Les Filmeurs, quatrième, bilan d’un festival en liberté

Le chapiteau est retombé sur la 4e édition du festival normand Les Filmeurs, et Culturopoing a pu constater sur place, à Conteville, près de Honfleur, que ce rendez-vous champêtre, habité par la passion d’un cinéma changeur qui se partage, généreux, un peu rebelle aussi – mais ne s’annonce-t-il pas comme « un festival en liberté » -, offre en effet des moments rares. C’est un bon chiffre, 4. Quatre comme les Beatles, les mousquetaires, les saisons, les hôtes habituels de ces verts pâturages si on exclut les moutons… Mais puisque le chaleureux événement aura une cinquième (l’appel à candidatures est d’ores et déjà ouvert), il nous semble bon de revenir un peu sur l’édition 2017 pour engager nos lecteurs à se carapater en Normandie l’année prochaine, le week-end suivant la première semaine de juillet.

 

Au-delà de l’expérience immersive de communion que propose le festival – autour des films, projetés sous la toile de la grand tente ou sous les étoiles, la nuit venue, et autour des gais repas, bio, locaux et bien arrosés –, au-delà des rencontres et même des retrouvailles étonnantes – car bien des présents ont retrouvé dans ce bucolique décor normand des gens qu’ils avaient connus sous d’autres horizons, de Paris jusqu’à Kinshasa ! –, le tout dans un esprit général d’amitié et d’ouverture, avec pas mal d’humour et de fantaisie, le sentiment est qu’on prend ici le pouls de quelque chose.

 

On se sent en contact avec un élan, d’abord, celui du filmeur-passeur qui a créé le festival mais aussi celui des réalisateurs en herbe qui viennent présenter des courts-métrages où ils explorent avec ingéniosité et coeur la forme filmique, le montage, l’utilisation du son, le travail des couleurs et de la lumière, pour nous livrer, souvent en floutant la ligne qui sépare fiction et réalité, des récits intimes émouvants que le public a reçu avec la même ferveur, nourrissant sans se faire prier les intéressantes conversations qui ont suivi chaque projection.

 

Ce qu’on goûte, c’est un cinéma indépendant sous forme de dialogue entre le réel et l’âme qui parle de musique dans l’adversité (du film d’ouverture, Kinshasa Symphony de Claus Wischmann et Martin Baer, au film de clôture, le lauréat berlinois Félicité d’Alain Gomis, dont la formidable protagoniste, Véro Tschanda Beya, présente à Conteville, s’est en allée juste après Les Filmeurs recevoir l’Academy Award africain de la meilleure actrice), d’un artiste ermite (Alleluia ! de Jean-Baptiste Alazard), des derniers jeux de l’enfance (Les Herbes hautes de Lou Dalhab), du métier de comédien (en humorisant sur le cirque avignonais tel Jean-Marie Carrel dans Tentative n°4, sur les tournées en province et les metteurs en scène tyranniques tel Emmanuel Broche dans une petite merveille surprise tournée il y a des années avec ses camarades théâtreux, dont Guillaume Gallienne), de la séparation qu’on essaie de comprendre (Sur la terre de Pablo Albandea), du deuil et du souvenir (à travers des dessins comme dans Liste d’Adèle Hamain, Pauline Tiprez, Tara Beaufils et Florian Graff, à travers une autre liste et un atelier de coutume comme dans Le Tablier bleu d’Anne-Lise Maurice), de toute la vie réconciliée en somme, la vie sereine et fourmillante et sublime comme une nuée d’oiseaux, à l’instar du subjuguant Wild Plants de Nicolas Humbert.

 

En vérité, on fait plus, aux Filmeurs, que prendre le pouls du cinéma d’aujourd’hui voire de demain : la pulsation, le battement qu’on y sent, même en dehors des numéros de jazz, c’est celui du cinéma tout court, qui sourd, imperturbable et vigoureux comme une herbe folle jaillissant de la terre pour se jeter dans la lumière.

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A propos de Bénédicte Prot

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