Leigh Whannell sait écrire, cela ne fait aucun doute. Ses scénarios de la franchise Insidious et des trois premiers Saw ont révélé en leur temps une nouvelle conception de l’horreur : la psychologie à twists et le torture porn. Certes, les studios y ont trouvé un filon juteux de films médiocres par la suite, mais une base solide y a été annoncée. Upgrade est la deuxième réalisation de l’Australien après Insidious : chapitre 3 (le relais après le talentueux James Wan et l’avancée dans les suites n’ont hélas pas rendu cet opus très marquant), et s’avère être une excellente surprise, malgré une bande-annonce d’action movie  qui laissait présager le pire.

© 2018 Universal Studios. Tous droits réservés.

Dans la Melbourne du futur, les voitures sont conduites par commande vocale. Greg et son épouse Asha perdent le contrôle de leur véhicule et se font violemment attaquer par quatre assaillants sur les docks. Asha meurt par balle et Grey perd connaissance. À son réveil, il découvre qu’il n’a plus l’usage de ses jambes et de ses bras, et qu’il doit se déplacer en fauteuil roulant avec l’aide d’une tierce personne. L’enquête policière n’avance pas, Grey désespère. Un jeune chercheur lui implante alors une puce électronique qui va littéralement le remettre sur pied. Les résultats sont époustouflants : Grey peut à nouveau se mouvoir comme avant l’accident, sur simple commande du cerveau. La voix du logiciel intégré, qu’il est le seul à entendre, lui fait découvrir des première pistes pour retrouver ses agresseurs. Les capacités de Grey sont d’autant plus exceptionnelles que l’interface a la possibilité de maîtriser son corps sans l’intervention du porteur. Ainsi débute une traque dans le secret industriel pour comprendre les raisons du meurtre sauvage de son épouse.

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Une des qualités de Leigh Whannell est de soigner le contour de ses personnages dans une science-fiction qui ne sombre jamais dans le catalogue high tech. Il contextualise son propos de la meilleure manière, soit dans des dialogues pertinents ou dans des scènes d’action d’une efficacité redoutable. Le paradoxe soulevé par l’intrigue trouve une ampleur dramatique de choix : la société dépeinte pullule de technologie (les drones de surveillance de Minority Report, la réalité virtuelle de Ready Player One) et en reste cependant à ses balbutiements en termes de robotique institutionnelle. Les expériences de fusion entre l’homme et la machine sont opérées dans la confidentialité, soit par des entreprises aux desseins opaques, soit par des freelance dans des squats. La police paraît dépassée par ces enjeux, de même que Grey découvre ses propres fonctionnalités comme des superpouvoirs. Les individus génétiquement modifiés par l’informatique vivent à l’écart et ne sont pas identifiés : c’est effectivement l’avant Blade Runner auquel nous assistons. Et pourtant, l’éclairage au néon (et la photographie à se pâmer de Stefan Dusci) augure déjà l’univers des replicants, époque Ridley Scott ou Denis Villeneuve.

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Ici, c’est l’histoire des derniers humains « de souche », encore ancrés dans leurs habitudes de personnes physiques, mais s’acharnant à revendiquer leur humanité dévorée par les gadgets. Le débat a l’honneur de ne pas s’abaisser pas à un manichéisme moralisateur et de bas étage. En refusant toute citation ou thématique déjà ressassée, Leigh Whannell crée une mythologie qui lui appartient entièrement. Le thriller demeure une priorité et les procédés scénaristiques n’éclipsent pas l’action. L’implication directe des personnages secondaires dans la destinée de Grey (programmation à distance par le jeune prodige, la mère inquiète qui ne veut rien dévoiler à la police) accentue la notion d’intermédiaire dont il est victime : qui est-il vraiment, à l’instant t, homme ou machine ? Le réalisateur met à profit ces limites floues de l’identité pour faire du protagoniste un agent double dans une mise en scène empruntant au film noir. La duplicité délinéarise ce scénario malin droit au but qui pense sans relâche au plaisir du spectateur.

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L’acteur Logan Marshall-Green use de sa voix rocailleuse de Terminator pour représenter sa stature d’anti-héros chronique. Son mélange de désinvolture et de défiance lui permet d’achever une incarnation idéale de Grey. Du spectacle, du contenu et une atmosphère fascinante : voilà une série-B comme nous aimerions en voir plus souvent. Si nous devons revenir aux préceptes des années 80 pour une mise à jour, nous sommes partants.

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