Voici quelques temps, Nous étions une armée débarquait au Printemps de Bourges (2023), puis sortait un EP (2024) qui sonnait comme un poignant cri du cœur. Après une tournée des festivals cet été et quelques singles distillés ça et là, le groupe sort cet automne un premier album très attendu. Ainsi, mais le ciel est sublime arrive à point nommé pour fournir une bonne dose de mélancolie en plein cœur de la saison qui se prête le mieux à l’introspection, quand la nature feint de mourir pour mieux renaître.
Léo Nivot (textes et chant) et Rémi Le Taillandier (guitare, programmation machines et chœurs) confirment plus que jamais leur style post-rock crépusculaire, brandissant une poésie parlée-chantée caractéristique. Venus des profondeurs d’une France du déclassement, celle des zones commerciales sans âmes et des industries déclinantes, les deux frères d’arme s’abandonnent à un spleen touchant, fait de textes oscillant entre désespoir et thérapie. Les chansons s’égrainent comme une collections de souvenirs et de sentiments, une sorte de patchwork de pensées, fixées sur des bouts de papier comme autant de papillons épinglés pour leur couleur ou leur beauté.
C’est dans une forme de banalité que le groupe sublime la grisaille. En évoquant par exemple un départ – nécessaire – d’une province natale mésestimée, une rupture sentimentale ou encore la maladie et la mort, Nous étions une armée propose un jeu de piste, un puzzle dont il faut combler les vides. Là où la douleur nous pousserait à enfouir des états d’âme trop douloureux, Léo se fait alchimiste et transforme le plomb en or, acceptant une forme de souffrance pour mieux la mettre à distance.
L’auditeur est donc invité à prendre part à une thérapie bien personnelle. Si le procédé est commun dans les arts, celle-ci se révèle malgré tout bien singulière. Alors que le développement personnel, sous ses formes les plus impersonnelles (!) et infantilisantes, à grand renfort de tutoriels de méditation et autres conseils bien-être pullulent de toutes parts dans une injonction capitaliste au bonheur, la poésie apparaît comme une ultime bravade. Nous étions une armée, groupe punk ? Certainement, d’une certaine manière.
Dans cette forme d’absolue sincérité résident d’ailleurs la grande force mais aussi la principale faiblesse du projet. Celle-ci serait-elle le propre d’une adolescence un peu maudite, laquelle finira par s’assagir dans une forme de résignation ? En effet, dans une tonalité plus rock, le duo rappelle – par l’urgence touchante qui s’en dégage – un groupe tel que Fauve par exemple, lequel a traversé le début des années 10 à l’image d’une étoile filante. Mais pour l’heure, le groupe sillonne les routes de France et profite d’une réelle communion, soirs après soirs avec un public conquis.
Ce nouvel opus apparaît comme un geste romantique définitif, un refus obstiné de céder à une forme d’anesthésie, voire une misanthropie de bon aloi. Nul doute que par sa sincérité, le groupe saura toucher un public qui ne demande qu’à laisser couler quelques larmes en déclamant des phrases définitives sur une mélodie obsédante.
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