Impulsif, intrusif, infantile, Michele Apicella, professeur de mathématiques à la Scuola Marilyn Monroe, semble contaminer le monde de ses névroses. Inadapté parmi les inadaptés, le double fétiche de Moretti, miroir déformant d’un cinéaste se confrontant aux autres, apparaît ici sous les traits peu sympathiques d’un donneur de leçons aussi insupportable que nocif. Pour son quatrième long métrage, le cinéaste italien confirme la singularité de son approche. Mêlant autofiction et farce en repoussant continuellement les frontières du bon goût, combinant de nombreuses influences cinématographiques (de la comédie italienne au cinéma de Truffaut en passant par celui de Woody Allen), Moretti signe avec Bianca un film déroutant et fracturé.

Le cheminement de Michele impose une narration syncopée et détachée de toute approche réaliste. La mise en scène elle-même épouse les continuels soubresauts d’un personnage au déséquilibre tangible dont la rigueur des mathématiques ne garantit pas la santé mentale. Espionnant ses voisins puis la nouvelle professeure de Français, s’accrochant à un imaginaire amoureux primaire, il se rend malade de son propre mal-être et dérive au gré de ses nombreuses obsessions.

© Carlotta

Il faut tout le talent de Moretti et sa maîtrise de la comédie et de l’absurde, pour que les déambulations de son double ne tapent pas sur les nerfs. Navigant entre excès et questionnements existentiels, le personnage qu’il construit, pas assez caricatural pour faire rire, pas assez attachant pour émouvoir, équilibriste grotesque, gagne finalement la mise par un comportement puéril (donc mal élevé) qui le plonge dans d’impossibles situations qu’il aura lui-même créées. Dans une école expérimentale dont la loufoquerie rappelle celle de If, elle-même hors du monde, le nouveau professeur rejoint une équipe improbable dans laquelle il pourrait se fondre mais que son esprit maniaque va finalement rejeter.

Au cœur du récit, l’histoire d’amour entre Michele et Bianca (rêvée ou réelle, qui sait ?), forcément impossible mais pas d’une manière habituelle, montre un personnage submergé par les doutes, incapable de vivre le présent, fragile et pathétique. Moteur du cinéma de Moretti, cette inadaptation au monde, ce sentiment profond de se tenir à côté, d’observer sans prendre part, de souffrir d’incompréhensions, s’incarne ici dans un personnage plus dangereux qu’inoffensif.


© Carlotta


© Carlotta

La petite musique du cinéaste romain, entre apostrophe et repli sur soi, qui explosera en apothéose dans Palombella Rossa, accompagne cette fois une lente dérive allant du déséquilibre à la folie, la tonalité tragi-comique permettant une mise à distance qui n’élude pas la douleur profonde qui l’habite.

En associant Bianca et La messe est finie pour une nouvelle sortie en salles (versions restaurées présentées sous le titre « Viva Nanni ! »), Carlotta rappelle l’importance du travail de Moretti au cœur des années 80, quand il luttait presque seul à la survie d’un cinéma italien quasi mort, fantôme de lui-même – alors qu’il venait de dominer l’Europe sur trois décennies. Culturopoing se devait d’accompagner ces deux programmations !

 

 

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