Marc Dufaud et Thierry Villeneuve – « Pieces of my Life – Daniel Darc »

Pieces of my Life-Daniel Darc sort en cette période transitoire estivale quand les écoliers et lycéens sont en stand-by, oscillant entre le souvenir et les vacances, quand certains arpentent inlassablement la ville morte, que les animaux sont balancés sur la route et que soudain, le sentiment d’abandon prévaut.

Or, le beau film de Marc Dufaud et Thierry Villeneuve convie une palette de ces sentiments en faisant revivre un mort qui, de son vivant, a été la fois fantomatique et bien plus vivant que certains, cramant sa vie par les deux bouts avec une crânerie enfantine, se payant le luxe d’être sans filtre, même quand la célébrité (re)vint -tardivement. L’élégance et la singularité de ce documentaire est de se concentrer sur l’interstice où Daniel D n’était plus ce garçon recherché  de Taxi Girl et pas encore l’interprète au disque d’or de Crève Coeur, récompensé par un espoir de la musique à la fin de sa carrière (sic!).  Pieces of my Life*   reconstitue avec délicatesse – et humour aussi – les fragments de vie d’un garçon tout en zigzags et fulgurances. Avant d’être un film sur Daniel Darc,  Pieces…  est un film de cinéma, sur la croyance en l’image et sa force. Pas seulement parce que l’on y voit des antiques tables de montage Atlas, mais surtout parce les deux cinéastes convoquent des images du passé, le documentaire s’appuyant sur plus de 25 ans d’archives, filmées par et avec Marc Dufaud et le doux et acéré regard de la cadreuse, Florence Levasseur, complice au long cours.

 

© UFO Distribution

Pieces of my Life est d’autant plus attachant qu’il semblait cocher toutes les cases du film casse-gueule : réalisateur (Dufaud) très présent à l’écran, assumant, (voire revendiquant ? – pour ses détracteurs) son amitié avec Daniel ; plans répétés au bord du fétichisme de la pellicule 16mm qui se dévide ; D.D proclamant  son statut d’héroïnomane avec une scène de shoot à l’appui…
Dans ce film accidenté, en dents de scie à l’instar de son personnage central, à la fois poseur et totalement sincère, Darc énonce d’emblée :

Je m’en fous d’avoir l‘air ridicule.

Son intégrité et son refus de la norme épouse celle des réalisateurs qu’on sent en immersion totale avec leur sujet, ce qui n’empêche pas une tendre ironie des deux côtés. Darc demande candidement

Je dois reprendre tes questions ? par exemple, est-ce que tu te piques ? – Oui, je me pique. Ah ! pardon, c’est naze, j’aurais pu trouver autre chose.

Mieux qu’une longue interview ou l’exhumation d’archives (aussi riches soient-elles) le tandem de réalisateurs a su faire revivre Darc, sous forme d’un récit romanesque et cabossé en accord avec le texte de Dufaud :

Dans les années 90, n’en déplaise à Oscar Wilde, on avait plus la tête dans le caniveau que dans les étoiles.

On se perd avec une joie teintée de nostalgie dans cette ville disparue, le Pari(s) perdu des années 90, quand la rue nous appartenait, les cafés étaient nos fiefs et le bitume nos terres. En roi détrôné et superbe, Daniel Darc est un guide suprême, oxymore revendiqué, guide perdu, solitaire fédérant ses troupes, amis et musiciens à vie. Ici, le superbe clip qui accompagne l’injustement sous-estimé  « Nijinski » où on voit jouer derrière une miroir sans tain, lui et ses musiciens attitrés, les non moins charismatiques Georges Betzounis et Rya. Là, ses dérives sur le toit ou le macadam.
Thierry Villeneuve, deuxième cerveau, troisième œil a su assurer un montage efficace, qui donne la juste distance.

© UFO Distribution

Ce documentaire hommage aux poètes du Memphis Rive gauche est un film d’Amitié: celle des deux réalisateurs, dont les noms arrivent au générique au moment où on les voit de dos, filer dans une voiture, à la recherche de la montagne de rushes engrangés par Marc D depuis les 90s.
L’Amitié mimétique entre Dufaud et Darc; l’Amitié musicale entre DD et le guitariste Georges Betzounis, dont D.D disait

 J’ai la chance d’avoir le meilleur guitariste. Ca veut pas dire celui qui joue mieux, mais celui qui a une âme.

Assurément, Daniel Darc en a une.
Pieces of my Life aussi.

*Hommage à Elvis comme nous l’expliquera Marc Dufaud dans l’interview que lui et Thierry Villeneuve nous ont accordée:

Entretien avec Marc Dufaud et Thierry Villeneuve à l’occasion de la sortie de DANIEL DARC, PIECES OF MY LIFE

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