« Angoisse » – Intégrale de la série culte de Brian Clemens

L’intégrale de la formidable série de Brian Clemens Angoisse connue aussi sous le titre Thriller, sort ce mois ci chez Elephant Films. Angoisse fait partie de ces œuvres rarement diffusées que peu de gens se rappellent, et qui n’a laissé aux autres que de vagues bribes de souvenirs : une musique, une image, à peine la trame d’un épisode. Pas de quoi en faire tout à fait un culte, d’autant qu’à notre connaissance, la série n’a jamais été diffusée ailleurs que sur la défunte Cinq, ce robinet à programmes mythique qui inspire rétrospectivement autant d’émerveillement que d’épouvante aux quarantenaires.

Confidentielle dans l’hexagone, la série Angoisse est pourtant considérée par quelques exégètes comme la meilleure chose qui soit jamais née de la plume de Brian Clemens. Scénariste à l’imagination débordante, Clemens est connu par chez nous pour avoir créé, entre autres, Chapeau Melon et Bottes de cuir et Les professionnels, ou encore écrit le pilote d’Amicalement vôtre. Angoisse est donc une « série de scénariste », que cela soit dit. Si d’autres séries britanniques à peu près contemporaines (à cinq ans près) comme Le Prisonnier ou Chapeau Melon… que nous venons d’évoquer n’étaient pas en reste non plus question écriture, c’est pourtant par une plastique et un imaginaire visuel extrêmement marqués qu’elles se sont imposées.

Dans Angoisse, l’aspect esthétique passe à la trappe : tournée en vidéo à l’exception de quelques rares et fugitifs plans d’extérieur, Angoisse évoque davantage du théâtre filmé qu’un « mini-film » au premier regard. Pourtant, malgré cette platitude visuelle un peu embarrassante quand on l’aborde pour la première fois, Angoisse reste généralement très correctement mise en scène par de sympathiques pros qui, à défaut d’être des virtuoses, font montre d’une indéniable compétence technique. Et l’on retrouve les cadrages étranges qui font tout le charme des séries signées Brian Clemens. Au temps pour l’image… mais qu’en est-il du contenu ? Comme nous le disions en préambule, tout l’intérêt de Angoisse repose sur des scénarios parfois extraordinairement complexes pour des œuvres de TV , et troussés avec une maestria hors du commun.

Il n’existe pas de lien entre les épisodes (même si le personnage du détective privé Matthew Earp apparaît à deux reprises) : Angoisse est une anthologie « policière », au même titre qu’Alfred Hitchcock Présente si on voulait aller vite. Mais alors qu’AHP mise soit sur le suspense continu (c’est le cas de la plupart des épisodes réalisés par le maître) ou l’effet de chute (tout l’épisode ne servant, finalement, qu’à amener cette chute), Angoisse se paie le luxe de condenser en une cinquantaine de minutes l’intensité et les développements d’un long métrage, le seul sacrifice étant l’utilisation de personnages relativement interchangeables d’un épisode à un autre.

Revenons quelques instants sur le terme « policier » que nous avons pris soin d’utiliser avec des pincettes – en l’occurrence, des guillemets. L’expression est en effet à prendre dans son sens le plus large, puisqu’elle brasse aussi bien le suspense (l’extraordinaire The Eyes Have It) que l’espionnage (An Echo Of Teresa), les histoires de serial killer (Ladykiller) et bien d’autres choses encore. Si Angoisse ne s’attaque qu’à de rares occasions au surnaturel stricto sensu, l’ensemble de la série baigne pourtant dans un climat fantastique, qui trouve sa source dans la manière d’agencer les éléments, de brouiller les cartes et plus globalement, d’installer le mystère. Il ne faut jamais bien longtemps avant d’être happé par un épisode de Angoisse, où notre quotidien paraît semblable à un jeu des sept erreurs : un ou plusieurs détails ont changé, et de ce changement imperceptible naît un trouble délicieux. Angoisse, contrairement à Chapeau Melon, tourne le dos à l’esthétique pop de l’époque, mais la « Brian Clemens touch » s’y retrouve de manière tout aussi tangible : situations absurdes, surréalistes ou simplement improbables, environnements urbains anormalement calmes et déserts, distinction des personnages, humour macabre… En somme, tout ce qui pouvait faire rêver dans une séquence pré-générique de Chapeau melon est présent dans Angoisse, décanté avec une jouissance communicative par un Brian Clemens enivré de sa propre créativité. Au hasard de la série se succèdent quelques « gueules » de l’époque : Robert Powell (qui ouvre le bal), Jeremy Brett, Peter Vaughan, Dinsdale Landen, Linda Thorson, Donna Mills, Helen Mirren, Denholm Elliott ; mais à l’exception d’un ou deux numéros de cabotinage en roue libre, la série maintient un très bon niveau d’interprétation y compris avec des comédiens moins réputés.

Même pour ceux qui seraient tombés sur quelques épisodes au temps de La Cinq, cette édition DVD de Angoisse risque d’être une véritable découverte. Si le rythme tout britannique de la série accuse forcément son âge et demande un petit temps d’adaptation au spectateur d’aujourd’hui, Angoisse mérite très largement l’attention des amoureux de mystère, qui y trouveront une anthologie passionnante et au-delà de ça, la patte d’un véritable auteur.

Intégrale en 43 épisodes de 60 à 75 minutes :
Saison 1
1.01 – Lady Killer
1.02 – Possession
1.03 – Someone at the Top of the Stairs
1.04 – An Echo of Theresa
1.05 – The Colour of Blood
1.06 – Murder in Mind
1.07 – A Place to Die
1.08 – File It Under Fear
1.09 – The Eyes Have It
1.10 – Spell of Evil

Saison 2
2.01 – Only a Scream Away
2.02 – Once the Killing Starts
2.03 – Kiss Me and Die
2.04 – One Deadly Owner
2.05 – Ring Once for Death
2.06 – K Is for Killing
2.07 – Sign It Death

Saison 3
3.01 – A Coffin for the Bride
3.02 – I’m the Girl He Wants to Kill
3.03 – Death to Sister Mary
3.04 – In the Steps of a Dead Man
3.05 – Come Out, Come Out, Wherever You Are
3.06 – The Next Scream You Hear

Saison 4
4.01 – Screamer
4.02 – Nurse Will Make It Better
4.03 – Night Is the Time for Killing
4.04 – A Killer with Two Faces
4.05 – A Killer in Every Corner
4.06 – Where the Action Is

Saison 5
5.01 – If It’s a Man, Hang Up
5.02 – The Double Kill
5.03 – Won’t Write Home Mom, I’m Dead
5.04 – The Crazy Kill
5.05 – Good Salary, Prospects, Free Coffin
5.06 – The Next Voice You See
5.07 – Murder Motel

Saison 6
6.01 – Sleepwalker
6.02 – The Next Victim
6.03 – Nightmare for a Nightingale
6.04 – Dial a Deadly Number
6.05 – Kill Two Birds
6.06 – A Midsummer Nightmare
6.07 – Death in Deep Water

© Tous droits réservés. Culturopoing.com est un site intégralement bénévole (Association de loi 1901) et respecte les droits d’auteur, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos visibles sur le site ne sont là qu’à titre illustratif, non dans un but d’exploitation commerciale et ne sont pas la propriété de Culturopoing. Néanmoins, si une photographie avait malgré tout échappé à notre contrôle, elle sera de fait enlevée immédiatement. Nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur – anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe.
Merci de contacter Bruno Piszczorowicz (lebornu@hotmail.com) ou Olivier Rossignot (culturopoingcinema@gmail.com).

A propos de Eric SENABRE

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.