Roger Corman – « Le Baron Rouge »

Le Baron Rouge (1971) occupe un statut particulier dans la filmographie de Roger Corman, qui, s’il était éclectique dans son inspiration, n’était pas très aguerri au film de guerre. Illustrer le genre n’est clairement pas ce qui intéresse Corman en relatant les aventures du baron Manfred von Richthofen de 23 ans, célèbre pour ses combats aériens héroïques contre les alliés pendant pendant la guerre de 14. Pourtant, à l’origine, Le Baron rouge lui tenait particulièrement à coeur fasciné qu’il était pour cette incarnation des derniers esprits chevaleresques, avatar d’une époque déjà révolue. Au delà de la notion d’ennemi, le réalisateur entrevoit ce jeune homme (incroyable John Philipp Law, pourtant imposé à Corman, mutique, ne laissant passer aucune émotion sur son visage), comme un fantasme, perdu entre son arrogance et son sens de l’honneur d’aristocrate, comme peuvent l’être parfois les samouraïs de Kobayashi ou Kurosawa. L’attirance de Corman pour ce héros n’empêche par le point de vue critique, mais rend le Baron Rouge insaisissable dans tous les sens du terme. Il y a une vraie beauté du regard perdu dans l’utopie, le rêve, le révolu, quelque chose qui échappe totalement au manichéisme … et au cliché.

La production voyait d’un très mauvais oeil que Corman s’intéresse ainsi à un protagoniste qui n’aurait du être qu’un « méchant », c’est la raison pour laquelle le cinéaste transforma ainsi son film en duel, contrebalançant la focalisation du point de vue, vers son adversaire canadien, qui finalement l’intéresse peu. L’absurdité veut que dans la réalité historique, cet aviateur qui abattra le baron était un pleutre, la peur au ventre à l’idée de voler. La United Artists voyait d’un mauvais œil cette position anit et ironique, faisant pression pour que Le Baron Rouge affirme plus clairement sa position anti allemande. Ce fut la dernière expérience de Corman avec les grands studios. Tenté de mettre fin à sa carrière de cinéaste, il ne tournera pas pendant 20 ans. Aussi Le Baron Rouge surprend dans son aspect presque schizophrène, son va-et-vient déstabilisant entre la fascination pour le regard félin de son Baron Rouge, et la nécessité de prendre le parti des alliés. Malgré le sabotage de la United Artists, le regard de Corman persiste, ce portrait de la fin d’une époque, où le combat à la loyale va laisser libre court à la tuerie pure et simple. C’est bien ce qu’on peut voir dans cet engrenage terrible, ce passage du respect de l’ennemi au désir pur et simple d’anéantir. Au delà de la beauté de ses combats aériens, le tiraillement, la fissure, l’incapacité à offrir un point de vue définitif – un jugement – sur cette figure mythique font du Baron Rouge un film totalement atypique, passionnant.

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