Ninomiya Ryutaro- « Dreaming in between ».

Monsieur Senuada, ancien prof devenu principal adjoint, est bientôt retraité. Dans un cadre resserré, dont le surcadrage permanent redouble l’effet, Ninoyima Ryutaro le suit dans ses déambulations au moment où quelque chose se dérègle: alors qu’en cette période charnière il est tenté de faire un bilan de sa vie, sa mémoire commence à flancher. 

Rien d’ostentatoire ou de racoleur dans la façon de montrer la perte. La scène où le héros oublie par deux fois de payer son addition au restaurant est magnifique de pudeur. Elle dit à elle seule le processus de détérioration à l’oeuvre. Après ce moment révélateur, la vie semble suivre son cours, si ce n’est que Senuada tente de se réapproprier les relations avec sa famille, ses étudiants et ses anciens amis. Il se met à parler, à interroger. Instamment. Il demande à sa femme un geste de tendresse qu’elle lui refuse, éberluée par cette demande incongrue. À cet homme éperdu de renouer le lien avec ceux qui ont jalonné sa vie est toujours faite la même réponse:“tu me fais peur”. Fut-il jadis si froid ou absent pour que son attention aux autres soit aussi suspecte? Aucun flashback ne nous le révélera, tout se passant dans un ici et maintenant fait de vide et de regrets.

 

La beauté du film réside dans ce qu’il ne révèle jamais, et dans son apparente simplicité. Surtout, c’est vraiment au cinéma qu’appartient la tâche de dire l’étiolement d’une mémoire et la difficulté d’une restauration du lien à l’autre. Sans cesse, le réalisateur déjoue nos attentes en termes de filmage des dialogues. Ni les contre-champs ni les répliques ne surviennent quand on les attend. Ils sont escamotés ou arrivent comme à retardement, créant dans le film comme de petites trouées cruelles, qui disent à elles seulement le délitement de la mémoire et l’impossibilité de la communication. Derrière la grande fluidité du récit, resserré autour d’un seul personnage ( jolie prestation de l’acteur Ken Mitsuishi, qui est de presque tous les plans), se lisent comme en filigrane les déchirements d’un être. 

 

Le film a été présenté dans a sélection ACID du festival. 

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A propos de Noëlle Gires

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