À la fois auteure-compositrice-interprète, réalisatrice, cabarettiste et productrice, Robi fait de sa polyvalence une force : ses multiples efforts s’unissent dans un même univers où les disciplines qu’elle investit interagissent avec cohérence. Promesse de la scène indépendante depuis son premier EP éponyme en 2014, elle se chargeait déjà de la production du disque pour son label Les Disques de Joie. Dans un paysage de la chanson française en perpétuelle mutation, partagé entre la recherche de figures mythiques et la découverte de nouvelles voix, elle s’impose à la marge, privilégiant la reconnaissance du public averti à la médiatisation. Elle poursuit une démarche artistique qui tend à gagner en envergure de projet en projet. Sa « Pop sombre et un peu new wave » comme la qualifiait Télérama quelques années auparavant, trouve un nouvel écrin dans son quatrième album : Mantra.
Si elle y développe en apparence une approche plus « classique » de la chanson française, cette impression première est un leurre qui dévoile sa vraie nature au fur et à mesure des pistes. Dès le premier titre Vers où aller, son travail sur les mots, tant vocalement que sur le plan de l’écriture, interpelle : « Vers où / Vers où aller / On va vers où aller / On va vers où ». Sa manière d’user de figures de style (gradations, amplifications, anaphores, épiphores et épanalepses) et d’appréhender la langue comme quelque chose de tangible, presque une matière vivante, retient l’attention. L’approche des mots constitue une première couche d’interprétation avant même le placement de la voix et le chant. La dimension « voyante » de cette écriture n’a rien de démonstratif, elle sert une démarche stylistique et artistique. Cette question (vers où aller ?) formulée en ouverture trace un chemin que l’album va ensuite parcourir, celui d’une renaissance et d’une reconstruction. Cette quête existentielle irrigue tout l’album, tant dans les mots que dans les textures sonores. Un peu moins de quarante minutes plus tard, en conclusion, Demain (cet autre jour) propose une composition plus aérienne et dévoile une énergie nouvelle, plus lumineuse : « La vie pour contour j’irais à sa rencontre », « Cet autre jour que je ne connais pas ». L’esthétique, partiellement rétro-futuriste, affiche une volonté de dissociation dans l’harmonie. Elle assume une identité duelle, renforcée par l’effet d’écho. Des certitudes et une envie d’ailleurs, une base musicale et l’amorce d’une nouvelle couleur. Impulsion temporaire ou futur cap ? L’album se finit sur une note inédite et des points de suspension, avec le paradoxe que son histoire est arrivée à son terme. Un récit d’une quarantaine de minutes où violence douce et poésie tourmentée s’expriment dans une littéralité viscérale, brute et saisissante, contrariée par une interprétation écorchée et sensuelle qui habite les mots. Cette dimension très à vif, n’empêche pas des envolées et virages atmosphériques, à l’instar du très beau Mes Yeux. Entre nappes sonores planantes, arrangements instinctifs et basses lourdes, le morceau rompt avec des compositions minimalistes. Dans un registre plus doux (avec toutefois une once de rugosité), Le mot (pour le dire), faux exercice de style, distille un lyrisme sophistiqué et ludique, où la simplicité initiale est contrebalancée par un vertige progressif. À l’image d’un disque qui se plaît à trahir son enveloppe première tout en refusant de prendre l’auditeur par la main, pour lui laisser des espaces. Un album qui ne se livre jamais totalement, préférant la suggestion à l’éclat, continuant de chercher plutôt que de mettre un point final.
Robi sera en concert au Badaboum le 25 novembre dans le cadre du festival « Les femmes s’en mêlent”.
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