Akané est une jeune fille rêveuse. La veille de son anniversaire, elle se rend chez sa tante antiquaire pour récupérer son cadeau. Dans l’étrange bric-à-brac de la boutique, elle pose sa main sur une pierre magique. S’ouvre soudain un passage secret d’où surgit Hippocrate, un alchimiste venu d’un autre monde. Il veut convaincre Akané qu’elle est la Déesse du vent vert dont parle la légende et qu’elle seule peut éviter la terrible sécheresse qui menace son royaume. Accompagnées par l’alchimiste et son disciple Pipo, Akané et sa tante s’engagent dans un voyage fantastique pour sauver Wonderland.

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Ce nouveau film de Keiichi Hara semble orienter le réalisateur dans une voie plus conventionnelle après des œuvres ayant su, dans des genres très différents, creuser un sillon intime captivant : Un été avec Koo (2007), Colorful (2010), Miss Hokusai (2015). Tout dans Wonderland accuse au départ un certain parfum de déjà-vu. Le film adapte le roman Chikashitsu kara no fushigi na tabi (L’Étrange Voyage depuis la cave) de Sachiko Kachiwaba paru en 1988 et qui était une sorte de relecture japonaise et contemporaine d’Alice au pays des merveilles. Ce postulat ajouté à l’héroïne Akane, jeune fille maussade coincée entre l’enfance et l’adolescence plongée dans un monde imaginaire, laisse planer aussi l’ombre du Voyage de Chihiro d’Hayao Miyazaki. Le film s’inscrit dans la folie Isekai au sein de l’imaginaire japonais actuel (anime, manga, jeu vidéo, light novel) avec ce sous-genre qui consiste à aspirer un personnage de notre réalité à un monde parallèle souvent teinté de fantasy. Le genre n’est pas nouveau loin de là (dans les années 90 les séries Visions d’Escaflowne ou encore L’Autre Monde en furent des fleurons) mais le succès trans-média de Sword Art Online semble avoir contaminé toute la fiction fantastique japonaise.

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Le film dans un premier temps ne brille pas par son originalité, tant par son univers tantôt steampunk assez standard, tantôt plus fantaisiste où plane souvent l’ombre de Ghibli (une rencontre assez loufoque avec des chats contrôleurs de passage). Enfin l’héroïne Akane dans ses attitudes mollassonnes semble plus spectatrice qu’actrice de cet aventure où l’on s’attache plus à Chii, sa truculente compagne de voyage adulte. Le charme finit pourtant par opérer sur ce qui apparaît dans un premier temps comme un défaut de plus, la longueur du récit pourtant ténu qui s’étale sur près de deux heures.

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Akane et Chii ont été projetée dans un monde parallèle qui n’a pas dépassé le stade de la révolution industrielle (d’où le côté steampunk) et menacé par une sécheresse qui en fait disparaître les couleurs. Une fois les enjeux installés et un imaginaire plutôt commun présenté, le film prend donc son envol par la flânerie. Akane et Chii erre joyeusement dans des décors rutilants de rondeurs, de couleurs pastels et d’architectures déroutantes, singulières et familières à la fois. A cela s’ajoute le chara-design de l’artiste russe mariant avec brio les styles mangas et comics pour donner des contours assez originaux aux personnages. Les péripéties relèvent du merveilleux plutôt que de l’aventure pure et dure, les moments contemplatifs et kawaï (le saut dans une mare aux poissons gigantesques) saturant l’image par le sens de la rêverie et fantasmagorie déployé par Hara. C’est en observant et admirant ce monde qui l’entoure que Akane s’y attache et accepte de le sauver, loin de la nature indifférente adoptée dans sa réalité.

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Il n’y a du coup aucun vrai méchant (l’antagoniste principal réservant une surprise) mais des figures en quête d’identité, effrayées de grandir et cherchant leur place. Ce n’est que lorsque cette thématique se dégage réellement que le traitement narratif étrange trouve réellement son sens. Le faste visuel se conjugue ainsi à l’émotion dans la dernière partie et l’on se souvient alors que Keiichi Hara est coutumier du fait de nous égarer ainsi, se souvenir du héros geignard et agaçant de Colorful avant la révélation finale. Wonderland n’est donc par au premier abord l’œuvre la plus personnelle de son auteur, imparfaite mais captivante si l’on daigne s’y laisser emporter. Sa richesse repose d’ailleurs dans le non-dit de certaines pistes passionnantes : et si la mère d’Akane (qui l’envoie chercher un cadeau d’anniversaire qu’on ne verra finalement pas) était la précédente déesse de ce monde imaginaire ?

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