Motley Crue – Too fast for love (archives)

Too fast for love, c’est d’abord un disque autoproduit par le groupe, quatre crevards se partageant un taudis sur le Sunset strip mais affolant le public avec des shows à la grandiloquence oui certes mais à la grandiloquence de papier avec un recyclage permanent et brinquebalant d’idées piquées à droite (Alice Cooper, Kiss, NY Dolls) et à gauche (le groupe Sister mené par le futur WASP et dont le bassiste fut un temps Nikki Sixx). Ce n’est pas là un conte de fées singulier mais une histoire commune à nombre de groupes dans le Los Angeles des années 81-82 (Ratt, les Alain Giresse des Motley Platini Crue, par exemple mais aussi Great White et d’autres). pour qui jouer du hard rock (ou assimilé, on le verra plus loin) était un acte de foi à défaut d’être une garantie pour le succès, cette musique étant alors considérée comme morte pour les pontes du business Le disque s’écoula pourtant dans sa première version à 20.000 exemplaires uniquement pour ce qui concerne Los Angeles et ses alentours et uniquement via le public se déplaçant nombreux aux concerts du groupe.
Too fast for love, c’est un album enregistré en trois jours et dans le chaos (en fait le quotidien du groupe entre 1981 date de sa formation et 1989 même s’il serait aisé d’élargir la jauge pour l’avant et l’après). Aucune expérience de studio bien évidemment pour nos quatre musiciens, un ingénieur du son certes non néophyte mais encore hésitant (Michael Wagener quand même, futur grand producteur des eighties dans le domaine du hard rock, sacré coup de pot).
Too fast for love, c’est une pochette qui rappelle celle du Sticky Fingers des Rolling Stones, une dégaine qui évoque les New York Dolls bien évidemment, l’obsession de Nikki Sixx, un look remis cependant au goût du jour, bien moins bohémien que la bande à Johnny Thunders et bien plus cuir et clous, le fruit de la rencontre nocturne entre Mad Max et la poupée Barbie peut-être.
Too fast for love, c’est un piètre disque de hard rock, l’ensemble ne brillant guère par sa virtuosité (le guitariste Mick Mars fut longtemps raillé pour ses piètres qualités techniques), non l’album sonne bien plus comme un mélange entre glam et punk, l’attitude (la fuck you attitude) du punk, son énergie et puis les hymnes du glam, son look flashy. Un rapprochement qui n’a rien d’hasardeux tant le punk eut à voir avec les premiers groupes de glam, les rejoignant dans l’idée de retourner aux racines du rock, ces structures simples, ces refrains simples, cette absence de démonstrations masturbatoires ou de morceaux qui n’en finissent plus.
Too fast for love, ce sont onze titres dans la version séminale puis neuf dans celle qui sortît l’année d’après, 1982, dans une version remixée (par Tom Werman) et chez Elektra. Neuf titres qui oscillent entre le furibard (Live wire) et le mielleux (Merry-go-round) et qui distillent un peu partout ailleurs les graines qui bientôt s’épanouiront à la lumière (noire) : le titre éponyme, Public Enemy n°1, Take me to the top par exemple. Deux titres se dégagent du lot, en-dehors de l’introduction Live Wire, classique des classiques, deux titres qui tâtent du clair-obscur et du caractère écorché vif du groupe : c’est Starry eyes et sa caressante douceur, c’est aussi On with the show et son refrain en forme de poudre d’escampette métaphorique (c’est le titre le plus autobiographique composé par Nikki Sixx).
Too fast for love, c’est surtout un équilibre miraculeux (tout sonne bancal, tout sonne maladroit mais tout tient fièrement debout et toise avec arrogance la concurrence) entre des éléments heavy (la batterie de Tommy Lee, le jeu nerveux de Mick Mars), glam (la voix de Vince Neil, les refrains légers) voir punk (l’énergie, l’urgence qui déborde de partout, l’attitude) ou encore pop (la berceuse vénéneuse Merry go round en plus de Starry Eyes et de On with the show).
Car bien plus qu’un disque appliqué et consciencieux, fruit d’un labeur méthodique et d’une décennie d’apprentissage musicale solidement digérée, c’est par sa rage viscérale, son énergie instinctive, son alchimie parfaite et sa motivation extrême à réussir que Motley Crue détonne et sait ici faire mouche.
Inspirant avec cet album et son successeur, Shout at the devil, toute une scène locale, celle qui ferait les beaux jours des charts américains sitôt repérés, cadrés et promotionnés quelques années plus tard, Motley Crue entrouvre ici la porte du succès, ladite porte que le groupe enfoncera les pieds devant quelques mois plus tard. Too fast for Love, c’est de la mauvaise graine d’éternité.

 

© Tous droits réservés. Culturopoing.com est un site intégralement bénévole (Association de loi 1901) et respecte les droits d’auteur, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos visibles sur le site ne sont là qu’à titre illustratif, non dans un but d’exploitation commerciale et ne sont pas la propriété de Culturopoing. Néanmoins, si une photographie avait malgré tout échappé à notre contrôle, elle sera de fait enlevée immédiatement. Nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur – anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe.
Merci de contacter Bruno Piszczorowicz (lebornu@hotmail.com) ou Olivier Rossignot (culturopoingcinema@gmail.com).

A propos de Bruno Piszorowicz

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.