Tout comme le Docteur Frankenstein avec les cadavres, Bach Films exhume les perles tombées dans l’oubli du cinéma fantastique mexicain. Sauf que la démarche de l’éditeur s’inscrit plus dans un désir de partage que dans l’expression d’un ego surdimensionné qui consiste à rivaliser avec Dieu. Cinéaste qui a déjà eu les honneurs d’éditions DVD’s chez l’éditeur pré-cité avec Le miroir de la sorcière et Blue Demon contre le pouvoir satanique, Chano Urueta signe une œuvre gothique qui s’inspire à la fois du célèbre roman de Mary Shelley et de celui de Gaston Leroux, Le fantôme de l’Opéra.

Nora, jeune journaliste qui désespère de trouver un article intéressant à écrire, répond à une mystérieuse petite annonce. L’inconsciente jeune femme va ainsi à la rencontre d’un homme masqué, seule, dans un lieu désert à la nuit tombée. L’homme se révèle être un glorieux chirurgien esthétique disparu depuis plusieurs années. Défiguré depuis la naissance, Hermann Ling vit retranché dans un sombre château qui n’a rien à envier à celui du Comte Dracula et peuplé de mannequins de cire. En découvrant visage du médecin, Nora y voit l’opportunité d’un article, mais aussi  la chance de le sauver de cette haine de l’humanité, et plus particulièrement des femmes, cela va de soit, qui le ronge. Seulement, suite à un quiproquo, le scientifique va replonger dans sa folie…

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Véritable amoureux du fantastique, Chano Urueta en reprend les codes esthétiques et fait évoluer ses personnages dans des décors à la fois gothiques et baroques, baignés de brume et éclairés d’une lumière expressionniste. Le manque de moyens se fait sentir lors de petites maladresses, mais le cinéaste arrive à installer une ambiance avec la complicité de son directeur de la photographie, Victor Herrera. Les plans nocturnes éclairés par des lampadaires évoquent ainsi le Londres de Jack l’Éventreur, le cimetière semble tout droit sorti d’un roman de Bram Stoker et les intérieurs du château, avec ses mannequins de cire, préfigure l’horreur gothique italienne. Dommage que la copie proposée par Bach Films, sombre et griffée, ne rende pas justice à la très belle direction artistique du film.

À partir d’un scénario à première vue basique qui décrit une relation amour/haine entre une belle et une bête et balisé de petites incohérences, Chano Urueta dépeint un monde d’apparences et de préjugés, gangrené par la solitude, où chaque individu semble être coupé de la civilisation et de ses contemporains, où des femmes se baladent esseulées dans des décors brumeux, des quais déserts. Il en est ainsi tant pour le personnage d’Hermann Ling que pour ceux de Nora et de son collègue. Le monstre ressuscité en devient une oeuvre mélancolique, quasi-existentielle.

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Motif récurrent du cinéma d’horreur, la haine des femmes se cristallise dans le pathétique personnage d’Hermann Ling et Le monstre ressuscité de décrire un monde machiste, exsangue d’amour et de compassion. Coiffé d’un chapeau, le visage masqué, le savant fou fait écho au fantôme du roman de Gaston Leroux, amoureux éperdu également rongé par la jalousie et la haine.

Cantonner Le monstre ressuscité à son seul statut de cinéma bis relèverait du mépris tant son réalisateur fait preuve de beaucoup de soin dans sa mise en scène, sa volonté de livrer un film beau et inquiétant, un monstre hybride entre la production fauchée et l’œuvre personnelle d’un authentique et noble amateur du cinéma d’horreur.

Le DVD : Comme indiqué plus haut, la copie ne brille pas par l’excellence de sa qualité. Le film est présenté dans un format 1,37 encodé en 16/9éme. La piste mono propose une version originale sous-titrée français. En bonus, se trouvent une bande-annonce d’époque ainsi qu’une intervention d’Alain Schlockoff, bien plus enthousiaste que lorsqu’il évoque les films de catcheurs mexicains.

Le monstre ressuscité

(Mexique – 1953 – 85min)

Titre original : El monstruo resucitado

Réalisation : Chano Urueta

Scénario : Arduino Maiuri & Chano Urueta

Directeur de la photographie : Victor Herrera

Montage : Jorge Busto

Musique : Raúl Lavista

Interprètes : Miroslava, Carlos Navarro, José Mariá Linares-Rivas, Fernando Wagner, Alberto Mariscal…

Disponible chez Bach Films.

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A propos de Thomas Roland

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