Qu’on se le dise, il ne suffit malheureusement pas de se dire hitchcockien pour l’être et Duelles en est une démonstration criante. Dès la mise en place rétro du décor – nous sommes dans la Belgique des années 60 avec les jolis habits d’époque, la voiture et les coiffures qui vont avec… – on pressent que rien ne va fonctionner. Tout est tellement exposé, disposé soigneusement dans la norme du quotidien historique vintage que le spectateur en est presque gêné. Même la pelouse sent la nostalgie. La comparaison avec ce que Todd Haynes faisait du mélodrame des années 50 dans Carol ou Loin du Paradis est sans appel.

© Versus production

Se dire hitchcockien, juste parce que l’on prend parti de disséminer l’ombre du doute pendant une heure et demie, c’est oublier combien le cinéaste britannique était avant tout un merveilleux styliste. Or, ce qui manque surtout au film d’Olivier Masset-Depasse, c’est justement le style, une forme, une identité qui le fasse sortir de cette sensation de téléfilm luxueux qui défile sous nos yeux. Pour un film à suspense, l’absence de rythme qui provoque une indifférence pour l’enjeu narratif est pour le moins embarrassante. Pourtant, avec un peu moins d’académisme, l’intrigue (inspirée par le roman Derrière la haine de Barbara Abel) était attirante. Dans le Bruxelles des années 60 Céline et Alice, les meilleures amies du monde sont aussi les meilleures voisines, habitant dans une petite zone pavillonnaire très calme. Jusqu’au jour où le fils de Céline se tue en tombant par la fenêtre, avant qu’Alice paniquée ne parvienne à trouver sa mère. Dès lors, Alice est persuadée que Céline la tient pour responsable d’avoir fait preuve d’imprudence et laissé tomber son petit garçon et qu’elle veut se venger en faisant subir le même sort à son bambin à elle. Fantasme ou réalité ?

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On finit par s’en moquer un peu, à vrai dire, car dès lors Olivier Masset-Depasse déroule laborieusement les fils de son thriller paranoïaque en enfilant les archétypes du type « jeune fille recherche appartement », en tombant joyeusement dans les pièges tendus. Nulle audace formelle, nulle recherche visuelle, une esthétique convenue et fade domine le tout, avec une omniprésente musique « lourde de signification » : la menace est tellement partout qu’elle n’a plus d’impact.  Gros plans sur les regards méfiants ou les yeux menaçants, expressions suggérant la folie : les effets sont tellement grossiers que peu importe que ce soit l’une ou l’autre qui soit folle pourvu que ça finisse et vite.  Comme s’il ne faisait pas confiance à son propre film, il surligne, ajoute des flash-backs explicatifs pour revenir à une scène précédente, au cas où on n’aurait pas repéré les détails (ah ah vous n’aviez pas remarqué que ce thé pouvait être empoisonné la première fois ? Je vous remontre la cuillère en plus gros plan). Le thriller aurait pu être fascinant, troublant, dérangeant, il ne suscite que l’ennui. A croire que le cinéaste aura réussi à nous glisser un somnifère dans notre tasse.

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A propos de Olivier ROSSIGNOT

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