Jean-Luc  Herbulot – « Dealer »

 Urbain, sec, âpre, speed, rouge. Dealer, le premier long métrage de Jean-Luc Herbulot, déboule dans le merveilleux monde du digital en ce mois d’octobre et c’est plutôt une bonne nouvelle.

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Une bonne nouvelle d’abord car Dealer est un pari réussi. Un très petit budget, une rencontre entre le futur acteur principal / producteur Dan Bronchinson et le réalisateur Jean-Luc Herbulot, une envie de faire un film qui éclabousse, un tournage très court et beaucoup d’énergie, voilà la forme du pari qui va aboutir à Dealer. Et naturellement, il est plus ici question de forme que de fond. On pourra facilement oublier le fond, l’histoire prétexte à ce déchaînement d’énergie brute, pour ne conserver que la forme brute et sauvage. Mais le cinéma n’étant que forme, on a bien ici affaire à un film de cinéma. Une bonne nouvelle ensuite car Dealer est une trouée salutaire dans un paysage cinématographique français pour le moins consensuel, au sein duquel Gaspar Noé est regardé comme un dégénéré et Quentin Dupieux comme un type prétentieux et poseur. Bonne nouvelle enfin car, malgré ses imperfections, Dealer est un bon film.

Dan, petit truand baignant dans un paquet de plans peu rémunérateurs, se voit proposer un gros coup. Pour cela, il est contraint de replonger dans le trafic de coke, sans enthousiasme, mais motivé par l’idée de fuir ce pays qui ne lui offre plus rien avec sa fille. Naturellement, le plan part en sucettes, rien ne se passe comme prévu et Dan est obligé de s’enfoncer dans spirale de mauvais choix. La vie est une tartine de merde et Dan la commence dès le petit-déjeuner. Alors oui, d’une certaine manière, Dealer est un film d’ados biberonnés à GTA ou à la trilogie Pusher, mais le résultat est suffisamment jouissif pour que l’on ne boude son plaisir en raison d’une immaturité assumée. L’humour qui traverse le film nous rappelle que ce qui pourraient être vus comme des clichés du genre (la pute arnarqueuse, le pédé surnommé bouffe-pine, l’arabe de service gentillet, les noirs sanguinaires, les gitans incontrôlables, le truand devenu féru de pâtisserie parce qu’il vient d’avoir une fille) que la vie n’est jamais qu’une caricature d’elle-même, avec ses boursouflures pathétiques et ses infinis déjà-vu. Mention spéciale aux acteurs, ou à la direction d’acteurs, car l’ensemble joue juste (à un ou deux bémols près), ce qui n’était pas donné d’avance au sein de ce tourbillon de rage et de sang.

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On ne peut que remercier l’équipe de Dealer d’avoir eu les cojones de se lancer dans ce projet burné (il sortira accompagné d’une interdiction aux moins de 12 ans en France), un peu à l’image de ce qu’avait voulu faire Jan Kounen avec son Dobermann (même si, justement, Kounen avait oublié la forme). On regrette que le film ne sorte qu’en digital (tout en comprenant les contraintes budgétaires de l’équipe du film et tout en continuant à ne pas comprendre la frilosité des distributeurs français), un écran de cinéma lui allant comme un gant. Ce film, suivant les personnages au plus près, même lors des scènes de meurtres ou de torture, de manière quasi hargneuse nous permet de rêver à un cinéma français qui s’affranchirait de quelques règles de bienséance terriblement contraignantes, d’un cinéma français au sein duquel soufflerait à nouveau un vent de liberté.

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A propos de Marc BOUSQUET

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