Projeté dans le cadre des séances Découvertes du Saint André des Arts, on ne peut parler du premier long de Nicolas Bazz sans évoquer au passage l’exemplaire travail de défrichage de Dobrila Diamantis, directrice du prestigieux cinéma. Fidèle à son défunt mari, Roger Diamantis, qui fut le seul à miser sur La Rencontre d’Alain Cavalier en programmant ce futur succès à 13h, lançant ainsi les séances Découvertes, Dobrila Diamantis a ouvert une fenêtre salutaire pour de nombreux films singuliers fragiles, ovnis, venus d’ailleurs. Ce fut (entre moultes autres films) l’occasion de découvrir le magnifique documentaire expérimental de Valérie Minetto L’Echappée.
Parlant d’ovnis, on peut donc actuellement voir au mythique Saint André des Arts, un film de science (low)-fi, bricolé avec peu de moyens mais beaucoup d’idées et porté par une troupe d’acteurs qu’on sent investis et dans leur mission galactique et cinématographique.

Grand tout 3

Soit, l’histoire d’une équipe de scientifiques, menée par Aristote Duchamp (sic), partie pour explorer un trou noir. Damned ! Faisant fi de la dilatation temporelle, ils se retrouveront à 20 000 années-lumière de la Terre, quelque part dans le Grand Tout, ou plutôt le Grand Rien, cet espace aux milles promesses, un grand vide au centre de notre univers. On se souvient que le Grand Tout est le nom d’une théorie fantasmée de la physique moderne, celle qui réunirait les deux grandes théories physiques du XXe siècle, la relativité générale et la mécanique quantique. Beaucoup de théories tentent d’approcher ce Grand Tout (théorie des cordes, géométrie non commutative ou théorie de la gravitation quantique à boucles), mais cette grande unification nous échappe encore. Et si Nicolas Bazz nous proposait rien de moins qu’une visualisation de ce Grand Tout, un trou noir avec trois bouts de ficelles, des ponts d’Einstein-Rosen avec un trombone et une vitesse proche de celle de la lumière avec des points blancs. Pourquoi pas ? Christopher Nolan s’y est bien essayé avec Interstellar !

Grand Tout 1

Le Grand tout est d’emblée un plaisir de spectateur, une garantie de faire la navette entre distraction popcorn et réflexion scientifique bien documentée. Bazz et son équipe ont su insuffler une vraie ambiance, saluons l’excellents sound design et bande son, les décors astucieux et les trouvailles de mise en scène, comme l’écran d’ordinateur qui prend la dictée, le paysage virtuel devant lequel l’équipage déguste son repas, servi dans des boites noires, etc. On sent que les scénaristes sont sincèrement férus de science fiction et bien renseignés sur les trous noirs et autres failles temporelles. Une idée intéressante mais peu exploitée est que les personnages – à la psychologie relativement dépouillée- ont en commun de ne plus avoir d’attache affective sur terre, hormis Niels le mécanicien, dont on apprend au bout d’une heure, la raison de la présence. Coup de théâtre au bout d’une heure, ce qui est un peu long. C’est là que le bât blesse : Le Grand tout pèche par son thème-même : la dilatation temporelle. Même si les informations sont égrenées plutôt habilement, cela vire parfois au didactique récitatif. Le film a un problème de rythme et peut égarer le spectateur en route, oscillant entre contemplation des galaxies et huis-clos figé.
On pourrait aussi s’étonner de retrouver ici cette quête un peu archaïque d’une divinité au sein du Grand Tout, comme si les grandes avancées cosmologiques devaient nécessairement nous emmener vers un mysticisme sans grand intérêt. On eut aimé un découvrir une quête autre, éventuellement sans aucune forme de transcendance.

Grand Tout 2

Nonobstant, pour son audace, son atmosphère réussie et ce pari casse-gueule de faire de la science fiction : une gageure dans le paysage naturaliste du cinéma français, méfiant jusqu’au mépris pour ces genres-là, Le Grand tout force la sympathie. On ne peut qu’encourager et saluer une entreprise aussi culottée, investie et rare. On remercie les doux rêveurs du vaisseau Grand Tout pour leur ambition et leur croyance en leurs rêves- même si on n’y adhère pas intégralement.

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