Michaël Dacheux – « L’amour debout »

Ce premier film de Michaël Dacheux émeut par sa fragilité crâne, sa grâce délicatement bancale, une série d’oxymores à l’image des tribulations d’un cinéaste déterminé, mais à l’identité en devenir, passionné et en retrait. Peut-être est-ce Michaël Dacheux lui-même ?
En tout cas, ici, c’est Martin, le jeune héros de l’Amour debout.

copyright Epicentre Films

Ce postulat pourrait faire redouter un entrisme cinéastes-cinéphiles français or, et c’est une des belles surprises du film, il n’en n’est rien.
D’abord, avant de parler cinéphilie, il s’agit de suivre un couple dont la trajectoire commune dévie : donc, ledit Martin et Léa, jeune guide à la fois diaphane et habitée, (épatante Adèle Csech). Récit – entre autre – d’initiation, c’est aussi la reconnaissance par Martin de son homosexualité et la possibilité de vivre autrement pour Léa, suite à une rencontre avec un homme à la fois aérien et marin (surprenant et attachant Jean-Christophe Marti). Mais l’Amour debout, c’est autre chose encore, de plus indicible : un film à forte charge émotionnelle qui vous étreint, notamment lors de la bouleversante scène à la Cinémathèque. Pierre Lhomme, chef opérateur et Françoise Lebrun, actrice du cultissime La maman et la Putain, présentent le film du cinéaste, prématurément disparu. Trop ému, Lhomme ne peut continuer à parler de Jean Eustache, suicidé, ses derniers mots s‘étouffent “Je ne peux m’empêcher de penser à Eustache qui aurait été content de nous voir…. Le cinéma pour lui était un élément vital”.
Réussir ainsi à intégrer un moment « volé » de réalité aurait pu être casse-gueule : maladroit, bas bleu, or, le cinéaste fait mouche, la scène touche. C’est là un des quelques tours de voltige du gracieux cinéaste. Car il y a une grâce qui nimbe L’Amour debout d’une aura, fragile comme une bulle. Mais qui dit bulle, dit cocon et abri.

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Fragile, le film l’est dans sa fabrication-même : fait sans moyens, grâce à la détermination du réalisateur et l’engagement de son équipe et de sa productrice, Gaëlle Jones, son tournage s’est déroulé sur un an, un week-end par mois.
Sa narration épouse le rythme de quatre saisons, et oui, comme les contes d’un certain Eric Rohmer. L’épatant Paul Delbreil qui incarne Martin vivait ces week-end comme des retrouvailles, demandant au réalisateur « Comment va Martin ? ». Ce système D d’endurance pour fabriquer un film ne le rend que plus précieux, même si, à sa vision, on ne se pose pas de questions de budget, la délicatesse et en même temps, l’audace de son propos, emportant le morceau.
Du reste, programmateurs et décideurs ont sélectionné L’Amour debout à Cannes, à l’ACID en 2018. Depuis, le film a tourné dans de nombreux festivals : Nice, Lisbonne, Auch, Gand, São Paulo, Bruxelles, Turin, Belfort …
Dacheux évoque son envie de filmer différentes personnes dont la parole est publique, car outre, Martin et Léa, il y a une jeune et brillant scientifique, un conférencier de cinéma…

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Le premier amour masculin –assumé ou pas ?- de Martin lui souffle : « Cette histoire, tu l’as vécu pour de vrai, non ? Alors, elle a existé. »
A l’instar de ce beau film qui nous a traversé avec son alternance de rêverie et de moments du quotidien avec les soucis matériels et les questions existentielles. Le tout, avec sensibilité.
Le talentueux et jeune réalisateur- Michaël Dacheux, mais cela pourrait être les propos de son alter égo cinématographique- confie à propos de son film : « Je l’espère romanesque et frontal ; matérialiste et lyrique ».
Pari réussi. A vous de juger sur place en salles, car comme tout film, L’Amour debout se voit sur grand écran.

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