Adam Yauch est mort ce vendredi 4 mai 2012 des suites d’un cancer diagnostiqué il y a près de trois années, le Beastie Boy avait 47 ans et laisse aujourd’hui l’avenir du désormais duo en suspend.
Les Beastie Boys sont de vrais produits de New York, Brooklyn plus précisément où ils grandissent bercés par les volutes soniques du punk/hardcore. Nés dans la seconde moitié des sixties les trois B-Boys (Adam rebaptisé MCA en compagnie de Mike D et Ad-Rock) représentent sans doute la première génération à plonger ce background rock dans le hip hop dont ils vont précocement se prendre de passion à partir de 1984 après une poignée d’années d’agitation au sein de la scène locale hardcore. Comme une envie de citer Nietszche :

« Je cherchais des grands hommes et je n’ai trouvé que des hommes singeant leur idéal ». 

Bien leur en prend d’avoir emprunté ce chemin quand sort leur premier album Licensed to Ill à la toute fin de l’année 1986, ni plus ni moins que le premier album de rap à devenir n°1 des ventes aux Etats-Unis. Comme Elvis bien avant, les premiers petits blancs talentueux à avoir repris à leur compte une musique plus typiquement noire décrochent le jackpot, ils sont au bon endroit au bon moment[1].

Produit par l’apprenti-sorcier Rick Rubin, ce premier album est un pur produit de synthèse entre rap et rock (le riff joué par Kerry King de Slayer sur « No sleep ‘till Brooklyn », des samples de Black Sabbath ou Led Zeppelin) avec en guise de sommet leur tube « Fight for your right (to party) ». Les Beastie aiment alors à conjuger arrogance et provocations bon enfant (si tant est que le sexisme assumé de certains propos ou paroles puissent être qualifiées comme tel). Le second album Paul’s Boutique fait subitement grandir ces apprentis hooligans en vrais virtuoses de studio, l’album étant considéré encore aujourd’hui comme un des vrais classiques du genre rap. Check your head suit dans la foulée avec quelques relents hardcore au fil de quelques titres pour continuer à porter haut l’emblème du rap au sommet des charts internationaux tout en « crédibilisant » le statut de musiciens du trio qui y triture leurs instruments de prédilection (Adam à la basse/contrebasse ; Mike D à la batterie et Ad-rock à la guitare).

L’album Ill Communication parachève cet âge d’or avec son hallucinante collection de titres à la fois diversifiés (du relaxant « Sabrosa » au nerveux « Tough guy ») et classieux, le groupe retrouve alors les classements et les ventes du premier album autant qu’un triomphe critique où les perles « Sabotage », « Sure shot » et « Get it together » touchent les étoiles. Nous sommes alors en 1994.

Ayant au fil des années évolué vers un discours plus concerné voire politique, les Beastie Boys entendent désormais faire entendre la voix des opprimés et en particulier la cause du peuple Tibétain. Adam est précisément à l’origine de ce combat, s’étant converti au boudhisme. De nombreux concerts intitulés Tibetan Freedom Concert réunissent la crême de la scène rock du moment (les Red Hot Chili Peppers, les Smashing Pumpkins en guise d’autres têtes d’affiche) autour d’un militantisme festif. Hello Nasty sort peu après et parachève le succès du groupe avec en guise de cerise sur le gâteau un Grammy Award.
En cette fin de décade les Beastie Boys n’ont plus rien à prouver et surtout pas cette navrante polémique dont ils sont les acteurs lorsque ces anciens garnements mal-élevés entendent interdire aux Prodigy avec lesquels ils partagent la scène d’un festival d’interpréter leur sympathique « Smack my bitch up ». La tragédie du 11 septembre 2001 hantent l’album suivant To the 5 boroughs qui sort en 2004 et restent là-encore un grand succès commercial même si le disque n’est pas des plus marquants. L’album The Mix-up qui sort en 2007 est uniquement instrumental, une habitude déjà pour le groupe qui avait sorti peu après l’album Ill Communication un sublime mini-album du nom de The in sound from way out. Le dernier album studio du groupe The Hot Sauce Committee part 2 sorti l’année dernière est déjà hanté par la maladie de Yauch puisque la sortie du premier volume fut ajournée peu après qu’on ait diagnostiqué une tumeur cancéreuse qui l’emportera finalement après deux années oscillant entre espoir et rechute, finalement fatale.
Voilà pour le factuel, la biographie aseptisée peut-être, froide en tous les cas. Il y manque en effet le charisme du bonhomme, son propos souvent brillant et en tous les cas éclairé d’une personnalité forte et assumée, bien loin des clichés certes réjouissants des débuts. Yauch était par ailleurs devenu réalisateur l’occasion d’une poignée de documentaires, il était également propriétaire d’un studio d’enregistrement du côté de New-York. La mort du Beastie Boy est un choc, son jeune âge et puis bien cette idée dans l’air du temps qui passe et fait du teigneux à blouson de cuir apparaissant mal rasé et pétri d’arrogance dans la vidéo de « Fight for your right to party » cette silhouette apaisée et gavée de zenitude des dernières années.
Restent aujourd’hui une poignée de vidéos (souvent signées d’ailleurs Yauch lui-même), restent bien entendu quelques somptueux albums et nombre de titres forts et mémorables. Reste aussi et surtout peut-être, en tous les cas aujourd’hui, une pochette, celle de l’imposante compilation Sound of science éditée au début des années 2000 et sur laquelle le trio apparait grimé en vieillards au verso de la pochette. Une photo aujourd’hui bien triste et poignante.

[1] L’album des Beastie Boys sort quelques mois après le carton réalisé par le duo Run DMC/Aerosmith sur « Walk this way », premier titre rap à entrer dans le Top 10 américain.

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