Entre études de mœurs, thriller et film de procès, Pascal Plante a réalisé une fiction à la lisière du documentaire, dont les deux héroïnes surprennent et fascinent. Un film rare qui a le courage et l’audace de mettre en scène un duo peu aimable à l‘instar de l‘épatant Eileen de William Oldroyd (pas de date de sortie française pour le moment) qui propose également un tandem féminin hors-norme et dérangeant.

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Les chambres rouges du titre définissent les « Reds Rooms » du « dark web », ces lieux où se déroulent des situations extrêmes, fictives ou réelles, destinées à des spectateurs, anonymes et payants, excités par l’ultra violence porno-sadique et l’interdit. Dans ce film éponyme, l’opaque et mystérieuse Kelly-Anne (interprétée par Juliette Gariépy) va rencontrer à un procès une autre assidue du tribunal, Clémentine (Laurie Babin), son opposé. Elles sont unies uniquement par leur fascination pour cet homme accusé d’avoir violé et assassiné trois adolescentes et d’avoir mis en ligne sur le « dark web », la vidéo de son acte abject commis dans sa « chambre rouge ». Chacune a un point de vue différent mais une même obsession : mettre la main sur l’ultime pièce du puzzle, qui pourrait permettre de définitivement confondre celui que l’on surnomme le Démon de Rosemont : la vidéo manquante de l’un de ses meurtres. Servi par ce formidable duo de comédiennes : la belle et glaciale Kelly-Anne, mannequin au visage lisse et impassible sur lequel viennent se projeter tous les fantasmes et la pimpante et extravertie Clémentine, ces Chambres nous proposent de visiter des coulisses d’habitudes occultées, voire tabou : celle des groupies des serial killers, des femmes subjuguées par la violence et le glauque. Fiction sous haute tension comme le dit son auteur, Les chambres rouges réfléchit (et critique) notre fascination collective envers les meurtriers. Un anti-film de tueur en série, en quelque sorte.

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Ritournelle triste, tendue et obsédante, la musique originale de Dominique Plante fascine et perturbe, au diapason du sujet.Pascal Plante  questionne le côté obscur de nos comportements sur Internet; quand l’illusion de l’anonymat semble nous octroyer une totale impunité, nous permettant de donner libre cours à nos penchants les plus sombres. En ce sens, Les chambres rouges  est totalement cinématographique nous faisant pénétrer dans les contrées les plus secrètes et effrayantes de notre psyché par le truchement de Kelly-Anne et Clémentine.

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Ce troisième long métrage de fiction du cinéaste montréalais – dont le précédent – Nadia, Butterfly – était en sélection officielle au Festival de Cannes en 2020 – confirme sa propre définition de « cinéaste de fiction aux tendances de documentariste ». Les chambres rouges nous poursuivent et nous hantent après vision comme une brûlure à vif, qui pique et rappelle le dangers de jouer avec un feu glacial, un film oxymore. Une omelette norvégienne made in Canada.

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