Concours Coin de Mire / Culturopoing – René Clair, Christian-Jaque et Jean Chapot

Si comme nous vous attendez avec impatience les nouveaux titres des Editions Coin de Mire vous allez être heureux. Coin de Mire est pour ainsi dire un éditeur à la fois érudit et populaire qui ne cesse d’exhumer des oeuvres du patrimoine dans de superbes coffrets digibooks, avec livrets, affiches, photos d’exploitations et comme bonus pour les accompagner les réclames publicitaires, bandes-annonces et actualités de l’époque. Les nouveautés du mois sont Souvenirs perdus (1950) de Christian-Jaque, Fanfan La Tulipe (1952) de Christian-Jaque, Brelan d’as (1952) de Henri Verneuil, Les grandes manoeuvres (1955) de René Clair, La poudre d’escampette (1971) de Philippe De Broca et Les granges brûlées (1973) de Jean Chapot.

Pour commencer nous vous proposons de gagner 3 de ces films.

Il est de grands classiques du patrimoine dont on ne se lassera jamais. Et pourtant : ils furent fustigés en leur temps par une certaine critique française, notamment celle des débuts des Cahiers du Cinéma avec les futurs réalisateurs de la Nouvelle Vague, dont le mépris profond perdurera durant plusieurs décennies. En l’occurrence François Truffaut ou Serge Daney détestaient René Clair, et c’est de cette injustice dont parlait si bien Bertrand Tavernier qui ne cessait de répéter combien Les Grandes manœuvres (1955) était un grand film. Il avait raison. Premier film en couleurs de René Clair, Les Grandes manœuvres constitue tout d’abord une réussite esthétique enthousiasmante, une merveille visuelle de tous les instants. L’interprétation est au diapason, du couple Gérard Philipe/ Michèle Morgan  à Yves Robert, en passant par Pierre Dux, Jean Dessailly, Brigitte Bardot et la toujours irrésistible Dany Carrel. Mais surtout, Les Grandes Manœuvres demeure une œuvre d’un romanesque splendide, qui hérite au moins autant de Choderlos de Laclos que de la littérature romantique, tant il fait écho aux Liaisons dangereuses et à ses marivaudages et autres paris sentimentaux fous qui passent insidieusement de la légèreté au tragique. La grande beauté du film de René Clair tient de ce jonglage avec les tons lorsqu’il emploie d’abord les stéréotypes et quiproquos du vaudeville, pour en étudier ensuite la cruauté des conséquences. Il est indispensable de redécouvrir les aventures d’Armand de La Verne, ce beau lieutenant séducteur faisant le pari devant tout le régiment de séduire la première femme venue et se prenant douloureusement à son propre jeu. Avec un art du détail apparemment insignifiant mais qui en crée toute la saveur poétique, la comédie qu’emprunte initialement Les Grandes Manœuvres devient la véritable ennemie, le symptôme d’un monde atroce, de l’emprise du regard collectif moqueur et cruel, qui empêche tout sentiment de se nouer, déniant le droit à l’intime pour mieux provoquer le drame. C’est absolument sublime.

La tradition des films à sketches visait à l’époque de réunir un maximum de têtes connues : plus de stars, plus de chances d’attirer le public. Avec son beau titre poétique, Souvenirs perdus de Christian-Jaque (1950) ne fait donc pas exception à la règle. Et quelle affiche : on y retrouvera, pêle-mêle, Yves Montand, Bernard Blier, François Périer, Pierre Brasseur, Gérard Philipe, Suzy Delair, Danièle Delorme, Edwige Feuillère, Armand Bernard …. et quelques autres ! Voici donc quatre histoires tournant autour d’objets trouvés et comment des péripéties d’êtres bien vivants conduisirent ces choses inanimées à atterrir en un même lieu. Ainsi, une statue d’Osiris, une couronne mortuaire, une cravate de fourrure, et un violon seront en quelque sorte les vestiges d’histoire d’amour, d’illusions, voire de mort sous la plume d’Henri Jeanson, Jacques Prévert, Pierre Prévert et Pierre Véry. Alors que le film à sketches est si souvent inégal, Souvenirs perdus se révèle au contraire qualitativement homogène et son changement de ton d’un segment à l’autre s’avère extrêmement judicieux et réussi, passant allégrement de la bouleversante histoire d’amour à la comédie drôlissime, se payant même le luxe de courtiser l’épouvante avec un Gérard Philipe à contre emploi à la fois pathétique et effrayant.

A peine deux ans après La veuve Couderc de Pierre Granier-Deferre, Les granges brûlées de Jean Chapot (1973) réunit à nouveau Simone Signoret et Alain Delon dans un décor rural, les confrontant à nouveau pour un drame policier dépressif très inspiré par Simenon,  dans lequel les sentiments épousent la froideur de la région. C’est près de Pontarlier, en plein hiver franc-comtois, que le juge Pierre Larcher est en effet envoyé pour élucider le crime d’une jeune femme trouvée poignardée dans la neige. Rapidement ses soupçons se dirigent du côté des granges brûlées, de la famille de Rose Cateux, qui semble imposer aux autres le silence ou faire très attention à ce qu’ils pourraient raconter. La beauté des Granges brûlées tient en quelque sorte à ce choc des civilisations symboliquement incarné par le duo, entre ce juge à la fois idéaliste et désabusé et cette femme qui a tout vécu et regarde lentement sa situation intime et professionnelle se déliter. A travers le destin de Rose, abandonnée progressivement par ses enfants avides de récupérer l’argent du domaine en laissant tomber l’affaire pour partir en ville, c’est la fin d’une époque qui s’annonce, une isolation de plus en plus forte des populations agricoles qui déjà envisagent d’être les derniers. En cela Les Granges brûlées installe une intrigue policière pour mieux la détruire, se moquant rigoureusement de l’identité du coupable pour mieux distiller son amertume, sa dimension quelque peu funèbre. Parmi les éléments les plus étonnants du film, on retiendra l’étonnante partition électro de Jean-Michel Jarre offrant des moments hypnotiques en contrepoint du sordide et rappelant parfois le cinéma de genre italien de la même période. Les seconds rôles sont particulièrement bien écrits avec notamment les interprétations parfaites de Jean Bouise, Paul Crauchet, Catherine Allégret ou Bernard Le Coq. Avec une photo signée Sacha Vierny qui capte à la fois la désolation et la beauté du paysage, voici un beau film à découvrir de la part du peu prolifique Jean Chapot. Dans ces maisons, lorsque les individus parlent, on observe l’haleine froide s’échapper de leur bouche.

En partenariat avec Coin de Mire, nous sommes ravis de vous faire gagner un de ces trois films si vous répondez à ce questionnaire avant le 01/05/2021, minuit.

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A propos de Olivier ROSSIGNOT

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