tente de s’infiltrer au cœur de la mafia locale pour retrouver sa sœur jumelle disparue. Même si le cinéaste a un peu tendance à se contenter d’accumuler les scènes de combat toutes les dix minutes, il n’a pas à rougir de la comparaison avec les modèles du cinéma de kung-fu : la mise en scène est nerveuse et efficace, les joutes sont joliment chorégraphiées et l’on ne s’ennuie pas un seul instant. Plus surprenant est l’adjonction d’éléments venus du cinéma « gore ». Le récit s’articule autour de combats prenant place dans une « arène de la mort » où le vainqueur est celui qui parvient à faire trépasser son adversaire. L’une des premières victimes aura le ventre transpercé tandis que le combat final nous réserve une énucléation spectaculaire que le Tarantino de Kill Bill n’aurait pas désavouée. Il est d’ailleurs probable que le réalisateur de Django Unchained connaisse parfaitement ce film dans la mesure où, comme Kill Bill, il repose entièrement sur le motif de la vengeance d’une femme adepte des arts martiaux. Dans le même genre, il faut également citer une séquence qui résume merveilleusement le charme de ce cinéma d’exploitation. Poursuivie par deux voyous, Suzie (qui a pourtant les moyens de se défendre toute seule mais passons sur les invraisemblances inhérentes au genre), demande la protection d’un flic que les petits malfrats massacrent (ils lui trouent le ventre avec une faux !). Après une incroyable poursuite où notre belle héroïne perd un à un tous ses vêtements, elle finit par combattre ses adversaires en culotte et à leur mettre une raclée (l’un d’eux finira d’ailleurs la tête sous une scie sauteuse). Tous les ingrédients sont là : de l’action, une pincée d’érotisme et ces surprenantes éruptions de violence sanglante. Notons par ailleurs que la superwoman de l’œuvre est incarnée par la délicieuse Jillian Kesner qui joua la petite-amie de Fonzie dans Happy days ! Si elle ne dévoile (malheureusement) ses charmes qu’avec parcimonie, retenons tout de même la scène d’amour très kitch où les deux amants s’enlèvent mutuellement leurs vêtements… en les déchirant à l’aide d’un couteau !
 
 
Un peu plus mollasson au niveau de l’action mais un peu plus salé côté érotisme, Une femme dangereuse narre les tribulations de Samantha Fox (Cheri Caffaro), tueuse à gages et belle femme vénéneuse engagée à Manille pour exécuter des malfrats. Si elle accepte ces contrats, c’est aussi parce que les mafieux qu’elle élimine sont responsables de la mort de sa famille…
Réalisé par Don Schain, qui deviendra par la suite producteur pour Disney Channel (High school musical), Une femme dangereuse est le dernier des cinq films qu’il tournera avec son égérie Cheri Caffaro. Ensemble, ils furent à l’initiative de la série des Ginger que les amateurs de séries B connaissent forcément. Si Cheri Caffaro est un peu moins convaincante que Jillian Kesner lorsqu’il s’agit de se battre à mains nues  -la réalisation peu inspirée peinant à donner du rythme à ces scènes de combat malgré un moment assez amusant où elle parvient, en robe de soirée, à venir à bout d’un dangereux malfrat- elle hésite moins à faire tomber ses vêtements pour manipuler les hommes qu’elle doit éliminer. Le cocktail d’érotisme suranné, d’exotisme et de rebondissements dignes des fumetti (on songe parfois à Satanik) s’avère, au bout du compte, assez plaisant.
Comme Attaque à mains nues, le plaisir du film tient essentiellement au fait que son héroïne soit une femme. Y a-t-il un paradoxe à prétendre que ces œuvres sont féministes ? En effet, de prime abord, elles s’inscrivent directement dans la catégorie d’un certain cinéma d’exploitation qu’on pourrait réduire à l’équation la plus vulgaire suivante : de la baston et des nichons. Mais leur charme tient également à la manière dont elles parviennent à s’approprier les stéréotypes du genre pour en proposer des versions « féminines ». Tous les attributs généralement associés aux hommes (force, agilité, courage…) sont réservés ici aux femmes. Bien sûr, ces femmes peuvent être regardées comme des « objets » de désir pour un public essentiellement masculin mais  d’un autre côté, ces personnages possèdent une détermination, une indépendance frisant parfois le cynisme dans le cas de Samantha Fox. On songe à celui qui fut sans doute le précurseur génial de ce type de films : Russ Meyer et son excellent Faster pussy cat, kill, kill qui mettait également en scène des femmes fortes et adeptes de la bastonnade. 
Les deux films de la collection « action girls » ne possèdent sans doute pas l’inventivité des nudies déjantés de Russ Meyer mais ils prennent résolument le parti d’une gente féminine capable de mater sans problème leurs comparses masculins. Alors, le cinéma d’exploitation peut-il être « féministe » ?
La question, selon la formule traditionnelle, reste ouverte… 
 

 

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A propos de Vincent ROUSSEL

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