Shahranoo Sadat –  » l’orphelinat « 

Non, il ne s’agit pas d’une reprise du très beau film d’épouvante de Juan Antonio Bayona produit par Guillermo Del Toro sorti en 2006 mais d’un film afghan plutôt atypique présenté à la dernière quinzaine des réalisateurs. Seul point commun :  comme le titre l’indique il y est bien question d’orphelinat. A la fin des années 80 dans un pays occupé par l’armée soviétique, le jeune Qodrat, 15 ans survit comme il peut dans les rues de Kaboul.   Sa passion : les films de Bollywood qu’il réinvente sans cesse dans son esprit, rejouant alors les grandes scènes cultes de ses superproductions flamboyantes projetées dans des cinémas de quartier. Attrapé par la police pour un délit mineur – le trafic de places de ciné au marché noir- il est emmené et intégré à l’orphelinat soviétique de la ville, à la veille de grands changements politiques. Qodrat se retrouve enfermé mais aussi paradoxalement protégé dans ce lieu avec d’autres adolescents n’ayant plus de famille.

L'Orphelinat : Photo

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S’inspirant du parcours chaotique d’un de ses amis d’enfance, Shahranoo Sadat signe après Wolf and sheep,  un second long métrage original et surprenant qui évite certains écueils inhérents à la chronique sociale située dans un contexte historique belliqueux. Rien n’est à charge. La jeune cinéaste dresse un portrait sensible d’adolescents livrés à eux-mêmes pris dans la tourmente d’une situation politique complexe. Elle filme les conflits, les rackets mais aussi les amitiés naissantes de ces jeunes qui se serrent les coudes et apprennent à vivre ensemble. Ni critique ni juge des actions des uns et des autres, elle se révèle étrangement bienveillante envers le directeur de l’école et l’un des éducateurs qui transmettent un enseignement de propagande communiste en ayant pourtant l’air de ne pas y croire pleinement, davantage attachés à la sécurité de la petite communauté, victime indirecte du conflit extérieur.

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Inabouti mais charmant, L’Orphelinat surprend par sa manière insolite de combiner des genres à priori antinomiques, alliant cinéma semi documentaire filmé dans un style naturaliste, privilégiant les plans séquences caméra à l’épaule et incursions délirantes, pastiche à peine détourné des mélos made in Bollywood, intégrant la forme colorée et bigarrée du cinéma indien. Shahranoo Sadat a bien digéré les codes visuels de ce genre très populaire en Afghanistan multipliant les zooms, les mouvements de caméra acrobatiques et le montage clip orchestrant des chorégraphies délirantes sur fond musical peuplé de chansons célébrant l’amour. Cette dimension onirique et kitsch, permettant au jeune héros de s’évader et de supporter le réel, souffre parfois d’une approche superficielle et surtout plaquée, n’articulant pas toujours avec fluidité les deux versants du film.

Les inserts fantasmés à la manière de « Bollywood » imaginés par le jeune héros, n’apparaissent pas toujours pertinents, simple prétexte à dédramatiser un sujet grave. Et pourtant, la fin, pirouette délirante qui ressemble presque à du Quentin Tarantino, trouve sa raison d’être en tournant en ridicule les Talibans qui vont désormais imposer l’État islamiste. La dure réalité à venir trouve alors un échappatoire cathartique et éphémère  le temps de cette petite oeuvre pleine de panache et de bonnes intentions qui pâtit d’un scénario déséquilibré mais bénéficie de la fraîcheur de jeunes comédiens non professionnels, tous épatants.

(AFG/ALL/LUX/FRA/QAT/DAN-2019) de Shahranoo Sadat avec Qodratollah Qadiri, Sediga Rasuli, Anwar Hashimi

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