Les Trésors maudits du Capitaine – hiver 24

A chaque saison, le Capitaine propose de partager le fruit de ses rapines dans l’océan des sorties de musiques extrêmes, du punk le plus braillard au black metal le plus dépressif. Dans la tiédeur de cette fin d’hiver, l’affreux pirate a ramené quelques artefacts mystérieux du cœur de la tempête, extirpés des profondeurs à grand coups de sabre d’abordage.

Bird in Row x Coilguns – EP You and I in the Gap

Si le metal, dans sa déclinaison hardcore par exemple, semble avoir définitivement contaminé le bon vieux punk, certains groupes résistent à la tentation d’une certaine facilité avec vaillance. En nuançant sensiblement leur ton, mais sans perdre pour autant leur énergie, les Français de Bird in Row se joignent aux Suisses de Coilguns pour quelques titres dont le grand défaut est qu’ils ne sont qu’au nombre de trois ! Les deux groupes, qui ne manquent – chacun à leur façon – pas de caractère, parviennent à se fondre de manière très troublante pour fonder une identité singulière, entre rock et post punk. Du chaos et des cris désespérés finit par surgir une beauté terrible et profonde, provoquant toujours une émotion poignante. Encore !

 

Sortie : 2 février 2024

 

Fange – Perdition

Fidèle à une tradition instaurée depuis leurs débuts, les Rennais de Fange sortent un nouvel album dont le nom constitué d’un seul mot commence par « P » (comme « Poing » par exemple, à l’image de celui qu’ils mettent bien souvent dans la gueule de l’auditeur !). Le titre Perdition se révèle, encore une fois, une promesse bien tenue, à savoir une exploration pas tout à fait légère des tréfonds de la psyché humaine. Bien entendu, l’auditeur ne s’attend pas à se trémousser de joie à l’écoute de cet étrange metal lorgnant vers l’indus, mais sous les couches de boue formées par une base sludge toujours poisseuse, les éclaircies font l’effet d’une libération de dopamine dont on ne saurait plus se passer. Dans les replis adipeux du malaise, dont tous les ingrédients sont réunis comme à un infernal conseil d’administration, se nichent des nappes synthétiques salvatrices, élevant les riffs au-dessus de la boue existentielle. Les chemins de la Perdition mènent à l’introspection la plus crue, et certains d’entre-eux sont semés de surprises, à l’image de cette reprise d’un titre de Bernard Lavillier (La Haine) ou encore de collaborations plus ou moins éthérées (Diane Pellotieri du groupe Pencey Sloe, Olivier Guinot de Lodges). Un album complexe, tourmenté… et trop court !

Sortie : 23 février 2024

 

Brodequin – Harbringer of Woe

Après la souffrance psychologique, place à la torture physique. Les Américains de Brodequin débarquent avec un nouvel album pour à nouveau restituer la sensation de la torture, médiévale et bien de chez nous. Imaginez la sensation d’avoir ses os broyés entre des planches lentement serrées entre-elles (les fameux brodequins utilisés en Europe occidentale pour « la question »), vous aurez une idée de l’extrême brutalité de ce death metal, à la limite du grind. Sans laisser aucune échappatoire ni répit, Brodequin et ce Harbringer of Woe est un sommet de violence. Après une longue pause, le groupe constitué principalement de deux frangins et d’un (nouveau) batteur met en évidence un des grands paradoxes de cette période historique qui a vu le sublime et le pire se côtoyer (à l’image du artwork un brin complaisant de l’album). Dans l’étau entre un rythme effréné et des growls vomis plus que hurlés, des riffs étonnamment limpides prennent leur élan à l’image d’un état de grâce atteint par le supplicié au bout de sa souffrance. L’écoute de cette malaisante séance laisse pantois et tremblant, à l’image d’une expérience physique de torture porn au cinéma.

Sortie : 22 mars 2024

 

Griffon – De Republica

Avec ce mélange de metal atmosphérique, black et punk sur les bords (et disons-le : une saine implication sur le plan politique), Griffon pourrait rappeler les Prussiens de Kanonfieber – ironique dans un sens, car il est question de conflits entre la France et l’Allemagne dans les deux albums – et leur Menschenm​ü​hle, album formidable sorti en 2021 sur la thématique de la Première Guerre Mondiale. La comparaison s’arrête là, Griffon se distingue totalement de leurs collègues teutons avec un son plein d’ampleur, épique, parfois presque symphonique. Sans aucune concession quant à une certaine sophistication, le groupe français sonne la charge avec de grands refrains imparables, gonflés à bloc. La plupart du temps dans un Français parfaitement intelligible, Griffon permet de se consoler au son d’un black metal révolutionnaire. Paris la Rouge donc, évoquée à travers la figure de Jaurès, les cendres de la Révolution Française, la Révolution de Juillet (1830) ou de la Commune de Paris (1871) renvoie l’auditeur aux fondements de notre République, et fait souffler un air plus que bienvenu dans la puanteur fétide ambiante. Une manière de remettre Notre-Dame au milieu du village, celui des luttes humanistes !

Sortie : 16 février 2024

 

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A propos de François ARMAND

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