La Semaine de la Critique, une des plus belles sélections du Festival de Cannes ( elle révèle de jeunes réalisateurs en choisissant des premiers et deuxièmes films), s’ est ouverte avec L’ Interêt d’Adam.
Le premier film de Laura Wandel, Un monde (2021), offrait une plongée immersive dans un univers que la réalisatrice belge voulait “miroir de la société”. C’ était l’école, filmée à hauteur d’enfants.
Même principe avec L’ intérêt d’ Adam, sinon que le microcosme choisi comme creuset des dysfonctionnements contemporains est un service de pédiatrie. L’urgence à laquelle est soumis le personnel, le manque de lits, le désarroi des parents, les maltraitances de toutes origines : voilà qui alimente une tension de chaque instant.
Ce n’est pourtant pas dans cette veine du réalisme social que le film se distingue. Il est à cet égard sans grandes surprises : caméra dans la nuque des infirmières (le geste évoque évidemment le plan fétiche les frères Dardenne, influence majeure de Wandel), fluidité du montage qui suit leurs déplacements incessants, plans très rapprochés sur les visages, absence totale de musique. Accumulation de tous les maux de la terre : ici, un père refuse que son fils soit ausculté par une femme, là, une famille nombreuse dont une mère dépassée ne sait venir à bout emplit une chambre de bruit et de fureur…Sans doute fallait-il planter le décor. Dire les maux de l’hôpital et de la société, l’épuisement et le dévouement des soignants. Mais le film ne devient vraiment intéressant que lorsqu’il ose enfin resserrer son propos autour d’un trio : la mère (Anamaria Vartolomei), l’enfant, l’infirmière (Léa Drucker).
Rebecca et Lucie lient une relation ambiguë autour d’Adam, petit garçon de 4 ans amené à l’hôpital pour une fracture causée par la malnutrition. Entre affrontement et compréhension, les deux femmes entament un pas de deux complexe et haletant. Les méandres de leurs pensées et sentiments sont surtout dessinés par les gestes, les déplacements, les regards. Il y a en particulier une très belle attention prêtée aux mains, lavées, désinfectées, expertes, serrées dans un geste d’ amour ou d’emprise. Bien que presque tout se déroule entre les quatre murs de l’hôpital et en quelques heures, le film confine finalement au thriller, ménageant rebondissements et autres courses poursuites. Anamaria Vartolomei campe une magnifique Rebecca, à la fois sauvage et vulnérable, aimante et monstrueuse. Léa Drucker excelle à évoquer dans une même expression, toute en subtilité, la fermeté et la retenue nécessaires à la tâche du soignant, le trouble, la tentation de l’effondrement. Cette double performance est passionnante à regarder.
Belgique, 1h13.
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