Le festival War on Screen a lieu chaque année sur la première semaine d’octobre à Châlons en Champagne. Comme son nom l’indique, l’événement s’intéresse au traitement de la guerre au cinéma. Voici quelques mots de chacune des séances auxquelles j’ai eu la chance d’assister.

Jour 1 – 5 octobre

C’est en quelque sorte après la bataille que je débarque en ce jeudi ensoleillé au festival, puisque l’essentiel de la journée est déjà passé. Celle-ci, outre les projections des films en compétitions, a été marquée par un fil rouge autour de Volker Schlöndorff, mis à l’honneur avec deux films projetés, Coup de Grâce et Diplomatie, suivis d’une masterclass en présence du cinéaste.


Le public du festival a pu découvrir sur grand écran Coup de Grâce, une œuvre majeure du cinéaste. Tourné en noir et blanc en 1976, le réalisateur y adapte le roman éponyme de Marguerite Yourcenar, écrit avant-guerre. Pendant sa passionnante intervention, Volker Schlöndorff reviendra sur la trahison qu’il commet dans sa relecture de l’ouvrage. En effet, quand l’autrice française publie cette histoire en 1936, les horreurs perpétrées quelques années plus tard n’ont pas encore eu lieu. Trente ans après la fin de la guerre, le metteur en scène Allemand, confronté au silence de la génération des parents, témoins ou acteurs de cette période, cherche des réponses et en découvre dans le roman de Yourcenar. A l’aune de l’Histoire, n’y verrait-on pas dans cette histoire de guerre civile en Prusse à l’issue de la Première Guerre Mondiale quelques indices laissant présager de l’avènement du nazisme ? Coup de Grâce montre un militaire de bonne famille, aristo comme l’étaient les officiers de l’armée, mener une guerre contre les Bolcheviques. Bien sûr, en montrant de manière clinique une brutalité froidement banale en temps de guerre, Volker Schlöndorff dessine le portrait du soldat qui deviendra pendant la seconde guerre mondiale l’acteur d’une barbarie d’une toute autre échelle. Si Yourcenar parvenait à glorifier ou sauver l’officier Allemand, ce n’était plus possible de le faire après-guerre et Schlöndorff bascule vers le point de vue du personnage féminin. Une passion intacte anime le cinéaste lorsqu’il évoque le propos du film, et propose de projeter sa scène finale glaçante pour illustrer son intervention. « En temps de guerre, les choses les plus horribles se font de manière normale » dira-t-il notamment pour expliquer ses choix de mise en scène.

Diplomatie: André Dussollier, Niels Arestrup
Coup de Grâce a été suivi de la projection de Diplomatie, un long-métrage beaucoup plus récent (2014) adapté cette fois-ci d’une pièce de théâtre. L’objet de la pièce d’abord, et du film ensuite, est donc de concentrer par un dialogue entre deux personnages un puzzle d’éléments historiques. Un général nazi (joué par Niels Arestrup) à qui on a donné l’ordre de réduire Paris en cendres, alors que la défaite inéluctable du Reich se profile à l’horizon, est confronté à un personnage (Consul d’un pays scandinave, interprété par André Dussolier) voulant convaincre l’officier d’abandonner ce projet. Le réalisateur explique que le sujet central du film est la question de la responsabilité individuelle. C’est un regard un brin désabusé que le sien quand il dit que la part d’Humanité ne pèse pas dans ce type de négociations diplomatiques, mais que les choses se dénouent bien souvent par des pressions qui répondent à d’autres pressions. Par ce film, l’artiste condense ainsi une réalité historique dans un dialogue fantasmé, synthétisant des jours et des jours de petits faits historiques et de discussions acharnées, et rendant hommage aux personnages qui permettent, par la rhétorique mais aussi la tromperie et la manipulation, de finir les guerres. Toutefois, si Coup de Grâce conserve encore aujourd’hui une certaine portée, ne perdant rien de sa capacité à sidérer le spectateur, malheureusement Diplomatie souffre de la comparaison avec ses prédécesseurs. Schlöndorff échoue dans sa tentative de faire un film et ne fait que transposer la pièce.

Durant environ une heure et demie, Volker Schlöndorff s’est prêté au jeu de la conférence, installé au centre de la scène, sous deux clichés étonnants dans lequel on le voit dans sa première apparition en tant qu’acteur, pour un petit rôle de soldat Allemand sous la direction de Melville pour Léon Morin. Le cinéaste a offert son regard sur son travail, ses films en particulier (ainsi que d’autres, comme le Tambour et le Faussaire par exemple, qui seront aussi projetés dans le cadre du festival) et son parcours. En ressort une quête insatiable d’une réponse à la grande question à laquelle l’Allemagne d’après-guerre refusait de répondre, celle qui hantait la jeunesse du réalisateur : « comment cela a-t-il été possible ? ». C’est par les adaptations d’œuvres littéraires que ce fabricant d’images perçoit le mieux des bribes de réponses. Volker Schlöndorff dit d’ailleurs : « Je n’ai pas eu de meilleur professeur que la littérature ». Ce retour sur cette carrière formidable permet de voir se dessiner un personnage toujours déterminé et constant, mue par la recherche à travers le cinéma (et le style) d’une vérité humaine, et non pas d’une réalité.

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