Il y a ces jeux qui se dévoilent sur la longueur, laissent leur gameplay prendre peu à peu de l’ampleur, dévoilent leurs mécaniques avec le temps; en somme, des jeux qui jouent aux vierges effarouchées avant de se donner pleinement. Et puis il y a Ghostrunner, cette catin.

Oh, ce n’est pas que Ghostrunner manque de subtilité, ni même qu’il donne tout au premier contact, non. Mais il y a clairement un véritable effet WAOW dès que l’on met la main dessus. Le jeu bouge bien. Incroyablement bien. On se sent gorgé en une poignée de secondes d’un véritable sentiment de puissance : on court (vite), on saute (haut), on glisse, on rebondit, on s’amuse. Et on se précipite tête baissée, sûr de son fait, vers notre premier ennemi. Et blam ! On meurt. D’une seule balle, tirée de l’autre bout du niveau. Ghostrunner est un poids lourd lancé à pleine vitesse et fauchant gaiement le moindre gamer inconscient tentant de traverser à pieds l’autoroute des rêves brisés.

« Tu es… en vie ». hmmmmmmm… ça ne va pas durer…

Et ce n’est que le début d’une longue série de morts piteuses, de sanctions immédiates. Parce que Ghostrunner est exigeant. Formidablement exigeant. Le jeu délivre, à chaque fin de niveau, les statistiques du joueur. Alors attendez-vous à voir rabrouer sévèrement votre fierté de gamer. Tenez, un chiffre me concernant : 271. Je suis mort 271 fois (!) au cours d’un seul et même niveau. En à peine 20 minutes. On fait moins le fier d’un coup, je peux vous le dire.

Pour autant, Ghostrunner ne confine pas au plaisir d’esthète hardcore du masochisme vidéoludique. Adoptant un gameplay de parkour urbain à la première personne façon Mirror’s Edge (en gros, imaginez un jeu de plateforme en 3D ultra véloce), le jeu hypnotise littéralement par sa technique de respawn : lorsque vous mourrez, l’action repart quasi instantanément au point de contrôle le plus proche. Une mécanique qui évoque immédiatement l’illustre Super Meat Boy, jeu de plateforme 2D à l’exigence légendaire où la mort était considérée comme une véritable initiation, un passage obligé. Mourir pour apprendre à vivre, coûte que coûte.

Ce respawn instantané gomme pratiquement, et avec une fine intelligence, tout sentiment de frustration qui pourrait naître de cette mécanique outrancière de morts à répétition. Presque jamais, malgré souvent la vitesse de notre passage ad patres (il suffit parfois d’une seule poignée de secondes pour passer l’arme à gauche), on ne perd patience face au challenge. Je dis “presque”, quelques phases de plateformes particulièrement retorses m’ayant néanmoins vu pousser quelques jurons vaillamment sonores dans mon salon. Que voulez-vous… 271 fois, quand même…

aiguisé comme une lame, pointu comme un couteau…

Mais si j’aime autant ce Ghostrunner malgré le plaisir évident qu’il prend à me maltraiter, c’est parce qu’il me renvoie directement en enfance, fait remonter des souvenirs d’après-midis enchantés où je traversais mes premiers jeux de plateformes sur Master System et où, pas encore gamer aguerri, pas tout à fait efficient niveau synchro corporelle et réflexes cybernétiques du haut de mes 12 ans, je suais et je pestais devant un saut à effectuer au pixel près.

Parce qu’il me rappelle ainsi pourquoi je joue encore malgré mon âge vénérable (pour ne pas oublier l’enfant que j’étais), Ghostrunner est au final un jeu plein de tendresse. Si si, je vous assure…

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