Figure cinématographique par essence (image en mouvement et mouvements dans l’image), la déambulation trace lignes parallèles et entrecroisées afin d’unir, parfois, les lieux, les corps et les esprits. Pour son troisième long métrage, Dominique Choisy invente des itinéraires singuliers, sentimentaux ou factuels, au gré d’un récit choral dont la fantaisie se teinte de douce mélancolie.

Ne pas se fier aux apparences. Sous la facture désuète de la chronique provinciale, Ma vie avec James Dean joue avec les clichés pour mieux les détourner et construire une fable libre, queer, fantasque et volontiers immorale. Pour générer le mouvement, le réalisateur place un autre cinéaste au centre du récit  : venu en Normandie présenter son film (« un peu spécial » ou « exigeant »… selon les appellations entendues), Geraud devient celui autour duquel les autres personnages tournent, chacun développant une trajectoire en spirale ou satellitaire.


© Optimale Distribution

Le film tire alors le fil d’un récit porté par le verbe et les incidents de parcours. Dépressions larvées, désirs d’absolu, déclarations passionnées, tout y passe  : il ne s’agit plus de rêver sa vie mais de la vivre, de croire en son destin mais aussi en l’amour. Dialogues décalés, situations absurdes, filatures burlesques s’assemblent au gré d’une narration qui s’amuse de la surprise, des phrases convenues et des faux semblants. Personne ne semble alors vraiment à sa place, faisant à son tour un pas de côté, déjouant les attentes, mêlant vie intérieure et présence terrestre, obéissant à l’instinct pour dévorer l’instant.

Ma vie avec James Dean, film dans le film, celui que Geraud accompagne dans de petits cinémas à la santé fragile et aux improbables spectateurs, sert de catalyseur aux sentiments que le jeune Balthazar éprouve presque brutalement pour le taciturne réalisateur. De ce mystérieux long métrage, le cinéaste ne dévoile que les séquences d’ouverture. On y voit deux hommes dans une maison vide aux papiers peints fleuris. S’adonnant eux aussi à la déambulation, ils semblent se chercher avant de se dévêtir pour mieux se retrouver.


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Le chemin parcouru par Geraud se lit de la même manière. D’abord perdu, incapable de vivre le présent, il se reconstruit en se nourrissant des autres. Il y a Sylvia, celle qui l’a fait venir, constamment imprévisible, Gladys, l’improbable réceptionniste de l’hôtel, Maxence, le surprenant père de Balthazar, l’ouvreur de cinéma qui sait ce qui marche ou pas… toute une galerie de personnages jamais laissés pour compte, tous habilement construits et venant enrichir un récit bienveillant et malin. L’approche volontairement non réaliste leur permet d’évoluer en toute liberté et leur offre un terrain de jeu infini que Dominique Choisy transforme en observatoire des âmes vagabondes.

Le cadre précis, l’image lumineuse faisant la part belle aux couleurs de la côte normande, la mécanique d’un scénario qui repose sur de constantes ruptures de rythme et de ton, la belle partition de Bertrand Belin et la prestation d’une troupe au taquet (Johnny Rasse, Michaël Pelissier, mais aussi Nathalie Richard, Juliette Damiens, Bertrand Belin…) font de Ma vie avec James Dean un film aussi séduisant que précieux. S’inscrivant dans une lignée très française allant de Rohmer à Resnais en passant par Sophie Fillières, Laure Marsac ou Bruno Podalydès, Dominique Choisy livre une fantaisie gourmande et généreuse qui s’habille de légèreté pour mieux toucher au cœur.


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