Amsterdam, 1636, en pleine « tulipomanie ». Mariée au marchand vieillissant Cornelis, Sophia s’ennuie. Son mari a beau être amoureux et doux, sa faiblesse au lit n’a d’égal que sa richesse : aucun héritier n’apparaît à l’horizon. Jusqu’au jour où le jeune peintre Jan Von Loos venu croquer le portrait du couple tombe sous le charme de la belle jeune femme…

Cinéaste classique, notamment réalisateur du plaisant 2 soeurs pour un roi, Justin Chadwick confirme ses talents d’illustrateur avec Tulip Fever agréable divertissement historique dominé par une direction artistique particulièrement soignée.

© TF1 Studio

Les inspirations de la peinture hollandaise sont évidemment là, donnant régulièrement au spectateur l’illusion d’être plongé dans un tableau de Vermeer ; Eigil Brylde a extrêmement soigné ce jeu sur l’obscurité, la profondeur des appartements et ces couleurs souvent peu prononcées propre au peintre, dans lesquelles viennent éclater quelques détails plein de vivacité. Il est très agréable de se glisser dans cet univers avec cette sensation de voyage au temps de la splendeur des Provinces Unies et d’être intégré à des toiles de maître. Dans les scènes extérieures – notamment au début – la photo se révèle plus romantique, dans des teintes rappelant à la fois le peintre C. D. Friedrich et The Piano de Jane Campion, notamment dans la vision de cette héroïne, de dos au bord dans la mer, dont la robe bleue vole au vent.  Mais cette beauté reste très en surface, préférant notamment les archétypes et le pittoresque à l’introspection psychologique. Jeune femme amoureuse et adultère, vieux marchand généreux, peintre candide et impétueux, mère supérieure iconoclaste : l’écriture de Tulip Fever lorgne clairement plus vers le roman picaresque que l’étude des sentiments.

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Est-ce dû à l’intervention de Tom Stoppard dans l’adaptation du roman de Deborah Moggach ? Toujours est-il que Tulip Fever retrouve souvent l’humeur des comédies shakespeariennes à la manière de La Nuit des rois ou de Beaucoup de bruit pour rien avec ses quiproquos, ses jeux de subterfuges très théâtraux qui ne visent pas la crédibilité (le principe de l’échange des bébés, la jeune femme qui met en scène sa mort etc.…) ou encore son dénouement. Il rappelle aussi certaines chansons populaires, de celles dont la résolution était heureuse et finissait par faire triompher idéalement le bonheur et l’amour contre la sordide réalité. Autre apport probable du dramaturge britannique et de son intérêt pour la lutte des classes, une volonté très nette d’offrir enfin la victoire aux plus humbles : confier la narration à une servante est un choix particulièrement symbolique ; donner de la voix à la servante, donc.

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Filmé sans génie (notamment dans des séances d’enchères des tulipes particulièrement convenues), si Tulip Fever n’étonne jamais vraiment, il n’en demeure pas moins un spectacle rythmé, plus trépidant dans une dernière partie qui s’emballe à mesure qu’elle s’assombrit un peu. Pour apprécier cette fièvre des tulipes, il est préférable de goûter à un cinéma peu soucieux de faire dans l’originalité (académique diront les méchants) et qui préfère à tragédie et rugosité historique la légèreté, la naïveté et une reconstitution propre et fantasmée comme un conte. Au vu de thèmes plutôt sombres (le mariage forcé, la condition de la femme, l’amour interdit, les rapports sociaux) le parti pris est assez étonnant et finalement plutôt culotté. C’est d’ailleurs un joli trompe l’œil que ses accointances avec La Jeune Fille à la perle, dont il partage l’inspiration visuelle et l’époque mais pas la mélancolie. Si Tulip Fever reste séduisant, c’est aussi grâce à sa distribution : un Christopher Waltz pathétique et sympathique, Tom Hollander succulent gynécologue libidineux mais féministe, une Judi Dench en abbesse truculente. Mais c’est évidemment Alicia Vikander et Dan DeHaan qui construisent un couple délicieux, charnel, pleine de beauté juvénile et de candeur érotique, véritable plaisir pour les yeux.

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