Cannes 2025 – Cérémonie et film d’ouvertue

Cannes 2025 : ouverture vibrante, engagement, émotion et souffle cinématographique

La 78ᵉ édition du Festival de Cannes s’est ouverte le 13 mai 2025 dans une atmosphère aussi politique et sensible qu’esthétique. Présentée par Laurent Lafitte, élégant maître de cérémonie plus grave qu’à l’accoutumée, la soirée s’est voulue en forme de manifeste pour un ré engagement collectif. Sous les ors du Palais, le cinéma a pris la parole — pour rassembler, pour émouvoir, pour résister, au risque aussi parfois d’en agacer certains qui n’y ont vu qu’afféterie de nantis.

Pas de clinquant inutile ni de gigantisme creux cependant : la scénographie a misé sur la maîtrise du rythme et des alternances de registres émotionnels. Jeux de lumières dorées et respirations musicales pour les temps forts d’une cérémonie au déroulé fluide.

Déjà maître de cérémonie en 2016, Laurent Lafitte a trouvé le ton de circonstance : limpide et ironique sans cynisme, alternant gravité et légèreté. Son hommage aux artisans de l’ombre du cinéma, à la vigilance politique ont contrebalancé l’ auto-dérision de la comparaison de sa filmographie de quelques 67 films à celle de quelqyes 13 films de Stanley Kubrick et ses clins d’œils complices aux invités : Juliette Binoche, Robert De Niro, Léonardo di Caprio.

La présentation du jury du festival a témoigné d’une volonté de refléter la diversité des cinémas contemporains : Halle Berry, Dieudo Hamadi, Hong Sang-soo, Payal Kapadia, Carlos Reygadas, Alba Rohrwacher, Leïla Slimani, et Jeremy Strong.

Juliette Binoche, présidente du jury, a enfoncé le clou de l’engagement en rendant hommage à la photojournaliste palestinienne Fatima Hassouna, tuée à Gaza par la parole comme par le costume : une robe blanche et un voile dissymétriques et orientalistes.

La chanteuse Mylène Farmer, vêtue de noir et de lumière,  est montée sur scène pour interpréter une chanson inédite, dédiée à David Lynch. Dans une performance sobre, presque mystique, elle a murmuré : « Cette chanson est pour celui qui fait parler les rêves. » Sur des images de Twin Peaks, Mulholland Drive ou des photographies du réalisateur projetées en arrière-plan, évoquant son omniprésente absence.

Reprenant son déroulement, la cérémonie a été marquée par l’hommage des plus personnels et respectueux rendu par Leonardo DiCaprio à Robert De Niro. L’acteur, visiblement ému, a salué « un mentor, un frère d’écran, un modèle de rigueur » dans un discours à la fois sincère et plein d’humour discret. Rappelant qu’il lui devait le lancement de sa carrière, et leurs collaborations sur This Boy’s Life, Casino, puis Killers of the Flower Moon, DiCaprio a souligné ce que De Niro incarne pour sa génération : « la preuve qu’on peut traverser Hollywood sans se trahir, en restant du côté de la complexité, de la nuance, de la dignité ». Le ton était moins solennel que complice, avec cette touche d’ironie élégante qui caractérise DiCaprio lorsqu’il parle de ceux qu’il admire. Un passage de relais symbolique entre deux générations d’acteurs qui partagent une même idée du cinéma comme art de la vérité.

Puis est enfin apparu Robert De Niro, Palme d’or d’honneur. D’abord apparaissant sous les traits d’un vieil homme ployant sous l’émotion provoquée par la salve d’applaudissements, l’acteur aux milles visages s’est transformé en quelques secondes en orateur magistral derrière son pupitre. Son discours fort et frontal a dénoncé « les autocrates fascisants », allusion directe à Donald Trump, saluée par une standing ovation.

Quentin Tarantino a marqué les esprits par une intervention aussi brève qu’énergique. Chargé de déclarer officiellement l’ouverture du festival, le réalisateur américain a saisi le micro pour proclamer avec enthousiasme : « C’est un honneur de déclarer le 78ᵉ festival officiellement ouvert ! », avant de le laisser tomber dans un geste théâtral, suscitant les rires et les applaudissements de l’assemblée .

Ce qui se dégage de cette cérémonie d’ouverture, c’est la puissance d’un festival qui a affirmé ses convictions et prises de parties. Inclusif sans posture, cosmopolite sans folklore, politique sans dogmatisme, Cannes 2025 affirme haut et fort sa vocation : faire du cinéma un langage pour comprendre, relier, transformer. Un souffle épique a traversé le Palais ce soir-là.

Un film d’ouverture à l’accueil mitigé : Partir un jour d’Amélie Bonnin

La projection de Partir un jour, premier long métrage d’Amélie Bonnin, a divisé. Porté par la chanteuse de variétés Juliette Armanet, dans son premier rôle principal, et par Bastien Bouillon et autres acteurs confirmés, cette comédie musicale douce-amère à la française explore en mode mineur les doutes d’une génération désorientée, entre désir d’évasion et besoin d’ancrage.

Si l’accueil a été plutôt chaleureux en salle tous ont interrogé les raisons supposées ironiques d’une telle sélection en ouverture de Cannes, l’évocation du sémantisme du départ rivalisant avec des explications farfelues comme des extraterrestres ou des trolls russes.

Ceux qui ont aimé, ont aimé la sincérité, les rappels à la mémoire musicale et le regard tendre porté sur les solitudes modernes. Ils ont aimé l’exploration des tensions entre vie personnelle et carrière, passé et présent, ville et campagne, le tout à travers le regard d’une femme confrontée à des choix de vie cruciaux.

Le genre du film, entre drame intime et comédie musicale douce chantée par des non professionnels, alterne dialogues, chansons populaires et situations nostalgiques. Le film ne cherche pas à tout expliquer, mais à faire ressentir et observer, proposant un équilibre subtil entre récit, émotion et légèreté au risque parfois d’un manque de vigueur ou de profondeur.

La dimension générationnelle et culturelle du film est l’argument essentiel en faveur du film qui convoque des souvenirs d’amours manquées, des tubes des années 1990-2000, et des dynamiques familiales universelles. S’il peut sembler superficiel, le film touche par sa sincérité, sa mélancolie discrète et sa manière de célébrer des vies simples, sans jugement ni prétention.

Ceux qui ont détesté, ont détesté l’aspect téléfilm-karaoké médiocre et convenu au scénario pauvre et clichéique : l’intrigue, centrée sur une cheffe enceinte retournant dans sa province natale paraissant superficielle et sans enjeux réels ;  le mépris parisien pour la « France profonde » s’exprimant en même temps qu’une tentative ratée de mêler sujets sociaux importants (charge mentale, transfuge de classe) à une forme de comédie musicale kitsch (avec des reprises de tubes pop mal interprétées). Le style visuel, les costumes, la direction d’acteurs et même la photographie ont été jugés plutôt laids, malgré la présence de David Cailley, fustigeant une coquille vide, prétentieuse dans ses intentions, mais creuse dans sa réalisation.

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A propos de Frédérique LAMBERT

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