Pietro Francisci – « Destination planète Hydra » (DVD, Artus Films)

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Prévenons d’emblée les amateurs de la science-fiction contemporaine qu’ils risquent de tomber de haut en découvrant Destination planète Hydra, prototype de cette manière unique qu’eurent les cinéastes italiens (entre autres) de s’approprier les grands genres et de les revisiter avec des moyens dérisoires. Réalisé par Pietro Francisci, un vieux routard du cinéma d’exploitation (il a débuté en 1934) et spécialiste du péplum (Les travaux d’Hercule, Hercule, Samson et Ulysse...), le film croule sous ses défauts. Les cyniques et autres adeptes du second degré pourront se régaler en listant les éléments improbables de ce récit saugrenu : un scénario plutôt confus, des effets-spéciaux rudimentaires (un fond noir, quelques loupiotes, une petite maquette et nous voilà propulsés dans le silence éternel de l’espace infini) et de nombreux passages totalement abracadabrants.

Pour la bonne bouche, citons-en deux. D’abord une sortie dans l’espace pour rejoindre un autre vaisseau où nos cosmonautes respirent à l’aide d’une sorte de réglet métallique dans la bouche, laissant supposer que l’accessoiriste ne disposait pas de scaphandres en magasin. Ensuite, arrivé sur la planète Hydra, notre équipage se fait attaquer par des hommes-singes kubrickiens assez croquignolets même si ces malheureux figurants costumés ne savent pas toujours quoi faire devant la caméra et qu’ils se contentent de sautiller sur place !

Bref, le spectateur exigeant ou pressé aura vite fait de cataloguer le film dans la catégorie des « nanars » (terme que je n’aime pas) irrécupérables. Pourtant, comme c’est souvent le cas avec cette science-fiction « vintage », il est difficile de résister au petit charme qu’elle finit par distiller.

Reprenons par le commencement : un professeur découvre, avec l’aide de sa fille et de son assistant, un vaisseau spatial au fond d’un gouffre. Face à face avec des extra-terrestres, ils se font enlever et débute alors un long et rocambolesque voyage intergalactique. Précisons que la découverte de cet OVNI a aussi mis la puce à l’oreille d’agents chinois qui feront dès lors partie du « voyage ».

Si le récit joue classiquement sur la peur engendrée par le nucléaire et sur la menace qu’il fait planer sur la civilisation humaine, ce n’est pas cet aspect qui force l’adhésion mais davantage le ton amusé qu’emploie Francisci.

Destination planète Hydra est un film qui ne se prend jamais au sérieux et le cinéaste semble constamment en rajouter dans le côté farfelu de l’intrigue et des rebondissements. On ne croit pas un seul instant à ces aventures spatiales mais l’humour finit par emporter la mise. A cela, il faut ajouter le charme des deux comédiennes principales qui constitue le principal atout de l’œuvre. D’un côté, il y a l’extra-terrestre en chef Leonora Ruffo qui commande le vaisseau avec beaucoup de prestance et de magnétisme (ses tenues courtes et moulantes n’y sont pas pour rien). De l’autre, l’exubérante Leontine May qui apporte avec elle l’essentiel de l’érotisme désuet du film. Fille du professeur rêvant de devenir comédienne, elle apparaît d’abord en Vénus de Botticelli sur le tournage d’une publicité. Par la suite, toutes ses apparitions seront marquées par ce petit piment érotique qui fait la saveur du bon cinéma « bis » : un tremblement de terre lui donne l’occasion de courir trois fois en chemise et petite culotte devant la caméra gourmande de Francisci et il sera difficile pour le spectateur d’oublier ce moment où les lois de l’apesanteur la font s’élever au plafond en nous permettant d’admirer ses cuisses et ses dessous affriolants (des bas noirs sous une robe rouge). A ce moment précis, difficile aussi de ne pas songer au strip-tease en apesanteur qui ouvre le Barbarella de Vadim tourné deux ans plus tard.

Les deux films partagent d’ailleurs de nombreux points communs : un refus constant de se prendre au sérieux (ce sérieux « scientifique » qui plombe souvent les films de science-fiction), un goût prononcé pour les couleurs acidulés et les ambiances « pop ».

Le résultat ne restera sans doute pas dans les annales même si sa fin millénariste peut faire sourire et étonner un peu. Mais pour le spectateur indulgent amateur de divertissement suranné, il n’y a aucune raison de bouder son plaisir…

Destination planète Hydra (1966) de Pietro Francisci avec Leonora Ruffo, Leontine May, Roland Lesaffre

Éditions Artus Films

Sortie en DVD le 1er septembre 2015

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A propos de Vincent ROUSSEL

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